Alors que le congrès du Rassemblement national (RN), devant servir de lancement à la campagne de Marine Le Pen, se tient ce week-end à Perpignan, une manifestation nationale contre l’extrême droite avait lieu ce samedi dans la ville. Une respiration dans la plus grande ville française détenue par le RN.
« Nous sommes 3000 rassemblés aujourd’hui, le pari est réussi, nous avons réussi à éclipser le congrès du Rassemblement national », clame au mégaphone un des organisateurs, alors que la manifestation finit son parcours sur place de Catalogne. Là où elle l’avait commencé deux heures plus tôt.
Comme un soupir de soulagement. Voilà un an que les militants perpignanais attendaient une manifestation significative contre l’extrême droite. Dans la seule ville française de plus de 100 000 habitants aux mains du Rassemblement national, la réaction face à l’élection de Louis Aliot au mois de juin dernier n’avait pas été à la hauteur de leurs espérances. « Le soir de l’élection, nous étions une cinquantaine à rappeler devant la mairie que le RN n’est pas un parti comme les autres », se remémore douloureusement Gérard, militant CGT retraité à Perpignan. Et depuis : pas grand-chose d’autre.
Une manifestation de militants, surtout syndicalistes et antifascistes à Perpignan
Près d’un an plus tard, le travail coordonné d’une trentaine de syndicats, associations, partis politiques et autres organisations permet enfin de faire émerger publiquement une opposition à l’extrême droite. Mais avec 3000 participants selon les organisateurs et un peu moins de 2000 selon notre décompte, la manifestation du jour n’a pas eu l’ampleur nationale revendiquée et n’a pas véritablement fait de l’ombre au congrès du RN.
Des militantes et militants se sont certes déplacés de loin, certains depuis Paris, Lyon, et même Strasbourg, mais le gros des rangs est fourni par les bus affrétés – notamment par la CGT – depuis les départements voisins de la région Occitanie. Du côté des locaux, les militants des structures organisatrices sont présents, mais la journée n’a pas fédéré plus largement les Perpignanais. Finalement, cette journée contre l’extrême droite ressemble plus à une manifestation militante régionale que nationale.
Effectivement, peu de personnalités de premier rang ont fait le voyage parmi les partis de gauche, signataires de l’appel national à manifester à Perpignan. Seul le NPA a envoyé un poids lourd en la personne de Philippe Poutou, son candidat à l’élection présidentielle. La France insoumise s’est contentée, comme porte-drapeau, de la députée de l’Hérault, Muriel Ressiguier, l’ancienne présidente de la commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’ultradroite et n’a pas constitué de cortège. Pas plus que Génération.s, qui a dépêché Thomas Portes, le président de l’Observatoire national de l’extrême droite (ONED). Rien pour les Verts, ni personnalité nationale ni défilé en nombre. Seuls deux drapeaux perdus dans la manifestation, tout comme le PCF guère plus visible.
Ainsi, le défilé de ce samedi était surtout composé de militantes et militants syndicalistes ou antifascistes. En tête de la manifestation, derrière un « Ensemble contre l’extrême droite » floqué sur une banderole unitaire et non siglée, le cortège de la CGT suivi de celui de Vigilance et initiatives syndicales antifascistes (VISA), un réseau d’une centaine de structures syndicales regroupant en plus de la centrale de Montreuil, la FSU, Solidaires, le Syndicat de la magistrature ou la CNT-SO.
Venaient ensuite les libertaires (UCL, CNT), le NPA, puis un cortège antifasciste animé par la Jeune Garde, talonné de militantes féministes et de catalanistes venus des deux côtés de la frontière pour fermer la marche.
Banalisation du RN, criminalisation de l’antifascisme
« L’extrême droite est toujours la même, raciste, fasciste, contre les libertés et contre les salariés ». Les figures politiques qui se sont déplacées, Thomas Portes de Générations et Philippe Poutou du NPA, ont beau le marteler, force est de constater que le travail de dédiabolisation entrepris par le parti de Marine Le Pen depuis des années fonctionne pleinement à Perpignan et que l’opposition au RN ne déplace plus les foules.
Pourtant l’ambiance et l’énergie restent de mise dans les rangs des plus jeunes antifascistes qui scandent « il y a trop de fachos dans nos quartiers, il n’y a pas trop d’immigrés, il n’y a pas trop de sans-papiers », entrecoupés du maintenant traditionnels « Siamo tutti antifascisti » ou de « Et tout le monde déteste les fachos ».
En revanche, du côté des autorités, la manifestation contre l’extrême droite reçoit un traitement très particulier. « Le préfet a interdit le transport de matériel pyrotechnique, de produits inflammables, ainsi que de la vente d’alcool », raconte Julien Berthélémy, secrétaire général de l’Union départementale CGT 66 (Pyrénées-Orientales). Le matin de la manifestation, le local du NPA perpignanais a reçu la visite de la police nationale. Un militant ira faire un tour au commissariat avant d’être relâché. « Des intimidations comme on en a l’habitude et qui montrent que le problème de l’extrême droite ne s’arrête pas aux frontières du RN », dénonce Philippe Poutou.
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