En décembre 2018, le gouvernement d’Édouard Philippe alourdissait par décret les sanctions à l’égard des chômeurs, notamment ceux refusant par deux fois une « offre raisonnable d’emploi ». Depuis, la réforme de l’assurance chômage, qui sera promulguée par décrets dans l’été, devrait réduire les droits à l’indemnisation de plus d’un million de chômeurs.
C’était le cadeau de fin d’année du gouvernement. Le 30 décembre 2018 paraissait au journal officiel un décret prévoyant un contrôle accru des chômeurs et de nouvelles sanctions à leur encontre. Ainsi, le refus à deux reprises d’une offre dite raisonnable d’emploi entraîne la suppression pure et simple de l’indemnité pendant un mois. En cas de récidive, ce sont deux mois qui sautent, puis quatre pour un refus supplémentaire. Les mêmes sanctions sont applicables aux chômeurs s’opposant à l’actualisation de leur projet personnalisé d’accès à l’emploi. Celui qui justement permet de définir les « offres raisonnables d’emploi ».
Au mois de février 2019, l’Union syndicale Solidaires avait déposé une première requête sommaire devant la plus haute autorité administrative, à laquelle le gouvernement avait produit un mémoire en défense. Ce lundi 8 juillet à 11 heures, des associations et collectifs de chômeurs (AC, l’Apeis, le MNCP, Recours radiation, la Coordination des intermittents et précaires) ainsi que des syndicats (la CGT des travailleurs privés d’emploi, Sud emploi, Sud culture) ont déposé des écritures complémentaires à la requête initiale. Chaque structure produit des « interventions volontaires » auprès du Conseil d’État, sur un point particulier de la mise en question de la légalité du décret.
Le texte gouvernemental est contesté sur de nombreux points. Parmi ceux-là, le décret présente le tort de placer Pôle emploi en situation de juge et partie. En fait, l’organisme public devient à la fois l’organisme payeur et celui qui sanctionne les chômeurs en supprimant l’indemnisation. « Il s’agit d’une hégémonie de tous les actes professionnels. C’est Pôle emploi qui enquête, identifie les manquements, les évalue, prononce et applique les sanctions, puis instruit les recours quand les gens ne sont pas d’accord », explique Daniel Mémain de Sud Emploi. Avec pour incidence de faire vivre aux salariés de l’organisme public une souffrance éthique affirme le syndicaliste : « on nous empêche de faire notre travail réel qui est celui d’indemniser, de conseiller et d’orienter, pour donner la priorité à ces détections de manquements, à ces contrôles et aux sanctions ».
Un texte « inadmissible et destructeur »
Le flou et l’arbitraire du décret sont également attaqués, notamment le caractère automatisé des sanctions. « Le système industrialise des sanctions qui sont extrêmement lourdes, pouvant aller jusqu’à la suppression des revenus minimums qui normalement font partie des droits fondamentaux », explique Rose Marie Pechallat du collectif Recours radiation. Ainsi, au-delà de l’allocation chômage, les revenus de remplacement comme le RSA ou l’allocation spécifique de solidarité sont également dans le viseur notent les associations et les syndicats dans un texte commun. « Exclues de l’indemnisation et de Pôle emploi, ces personnes iront rejoindre la horde des invisibles », condamnent les signataires.
En vigueur depuis le début de l’année, le décret a déjà des conséquences très concrètes annonce Daniel Mémain de Sud Emploi. « Nous avons des menaces de suicides qui augmentent, des collègues qui sont très mal et écrivent à la direction pour signaler qu’ils ne peuvent plus travailler ainsi » s’alarme le syndicaliste qui espère une décision favorable le plus rapidement possible de la part du Conseil d’État. Parmi les nombreux arguments pour faire annuler le décret du gouvernement : les modalités de sa mise en œuvre. L’avocat des requérants a soulevé des manquements aux règles de procédure. Un élément que le gouvernement regardera peut-être avec attention avant la batterie de décrets que celui-ci doit signer dans l’été sur la réforme de l’assurance chômage.
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