Le 26 février, Édouard Philippe a dressé un constat alarmant de la situation de la SNCF et annoncé la réforme des chemins de fer. Depuis, un argument massue tourne en boucle sur les plateaux de télévision : chaque Français paye 200 € par an pour le transport ferroviaire, qu’il prenne ou non le train. Passé beaucoup plus inaperçu, un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale du 21 février sur les paradis fiscaux rappelle le coût de l’évasion fiscale. Alors, Rapports de force a pris sa calculette.
Selon le rapport Spinetta servant de socle à la volonté du gouvernement de transformer la SNCF, le transport ferroviaire coûterait près de 200 € par an à tous les Français, en plus des billets. Mais de quoi parle-t-on ? En fait, du financement par l’État d’une partie des coûts liés aux 30 000 km de voies ferrées et à l’acheminement de plus de cinq millions de voyageurs par jour. Soit 14 milliards de soutiens publics de l’État à la SNCF, divisés par 67 millions d’habitants. Simpliste comme mode de calcul, mais efficace en tant qu’élément de communication.
Le ministre de l’Action et des comptes publics Gérard Darmanin a même enfoncé le clou en gonflant ce montant à 340 €. Au lieu de diviser le montant injecté par l’État dans le transport ferroviaire par la totalité de la population, il l’a divisé par celui des personnes assujetties à l’impôt, bien moins nombreuses. Ainsi, la facture augmente mécaniquement. Tant pis si cela n’a aucun sens. L’argent public en question provenant certes de l’impôt sur le revenu, mais aussi de la TVA payée par tous ou encore de l’impôt sur les sociétés. Olivier Truchot, journaliste et animateur de l’émission les Grandes Gueules sur RMC, a lui poussé le bouchon en dehors du terrain, fixant le montant déboursé par chaque Français à 1000 €.
Urgence à géométrie variable
Mais une semaine après la remise au gouvernement du rapport Spinetta, un autre rapport était rendu par la commission des finances de l’Assemblée nationale à propos de la création d’une liste française des paradis fiscaux. Celui-ci n’a pas fait l’objet des mêmes commentaires. Le document fait pourtant état des montages complexes d’évitement fiscal qui « siphonnent les ressources publiques au détriment de tous ». Viennent ensuite des estimations donnant le vertige sur les montants concernés.
Ainsi, entre 16 000 et 26 000 milliards d’euros transiteraient chaque année par les paradis fiscaux, selon une estimation de l’ONG Tax justice network. Les banques françaises y détiendraient encore 5,5 milliards, malgré les annonces de conduite vertueuse depuis la crise des subprimes et les scandales du type Panama Papers. Les pertes annuelles de recettes fiscales sont évaluées à 1000 milliards dans l’Union européenne, dont 80 pour la France. Aucun plan d’urgence n’a été annoncé à ce jour.
Pourtant, en reprenant le mode de calcul simplifié du rapport Spinetta sur la SNCF, le coût pour chaque Français de l’évasion fiscale est de 1194 € par an. Presque six fois plus que celui du transport ferroviaire qui lui présente au moins l’avantage d’apporter un service à la collectivité. Mais aucun éditorialiste attentif au porte-monnaie des Français et à l’efficacité des dépenses publiques n’a tiré la sonnette d’alarme. De la même façon, le Crédit d’impôt pour les entreprises (CICE), dont la capacité à créer des emplois est plus que relative, n’est pas présenté comme un coût probable de 305 € par Français en 2018 pour un total estimé de 20,5 milliards d’euros.
En tout cas, avec les 80 milliards d’euros par an manquant dans les finances publiques du fait de l’évitement fiscal, les 14 milliards de coûts pour assurer les déplacements quotidiens de millions de personnes seraient aisément couverts. Même la dette « abyssale » de 50 milliards de l’entreprise publique semblerait à portée de remboursement.
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