Sujets sociaux : cinq syndicats réclament des réponses à Jean Castex

 

Les secrétaires généraux et présidents de cinq des organisations nationales de salariés (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) ont écrit ensemble aujourd’hui au Premier ministre, alors que la France s’enfonce dans la deuxième vague de l’épidémie. Et cela, à la veille de rencontres importantes entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur plusieurs questions sociales brûlantes.

 

Une unité pas si commune. Laurent Berger (CFDT), Philippe Martinez (CGT), Yves Verrier (FO), François Hommeril (CFE-CGC) et Cyril Chabanier (CFTC) ont cosigné un courrier adressé à Jean Castex, mais aussi à Emmanuel Macron en copie. Et ce, malgré les nombreuses divergences qui opposent régulièrement ces cinq-là. Mais en laissant sur le bord du chemin l’UNSA, la FSU et Solidaires. Mettant en avant le « contexte particulier dans lequel se trouve le pays » les leaders des cinq formations syndicales soulignent : « il nous paraît essentiel que le dialogue social se traduise par une écoute et une réponse effective de la part des pouvoirs publics et le respect de l’autonomie de la négociation collective ».

Et les sujets ne manquent pas. Première des demandes syndicales : « une réunion rapide sur l’évaluation des conséquences des ordonnances travail afin de rétablir les droits de représentation collective des salariés à la hauteur des enjeux actuels ». Dans le viseur – parmi l’ensemble des mesures réformant le Code du travail en 2017 – celle créant les comités social et économique (CSE) en fusionnant les comités d’entreprise (CE), délégués du personnel (DP) et comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Avec à la clef, un nombre diminué de représentants des salariés et de droits associés.

À l’appui de leur demande, les syndicats pointent aujourd’hui un « exercice dégradé » du rôle des représentants du personnel dans une période où ils sont « fortement sollicités par les salariés ». En cause selon eux : les ordonnances de 2017 et les mesures sanitaires. De ce point de vue, la diminution par l’exécutif du délai de saisi des CSE pendant la crise sanitaire n’a pas été pour les rassurer. Pas plus que les nombreuses limitations à l’exercice du droit syndical ou au droit de manifestation. Pourtant, pour les cinq signataires du courrier au Premier ministre, ce sont eux qui ont « assurés au mieux la protection de la santé au travail et la continuité des activités essentielles » pendant la crise au printemps.

 

Sortir du flou et du bois

 

Autres dossiers particulièrement épineux : ceux des retraites et de l’assurance chômage. Ici, le gouvernement entretient le flou depuis des mois. Pour la réforme des retraites, votée au forceps avec le 49.3 en première lecture à l’Assemblée nationale, juste avant le confinement, il a tout dit. Et aussi son contraire. De « pas à propos » en mars-avril parce que divisant les Français dans un moment où l’unité était recherchée, la réforme à points est passée à un renvoi, avec des aménagements, à de nouvelles discussions en 2021. Puis, récemment, à une volonté de la mettre en œuvre, dès la crise sanitaire finie, comme un outil de remboursement des dettes contractées pour le Covid-19.

« Nous affirmons, quelles que soient nos analyses et positions sur le fond, que le gouvernement devrait annoncer que l’heure n’est pas de remettre à l’ordre du jour le sujet des retraites », écrivent les responsables des cinq organisations. Pourtant, les divergences ont été fortes sur ce sujet. La CGT et FO étant clairement dans le camp du refus, pendant que la CFDT et la CFTC penchaient dans celui de l’acceptation, voire de la promotion du nouveau système proposé par Emmanuel Macron. Aujourd’hui, elles sont unanimes pour rejeter tout retour de la réforme dans cette période de crise.

Autre sujet d’accord entre syndicats, et ce depuis longtemps, le rejet de la réforme de l’assurance maladie. « Nous renouvelons la nécessité que la réforme de l’assurance chômage, décidée en juin 2019, reportée finalement jusqu’à la fin de l’année 2020, soit abandonnée au profit du retour aux dispositions de la convention qui avait été négociée en 2017, qui pourrait ainsi être prorogée d’une année », affirment-elles. Sur ce dossier, le gouvernement traîne la patte depuis le mois d’avril, en continuant à expliquer que sa réforme est une bonne réforme. De mauvaise grâce, il a repoussé son application pleine et entière au 1er janvier 2021, mais de nouvelles annonces doivent intervenir d’ici quelques semaines. L’assurance chômage, comme la réforme des retraites, seront à l’ordre du jour d’une conférence nationale de dialogue social avec le gouvernement à la fin du mois. Probablement le 26 octobre.

 

Le jour d’après

 

Enfin, les syndicats se rappellent aux bons souvenirs, vite oubliés, des élans présidentiels sur un « jour d’après » qui ne pourrait ressembler aux jours d’avant. « Nos confédérations syndicales exigent dans le même temps une réunion d’urgence consacrée à la reconnaissance effective du rôle essentiel des salariés et salariées des emplois dits de la deuxième ligne qui doit se traduire sans délai par une revalorisation des salaires, conditions de travail, d’emploi et de carrières ». Des promesses vites oubliées par l’exécutif, et par un patronat qui regarde ailleurs.

À propos des « jours heureux », induisant un changement de cap politique, évoqués par le président de la République au printemps, les syndicats demandent à ce que les aides aux entreprises du plan de relance à 100 milliards d’euros du gouvernement « conduisent effectivement à préserver les emplois, les salaires et les garanties collectives ». Pour ce faire, elles réclament « de véritables engagements » en contreparties et des contrôles « quant à leur mise en œuvre effective à court, moyen et long terme ». Soit à peu près l’inverse de ce que propose le gouvernement pour les entreprises. À savoir la confiance.

Les syndicats seront-ils entendus sur tous ces points ? Pas sûr ! Même si, pour l’occasion, ils tirent dans la même direction. Mais il est vrai que comme pour d’autres sujets, les promesses de changement dans les relations du président avec les organisations syndicales paraissent faire partie de la préhistoire. L’idée de ramener la CFDT dans le jeu a fait long feu. Peut-être une motivation pour Laurent Berger de jouer, au moins un temps, un nouveau cadre syndical unitaire avec la CGT et FO.