Grèves, libertés et justice sociale


 

Salarié.es du médico-social ou AED, travailleurs de l’aéronautique ou de General Electric, cette semaine a été marquée par de nombreuses luttes et se terminera d’ailleurs par une grande convergence entre les cortèges contre la loi de sécurité globale et les manifestations annuelles contre le chômage. En parallèle, la police reste sous le feu des projecteurs et le monde du travail est la cible de nombreuses transformations. A suivre dans notre récap !

 

Grèves et mobilisations

 

Médico-social : les oublié.es du Ségur en grève

 

La crise sanitaire a exacerbé le manque de moyens, le Ségur de la Santé a cristallisé leur colère : le 3 décembre, les professionnels du social et du médico-social étaient en grève. Près de cinquante manifestations ont eu lieu, du Havre à Toulouse. À Paris, le rassemblement a réuni près de 600 personnes devant le ministère des Solidarités et de la Santé, où une délégation était reçue (notre article).

 

Manifestation des AED

 

Pour la première fois depuis la création de ce statut qui a remplacé les emplois étudiants de « pions » en 2003, les assistants d’éducation se sont mis en grève le 1er décembre aux quatre coins du pays. « Tu as toujours peur que ton contrat ne soit pas renouvelé. Il y a une multitude de temps partiels et le travail d’AED, c’est plus de 40 heures semaines pour un SMIC. Avec une absence de formations, de débouchés, et aucune qualification au terme des 6 années, alors que ces 40 heures par semaine ne laissent pas de temps pour faire autre chose », nous résume un gréviste (notre article).

 

Les grévistes de General Electric interpellent Bruno Le Maire

 

En grève depuis le 23 novembre contre des suppressions d’emplois massives (notre article), les salariés de General Electric à Villeurbanne et Saint-Priest (banlieue lyonnaise) sont montés à Paris pour interpeller le ministre de l’économie mardi. « General Electric peut et doit améliorer son plan social », a concédé Bruno Le Maire. Aucun doute, la multinationale américaine tremble déjà.

 

Aéronautique toujours en lutte

 

Les grèves essaiment en région toulousaine contre les nombreux plans sociaux imposés aux salariés de l’aéronautique. Cette semaine, un piquet s’est tenu devant l’entreprise Cauquil qui supprime une trentaine de postes sur 80. Les salariés de Latelec, filiale du groupe Latécoère, ont également entamé un mouvement de grève devant leurs locaux de Labège, contre un plan social qui prévoit 130 suppressions de postes.

 

Raffinerie de Donges

 

Dans un contexte de crise économique et sanitaire, Total a annoncé la semaine passée la fermeture temporaire de sa raffinerie de Donges, en Loire-Atlantique, pour cause de baisse de la consommation de carburants. Ce lundi, les salariés de la raffinerie étaient donc en grève.

 

A prévoir :

Grève chez EDF le 10 décembre

 

Après une grève très suivie le 26 novembre, une intersyndicale lance une nouvelle journée de grève le 10 décembre pour s’opposer au projet de réorganisation du groupe dit « projet Hercule », qui menace selon eux des emplois. La précédente journée de grève des salariés d’EDF contre Hercule, jeudi 26 novembre, a été suivie par 31,6% des effectifs (selon les chiffres du groupe).

 

RATP

 

Après une grève déplacée pour cause de Covid, la RATP annonce une nouvelle date : le 17 décembre.

 

Manif enseignement supérieur et recherche le 10 décembre

 

Les facs ne désarment pas jeudi 10 décembre, une large intersyndicale, soutenue par des collectifs et organisations politiques appellent à une journée de grève et de manifestation partout en France pour que la « loi de programmation de la recherche » ne soit pas promulguée et pour le retrait de la « loi de sécurité globale ».

 

Sécurité globale, police, répression

 

28 novembre – 5 décembre : d’une manif à l’autre

 

Après le succès des marches pour la liberté du 28 novembre, le collectif Stop loi sécurité globale appelle à une marche des libertés et de la justice à Paris et partout ailleurs. Une mobilisation contre la loi sur la sécurité globale qui fera sa jonction avec les manifestations déjà programmées contre le chômage et pour l’emploi, comme son nouvel intitulé le laisse entendre. Effet de la forte mobilisation de la semaine dernière, l’exécutif a annoncé dans la plus grande confusion une réécriture de l’article 24.

 

Confiance en baisse pour la police

 

Selon un sondage publié le 2 décembre par l’institut Elabe, la confiance envers la police recule. Moins 9 points en 6 mois, et même moins 16 points depuis avril 2019, pour s’établir aujourd’hui à 60 % de la population. Ce recul général est particulièrement marqué chez les jeunes (47 % de confiance : – 18 points en 6 mois), dans les classes populaires (54 % de confiance : -12 points). Mais aussi, et c’est à noter, auprès des habitants des petites agglomérations (59 % de confiance : – 22 points).

 

Mises en examen dans l’affaire Michel Zecler

 

C’est assez rare : quatre des policiers présents lors de l’arrestation du producteur de musique Michel Zecler ont été mis en examen dimanche et lundi pour « violences volontaires par personnes détentrices de l’autorité publique ». Trois d’entre eux sont également poursuivis pour « faux en écriture publique ». Le juge des libertés et de la détention a décidé de placer deux des quatre agents en détention provisoire.

 

Zineb Redouane : une plainte contre Castaner

 

La fille de Zineb Redouane, une vieille dame de 80 ans morte en décembre 2018 à Marseille, a porté plainte le 1er décembre devant la cour de justice de la République. Sa mère avait été touchée au visage par une grenade lacrymogène alors qu’elle regardait depuis sa fenêtre une manifestation de gilets jaunes. Jusqu’ici, les investigations n’ont même pas permis d’identifier l’auteur du tir. La plainte vise l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, alors que cette semaine le média Disclore publie une enquête sous forme de contre-expertise qui contredit la version officielle.

 

La police tire, la préfecture ment

 

Les faits remontent au 30 avril 2019, mais ont été révélés par Mediapart dimanche dernier, vidéo à l’appui. Des policiers de la BAC ont tiré sans sommation sur 6 jeunes n’ayant pas commis de délit à l’occasion d’une interpellation violente. Deux balles ont atteint l’habitacle du véhicule, passant à quelques centimètres de la tête d’un des passagers, sans que la préfecture ne prenne aucune mesure par la suite. Joint par le journal, celle-ci a même menti en affirmant que le parquet avait conclu à la légitime défense.

 

Dissolution du comité contre l’islamophobie

 

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé la dissolution du comité contre l’islamophobie en France lors du conseil des ministres du 2 décembre. Une dissolution en tant qu’association de fait, le comité ayant annoncé son autodissolution la semaine dernière. Et une décision fortement critiquée de façon préventive par Amnesty International qui y voyait une « menace pour les libertés ». La semaine prochaine, le projet de loi sur le séparatisme sera débattu en conseil des ministres.

 

Travail et protection sociale

 

Réforme des retraites : chaud, froid et enterrement prolongé

 

Une séquence en trois actes. Dimanche, Bruno Le Maire expliquait que la réforme devait être la priorité absolue, avant d’être recadré par la ministre du Travail : « la priorité absolue, c’est de sortir la crise sanitaire économique, sociale, de protéger les emplois ». Enfin, pour trancher le débat, Emmanuel Macron a expliqué mercredi devant les présidents de groupe du Sénat que la réforme ne serait pas relancée avant la fin de la crise sanitaire et économique. Soit pas avant l’été prochain au mieux. Et donc, campagne présidentielle oblige, probablement pas sous son mandat. À moins de prendre le risque d’une explosion sociale et d’une lourde défaite en 2022.

 

Pas de coup de pouce sur le SMIC

 

Les promesses d’une revalorisation des métiers essentiels, souvent payés au SMIC, ont vite été oubliées. Le SMIC ne devrait pas être augmenté au-delà de sa revalorisation automatique. Soit 1 à 1,2 % au 1er janvier 2021. C’est ce qu’a annoncé Jean Castex en milieu de semaine, s’appuyant en cela sur l’avis d’un rapport d’expert remis à la ministre du Travail mardi. Celui-ci comme tous les ans ne recommande pas de coup de pouce.

 

L’État offre dix jours de congés payés aux entreprises

 

Un coup de pouce est par contre prévu pour les entreprises fermées ou dont l’activité s’est écroulée lors des deux confinements. L’État prendra à sa charge, à la place des entreprises, le paiement de 10 jours de congés de leurs salariés placés en activité partielle. Ces jours seront imposés aux salariés entre le 1er et le 20 janvier 2021 pour épurer le « stock » de congés. La condition : avoir été fermé 140 jours en 2020 ou avoir subi une baisse de 90 % de son chiffre d’affaires. Les secteurs visés sont la restauration, l’hôtellerie ou le tourisme. Seule « compensation » pour les salariés : ces 10 jours seront payés à 100 % de la rémunération et non à 84 %.

 

Le chômage partiel ouvre des droits à la retraite, mais moins

 

L’activité partielle ouvre-t-elle les mêmes droits à la retraite que le travail ? Pas tout à fait. Par un décret publié mercredi au Journal Officiel, le gouvernement a fixé à 220, le nombre d’heures indemnisées par l’activité partielle nécessaires pour valider un trimestre de cotisation pour la retraite. Normalement, un trimestre équivaux à un minimum de 150 heures payées au SMIC. Une différence significative. Et pas en faveur des salariés placés en chômage partiel.

 

Le projet de loi de finances de la Sécurité sociale adopté

 

C’est fini. L’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) lundi 30 novembre. Malgré une augmentation de son budget global, essentiellement du fait des mesures du Ségur de la Santé et des dépenses liées à l’épidémie, le PLFSS 2021 ne présente pas de changement de cap en matière de « maîtrise des dépenses ». L’hôpital, hors dépenses exceptionnelles, se voyant même devoir faire des économies de près d’un milliard d’euros.

 

Territoires « Zéro chômeur »

 

Lundi 30 novembre, le Parlement a adopté une proposition de loi passant de 10 à 60 le nombre de territoires de l’expérience « zéro chômeur de longue durée ». Il s’agit d’utiliser des sommes de l’État ou des collectivités territoriales servant à indemniser les chômeurs ou financer des minimas sociaux pour les diriger vers des entreprises à but d’emploi. Celles-ci doivent recruter des chômeurs de longue durée en CDI pour occuper des emplois socialement utiles et n’entrant pas en concurrence avec le marché du travail. Une troisième phase du projet pourrait conduire à la généralisation du dispositif.

 

International 

 

Répression à Hong-Kong

 

Joushua Wong, Agnès Show et Ivan Lam ont été condamnés respectivement à 13,5 mois, 10 mois et 7 mois de prison. Leader du mouvement « pro démocratie » de Hong-Kong, la justice les a reconnus coupables d’avoir incité ou organisé une manifestation non autorisée l’année dernière.

 

Grève des fermiers en Inde

 

En Inde, des dizaines de milliers de paysans protestent contre la libéralisation de l’agriculture et les lois adoptées il y a deux mois par le gouvernement fédéral. Venus principalement de la région du Pendjab, ils bloquent depuis le début de la semaine plusieurs points d’entrée dans New Delhi et demandent à pouvoir entrer pour manifester dans la capitale, ce que le gouvernement fédéral refuse.

 

Et aussi

 

Blanquer et ses syndicats jaunes

 

La semaine dernière, on apprenait par Libération que le ministre Jean-Michel Blanquer avait fomenté la création d’un syndicat lycéen acquis à ses idées : Avenir lycéen. Cette semaine on découvre que ce n’était qu’un début. Un Avenir étudiant , un Avenir enseignant, un Avenir éducation devaient se développer. Une intersyndicale regroupant le Snes Fsu, le Snuep Fsu, la Cgt, FO, Sud et les organisations lycéennes Mnl, Unl et Fidl exige la mise en place d’une enquête indépendante pour faire le jour sur les manigances du ministre.

 

Des métaux lourds dans les désherbants

 

Neuf associations environnementales ont décidé mardi 1er décembre de porter plainte contre X pour fraudes à l’étiquetage et mise en danger de la vie d’autrui et contre l’État pour carence fautive. Elles ont retrouvé des traces de métaux lourds dans quatorze désherbants.

 

Amazon ne passera pas

 

Quelque 1500 personnes selon la préfecture, plus de 2000 selon les organisateurs, ont manifesté samedi à Montbert près de Nantes, contre l’implantation du géant de l’e-commerce américain Amazon et dénoncer l’impact néfaste de ce projet pour l’économie locale.

 

Plan vaccin

 

Jean Castex a confirmé ce jeudi que la France a commandé 200 millions de doses de vaccin par le biais de l’appel d’offres européen. Cette commande doit permettre de vacciner tous les Français, tout en se réservant une marge supplémentaire. Le chef du gouvernement rappelle en effet que certains vaccins nécessitent deux injections en l’espace de quelques semaines. En parallèle, cette semaine, le nombre de morts de l’épidémie dans le monde dépassait 1,5 M de morts.

 

Rubrique nécrologique

 

Valéry Giscard d’Estaing est mort.