grève énergie

La plus grosse grève pour les salaires se prépare dans l’énergie

 

Ce 2 juin, plus de 150 entreprises de l’industrie électrique et gazière sont appelées à entrer en grève pour une durée indéterminée. Alors que depuis septembre, la bataille pour l’augmentation des salaires a lieu boîte par boîte, les 4 fédérations syndicales de l’énergie tentent désormais de mettre en branle toute une branche professionnelle pour négocier des augmentations de salaire. Mais rien n’est joué.

 

« Nous attendons beaucoup de cette journée du 2 juin. » Au téléphone, la voix de Stéphane Chérigié, secrétaire national de la fédération CFE-CGC Énergies se pare du manteau de la gravité. La séquence de lutte sur les salaires annoncée jeudi prochain dans les industries électriques et gazières (IEG) élève encore d’un cran le niveau de conflictualité dans la période.

Depuis septembre, les grèves pour les augmentations de salaire se multiplient dans les entreprises sur fond d’inflation galopante. « Mais c’est la première fois que toutes les fédérations syndicales d’un même secteur professionnel se mobilisent sur ce mot d’ordre », affirme Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT en charge de la question des salaires. De fait, malgré plusieurs journées de grèves interprofessionnelles peu mobilisatrices début 2022, les luttes pour l’augmentation des salaires ont jusqu’alors peiné à sortir de l’enceinte des entreprises.

Mais la donne change ce 2 juin. Plus de 160 entreprises et près de 140 000 salarié•es sont concernés par un préavis de grève réunissant la totalité des fédérations syndicales représentatives dans la branche des IEG : la CGT, la CFE-CGC, la CFDT et FO. Objectif : obtenir 4,5% d’augmentation du salaire national de base (SNB), commun à toute la branche.

 

Une grève pour les salaires incertaine dans l’énergie

 

Le succès de cette lutte est pourtant loin d’être garanti. Et les syndicats comptent profiter des premières journées pour prendre la température côté salarié•es. « La dernière fois que nous avons appelé à une grève sur les salaires dans l’énergie ça n’a pas vraiment pris », regrette Stéphane Chérigié de la CFE-CGC. « À Lyon nous n’avons pas encore fixé de rassemblement régional…et c’est possible qu’il n’y en ait pas. Nous attendons de voir quel sera le niveau de mobilisation le 2 juin pour aviser », confie Juliette Lamoine, secrétaire générale de la CGT Énergie Lyon.

Les modes de luttes à déployer ce jour-là restent aussi à préciser. Si les responsables des deux syndicats majoritaires dans la branche (la CGT avec près de 40% des voix aux élections et la CFE-CGC avec environ 27%) ont bien la grève en ligne de mire, ce n’est pas forcément le cas de la fédération CFDT de l’énergie. Le communiqué d’appel à la lutte, signé par les 4 fédérations syndicales le 18 mai, évoque donc une « mobilisation générale » mais n’utilise pas le mot « grève ». « Les fédérations syndicales n’ont pas toutes la même culture. Mais il y aura des grèves et des reprises en main de l’outil de travail, un peu partout. Les salarié•es restent décisionnaires dans leurs entreprises », assure Fabrice Coudour de la CGT.

 

Un salaire national de base qui n’augmente presque pas

 

La branche des industries électriques et gazières (IEG) dispose toutefois d’un atout. Si une lutte commune à plus de 150 entreprises est possible, c’est parce que les salaires de tous les salarié•es de cette branche sont soumis au statut des IEG et voient leur salaire dépendre du SNB (salaire national de base). « C’est un montant qui est remis à niveau chaque année. C’est un peu notre SMIC à nous sauf qu’il augmente beaucoup moins vite », décrypte Fabrice Coudour.

De fait ces dernières années le SNB a augmenté entre 0 et 0,3% par an alors que les dernières prévisions de l’INSEE établissent que l’inflation pourrait se porter à 5,4% sur un an dès juin. « Les employeurs ont l’habitude de considérer que la hausse du SNB ajoutée à l’évolution normale du salaire due à l’ancienneté comble l’inflation. Or depuis que celle-ci explose, ce n’est plus le cas », explique Stéphane Chérigié, de la CFE-CGC. « Sur les 10 dernières années, on considère qu’on a perdu 10% de pouvoir d’achat », abonde Fabrice Coudour.

 

Des patrons qui ne plient pas

 

Face à eux, les salarié•es de l’énergie peuvent compter sur leurs dirigeants pour leur mener la vie dure. Au sein de l’instance de négociation de branche, la CPPNI, les deux fédérations patronales restent sourdes à leurs alertes. « Nous avons posé notre préavis de grève bien en amont. Ça leur laissait le temps d’ouvrir de nouvelles négociations, mais ils n’ont pas bougé », rappelle Stéphane Chérigé. « La CPPNI nous renvoie aux négociations salariales qui ont lieu en entreprise… et les entreprises nous renvoient à la branche. On a le sentiment qu’ils jouent la montre en attendant que les législatives passent », renchérit Fabrice Coudour.

Pourtant, la question des salaires est posée de longue date par les fédérations : le 25 janvier, la CGT appelait déjà à 3 jours de grève sur les salaires dans l’énergie, sans faire fondamentalement bouger les lignes. « Et ça c’était avant même la guerre en Ukraine ! Il est important de noter que le mouvement de janvier a pris une forme que nous n’avions pas prévue : des grèves longues ont émergé notamment chez RTE à Nantes et se sont répandues un peu partout sur le territoire », explique Fabrice Coudour. La séquence de lutte qui va débuter le 2 juin permettra donc à ces grèves éparses de retrouver un cadre commun. Assurément, la journée sera scrutée de près par le ministre de l’économie Bruno Le Maire, qui craint un mouvement social d’ampleur sur la question des salaires et a déjà demandé aux patrons de lâcher du lest.