Aujourd’hui menacée de dissolution par Bruno Retailleau, la Jeune Garde mène la lutte antifasciste et obtient des victoires depuis 2018. Retour sur ces 8 années d’existence avec Cem Yoldas, porte-parole de la Jeune Garde.
Le 29 avril, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a annoncé qu’il allait engager une procédure de dissolution de la Jeune Garde, organisation antifasciste créée en 2018 à Lyon et qui dispose désormais de groupes à Montpellier, Paris, Strasbourg, Aix-en-Provence et Marseille. Le lendemain, il a ajouté vouloir dissoudre Lyon Populaire, organisation nationaliste révolutionnaire, renvoyant dos à dos fascistes et antifascistes. Pourtant, comme Rapports de force le rappelait dans son travail de recension des violences d’extrême droite, la violence est bien du côté des fascistes. Cet interview de Cem Yoldas doit permettre de comprendre en quoi a consisté le travail concret de la Jeune Garde ces dernières années.
Pourquoi avoir fondé la Jeune Garde et quel était votre constat en 2018 lors de sa création ?
Lorsqu’on a créé la Jeune Garde en 2018, le constat était simple et alarmant : l’extrême droite montait en puissance, et cela se traduisait par des agressions dans la rues contre des militants, des personnes racisées ou lors d’attaques de manifestations. À cette époque, le Bastion Social s’implantait dans plusieurs villes.
Notre travail de rue s’est d’abord concentré sur la fermeture des locaux de ces groupes. Ces espaces n’étaient pas seulement des lieux de réunion, mais de véritables bases arrière pour préparer et perpétrer des agressions. Fermer ces locaux, c’était couper l’herbe sous le pied à ces groupes. Nous avons donc mené des campagnes en informant les habitants et les commerçants pour que la population elle-même s’oppose à ces implantations. Cela a été fait de manière unitaire à Lyon avec le collectif Fermons les locaux fascistes, avec qui nous avons organisé plusieurs manifestations. Autre stratégie importante : le porte-parolat. Notamment avec Raphaël Arnault et moi. Ce n’est pas un rôle simple puisqu’il nous expose à la violence des fascistes mais il nous a permis d’avoir une visibilité médiatique plus forte, différente de ce qui se faisait avant dans l’antifascisme où les militants ne se montraient pas..
Cette stratégie a fonctionné. À Lyon, par exemple, il y avait 7 locaux d’extrême droite en 2017, tous ont fermé. À Lille, le bar de Génération identitaire la Citadelle n’existe plus, à Strasbourg le bar du Bastion Social, « l’Arcadia », a fermé. Partout où nous sommes implantés, la violence de l’extrême droite a reculé.
Vous avez aussi poussé pour obtenir la dissolution de certains groupes d’extrême droite ?
Oui, nous avons obtenu la dissolution du Bastion Social, de Génération Identitaire et de nombreux autres groupes. Génération Identitaire était particulièrement bien implanté, avec une image de façade qui se voulait “respectable”. Nous avons fait sauter ce vernis en rappelant les violences qu’ils commettaient, les coups de couteau que portaient leurs militants dans les rues. Notre travail de terrain nourrissait notre discours public, on voyait concrètement qui était armé et cela permettait d’informer la population et les médias.
C’est grâce à nous que l’on a appris, par exemple, qu’Adrien R. dit « Adrien Lassalle » avait des liens était un leader de Génération Identitaire lorsqu’il a été arrêté. Nous avons aussi médiatisé les victimes qui souhaitaient parler, montré concrètement ce qu’est la violence d’extrême droite. C’est une réponse forte à tous ceux qui prétendent que la violence de l’extrême droite n’est pas une réalité. Aujourd’hui on la voit à Saint-Brévin, à Romans-sur-Isère, et ailleurs.
Aujourd’hui, le terrorisme d’extrême droite est l’une des principales menaces en France. La dissolution est un outil parmi d’autres. On ne peut pas se reposer uniquement dessus, mais c’est un moyen efficace à court terme, et ça a marché. Le Bastion Social a du mal à se reformer, ses “descendants” sont divisés. Génération Identitaire connaît un éclatement similaire, avec certains qui se lancent dans des carrières personnelles, comme Thaïs d’Escufon sur Youtube…
Mais cet outil, la dissolution, a finalement été utilisé contre vous.
Bien sûr, c’était un risque. On savait dès le départ que nous serions visés, surtout dans un contexte où l’État tend à se rapprocher de l’extrême droite. Et des groupes de gauche ont déjà dissous par l’Etat par le passé. Mais ce que nous répétons, c’est que si l’Etat peut dissoudre la Jeune Garde, il ne pourra pas dissoudre l’antifascisme.
Une des autres activités de la Jeune Garde, ça a été le travail de formation auprès du public militant.
Oui, nous avons mené beaucoup d’actions auprès d’associations, notamment dans l’autodéfense. Nous avons infusé cette pratique au sein de notre camp social. Nous avons entraîné des jeunes écologistes, des militants de la CGT, des jeunes insoumis à l’autodéfense. C’est aussi pourquoi nous sommes identifiés dans le mouvement social et recevons autant de soutien aujourd’hui. Cela fait aussi partie de notre volonté, présente dès le départ à la Jeune Garde, d’effectuer un travail le plus unitaire possible avec les associations, les syndicats et les partis politiques qui veulent lutter contre l’extrême droite. Je crois que cela nous a aussi permis d’insuffler une autre mentalité chez les militants que nous avons rencontré. Nous avons apporté de l’organisation, de la discipline, la capacité à répondre et aussi à gagner contre l’extrême droite.
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