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Les 4 raisons pour lesquelles le décalage de la réforme des retraites n’est pas une vraie victoire

Le décalage de la réforme des retraites mise en place par Élisabeth Borne en 2023 vient d’être voté par l’Assemblée nationale. Si c’est un totem du macronisme qui vacille, les avancées restent incertaines et bien maigres. Voilà pourquoi.

Par un vote de 255 députés contre 146, l’Assemblée nationale vient de valider, ce mercredi 12 novembre 2025, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui décale la mise en œuvre de la réforme des retraites mise en place par Élisabeth Borne en 2023. C’est l’aboutissement d’un compromis entre le gouvernement et le Parti socialiste, qui a permis la non-censure de Sébastien Lecornu et de son équipe. 

Totem du macronisme, cette réforme, qui a décalé de 62 à 64 l’âge légal de départ à la retraite, avait rassemblé contre elle 3 millions de manifestants et avait finalement été adoptée par 49-3. Pourtant, le décalage obtenu ce jour peut difficilement être qualifié de « victoire ».  Les organisations syndicales dite « de transformation sociale » (CGT, Solidaires, FSU) appellent à la grève et à la manifestation ce 2 décembre.

Voici pourquoi.

S’il faut bien avoir à l’esprit une chose, c’est que cette suspension de la réforme des retraites n’est que temporaire. Pour plus de clarté, on devrait plutôt parler de décalage de la réforme.

Concrètement : l’augmentation d’un trimestre par an de l’âge légal de départ à la retraite, prévu initialement jusqu’à 2030, par la réforme Borne de 2023, s’interrompt cette année. L’actuel âge légal de départ reste donc à 62 ans et 9 mois jusqu’à cette date.

Le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein est lui aussi gelé. Il restera à 170 trimestres au lieu de 172. Le dégel de la réforme est prévu au 1er janvier 2028. L’idée est de faire de la réforme des retraites une des questions centrales des élections présidentielles de 2027. Libre au vainqueur de laisser la réforme Borne s’appliquer de nouveau ou de proposer une nouvelle réforme.

En attendant, les personnes nées entre 1964 et 1968, qui devraient partir à la retraite entre 2026 et 2030 – soit environ 3 millions de personnes – pourront partir plus tôt que prévu. Mais seulement de trois mois.

Ce n’est pas parce que le PLFSS 2026 contient le décalage de la réforme des retraites que ce n’est plus un budget austéritaire. Si le nouveau projet de budget de l’État prévoit de faire des économies dans l’Éducation nationale ou aux finances publiques, celui de la Sécu s’en prend bien souvent aux plus fragiles.

A l’heure où nous publions cet article, il contient toujours le doublement des franchises médicales qui pourraient atteindre 350€ par personne, l’augmentation des frais de complémentaires santé et des dépassements d’honoraires ou encore la baisse du budget des hôpitaux et des Ehpad. 

Si le gel de la réforme des retraites n’est pas une victoire, c’est aussi parce que, malgré le vote du jour à l’Assemblée nationale, son parcours législatif reste encore long.

Au Sénat, où la droite est majoritaire, le président Gérard Larcher (LR) a déjà annoncé qu’il rétablirait la réforme dans son intégralité… La discussion publique doit démarrer le lundi 17 novembre au Palais du Luxembourg, avant un vote solennel qui pourrait intervenir le samedi 22 novembre. Viendra alors l’heure de la commission mixte paritaire, chargée d’arbitrer entre les deux chambres. La droite et les macronistes y sont majoritaires, ce qui pourrait augurer de quelques retournements de situation, malgré la menace de censure toujours brandie par les socialistes. Enfin, si le Parlement dépasse la date du 31 décembre, le gouvernement pourra faire usage d’ordonnances pour passer son budget. 


« Voter pour le décalage de la réforme des retraites, c’est voter pour la retraite à 64 ans. Les Insoumis voteront contre (…) car nous n’acceptons pas le principe » , a déclaré cet après-midi la cheffe de file des députés LFI à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot. L’argument peut paraître factice, mais il reste factuellement exact. Passé au forceps via 49-3, la réforme Borne n’a jamais recueilli le vote majoritaire des députés. Elle reste entachée d’un sceau d’illégitimité. En votant l’amendement du jour, les députés ont pour la première fois validé l’idée d’un report de l’âge légal à 64 ans.