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« Pousser les murs », la fin des partis ?


L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République provoque une grande agitation au sein des partis politiques. En effet, pour la première fois depuis la naissance de la Ve République, la conquête du pouvoir suprême s’est exercée hors des partis établis. Les élections législatives se profilent à l’horizon. S’il est envisageable, par un subtil jeu d’alliances et de négociations d’arrière-cuisine, que le nouveau président puisse bénéficier d’une majorité pour gouverner, qu’en est-il de l’avenir des partis politiques ? Jouent-ils tout simplement leur survie sur ces élections ?

 

Les éditoriaux de bon nombre de médias, télévisuels ou de presse écrite, le clament : c’est la mort des partis politiques ! L’émergence de grands rassemblements qui les dépassent semble confirmer cette tendance. En Espagne, Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (centre droit) ont bousculé le paysage électoral. Plus proches de nous, le mouvement En marche, devenu République en marche, et la France insoumise ont rebattu les cartes.

Depuis la victoire du président Macron, cette volonté de rassembler par delà les partis traditionnels prend une nouvelle tournure. Il sera désormais possible de rejoindre la République en marche tout en gardant son statut d’adhérent au sein d’une autre formation politique. Même constat du côté des électeurs de Jean-Luc Mélenchon où il suffit de signer la charte de la France Insoumise pour être investi par le mouvement, en tous les cas, pour les élections législatives.

Les partis sont-ils amenés à disparaître, à mourir de leur belle mort ? Certains dirigeants du Parti communiste songent à lui faire changer de nom. Son secrétaire national, Pierre Laurent en a fait la confession à Laurence Ferrari sur Cnews dès le lendemain de l’élection du nouveau président. Signe des temps, alors qu’une large frange des électeurs et militants socialistes s’est ralliée à Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle, plusieurs ténors du parti sont en train de créer, à côté du Parti socialiste (PS) de nouveaux mouvements. Ainsi, Manuel Valls, défait à la primaire de gauche, a annoncé son souhait de créer une structure « centrale, mais pas centriste », hors du parti. Benoît Hamon espère de son côté capitaliser sur la sympathie engrangée pendant la présidentielle, pour créer un mouvement « transpartisan » avant l’été prochain, en regardant du côté des communistes, des écologistes et des déçus par la ligne de la France Insoumise.

 

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Même embarras chez Les Républicains (LR), après l’élimination au premier tour de leur champion, poursuivi en justice tout comme quelques-uns de ses prédécesseurs, dont l’ancien président Nicolas Sarkozy. Dans les directions politiques, la crainte tant au PS qu’au LR est de voir une partie des cadres quitter le parti pour aller grossir les rangs de tel ou tel mouvement. Le nouveau Premier ministre M. Édouard Philippe était encore membre de la commission des investitures LR le jour de sa nomination. Il fait aujourd’hui campagne contre les candidats qu’il a lui-même désignées pour représenter la droite. La même logique s’applique du côté socialiste où Jean-Yves le Drian retrouve un portefeuille au sein du nouveau gouvernement. Le tout en conservant son étiquette socialiste.

 

Les partis sont-ils définitivement enterrés ?

 

Si l’on regarde le mille-feuille territorial français, on s’aperçoit que beaucoup d’élus sont membres d’une organisation politique, quelle qu’elle soit. Aux élections départementales de 2015, seuls 833 des 4108 conseillers départementaux étaient classés « sans étiquette » ou « divers ». Les 3275 autres appartenaient à un parti politique. De même, seuls 7 députés en rupture de banc du PS, de l’UDI ou du Modem ne dépendent d’aucune formation. En d’autres termes, si le parti est aujourd’hui décrié, assimilé à une forme de représentation politique périmée, il est pour le moins paradoxal qu’il soit toujours si durablement représenté sur l’ensemble du territoire.

La forme du parti est intimement liée à la démocratie représentative et aux fondements du système politique français. Nées au XIXe siècle, ces formes d’organisation ont été conçues comme des outils nécessaires à la prise et à la conservation du pouvoir. Depuis, ils ont accompagné l’évolution des pratiques politiques françaises en trouvant une forme légale avec la loi de 1901. La conquête du parti a souvent précédé celle du pouvoir, au point que chaque homme politique ou presque a aujourd’hui son propre parti, son propre label. Selon le Monde diplomatique, il y avait 451 partis en 2016 contre une trentaine en 1990.

La situation politique actuelle est vécue comme exceptionnelle ou inédite. Pourtant, l’histoire des partis politiques recèle de 1001 histoires de création et de sabordage de la forme partidaire. Les changements de noms, de doctrines, les fusions et exclusions ont émaillé la vie politique française. Sous la IIIe et IVe République, le Parti radical-socialiste a été central et dominant avant d’être largement marginalisé. À la tête de l’État à plusieurs reprises après la libération, le général de Gaulle a appartenu, tour à tour, au RPF, à l’UNR, à l’UD-Vème puis à l’UDR.

L’apparition de nouveaux « mouvements » qui entendent dépasser le cadre des partis traditionnels va, lors des prochaines échéances électorales, tester la capacité de résistance des vieux appareils. Cependant, au-delà des déclarations d’intention sur leurs volontés de rassemblement, leurs objectifs restent obscurs. S’agit-il de redessiner durablement les clivages politiques ? Veulent-ils se substituer aux anciennes formes partisanes ou simplement devenir les partis neufs de demain ? Leurs programmes ne l’explicitent pas clairement, et n’interrogent pas les fondements et la légitimité d’une démocratie représentative en crise.

Parti ou mouvement, pour le vainqueur du match, la quête du pouvoir semble toujours apparaître comme un horizon indépassable.