Depuis le 4 décembre, de nombreux salariés de la production sont entrés en grève chez ArcelorMittal France. Malgré des réquisitions de grévistes inédites dès le deuxième jour du conflit, des débrayages quotidiens ont lieu et le site de Dunkerque ne produit plus. Les négociations annuelles obligatoires ont beau être closes, la CGT compte bien obtenir des augmentations de salaire conséquentes.
« Plus une tonne d’acier ne sort du site de Dunkerque. » En cette soirée du 14 décembre, les salariés de la production d’Arcelor Mittal France (AMF) à Dunkerque ont décidé de continuer un mouvement de grève qui dure déjà depuis 10 jours. C’est une nouvelle phase du conflit puisque les négociations annuelles obligatoires (NAO) sont terminées. La direction du groupe a trouvé un accord avec la CFDT et la CFE-CGC, qui représentent à elles deux 60% des voix exprimées aux élections professionnelles, quand la CGT (1er syndicat du groupe) en compte 40%. Ce sera 3,7% d’augmentations générales avec un talon (somme minimale) de 100€ brut.
« Mais nous comptons bien obtenir davantage par le rapport de force », estime Philippe Verbeke, responsable syndical pour la CGT ArcelorMittal Dunkerque et coordinateur national CGT de la filière de la sidérurgie. Depuis le 4 décembre, le syndicat revendique une hausse de salaire mensuelle de 300€ brut. « C’est à la fois nécessaire au regard du niveau de l’inflation mais aussi des bénéfices du groupe. Je rappelle qu’ArcelorMittal verse 800 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires », indique le syndicaliste.
Et même si les autres syndicats ont signé, il ne compte pas baisser les armes. « Le site de Dunkerque est le principal producteur d’acier brut en France et le haut fourneau de Fos-sur-Mer est actuellement à l’arrêt, donc la production est fortement impactée », continue le syndicaliste. Et puisque les dix jours de grève précédents ne sont pas parvenus à faire plier la direction, la CGT AMF dunkerquoise joue la carte de l’élargissement et relance, ce 15 décembre, un appel à la grève à destination de tous les sites du groupe AMF, mais aussi de ses filiales.
Une grève de haut niveau chez ArcelorMittal
Depuis le lundi 4 décembre, de nombreux ouvriers et techniciens multiplient les débrayages sur différents sites et attendent des augmentations salariales significatives. « Les salariés de la production, qui répondent le plus aux appels de la CGT, ont débrayé à Dunkerque, Mardyck [ndlr : banlieue de Dunkerque] à Florange (Moselle), à Montataire (Oise), à Basse-Indre (Loire), à Mouzon (Ardennes) à Desvres (Nord) ou encore au siège, à Saint-Denis », liste Philippe Verbeke.
« Il y a environ 7000 salariés dans le groupe, sans compter les intérimaires. Entre 3000 et 4000 sont des ouvriers de production, ce sont eux qui répondent le plus souvent aux appels de la CGT. Ce n’est pas facile de dire combien ont réellement débrayé. Mais à Dunkerque, où on fabrique des bobines revêtues de zinc, on doit avoir 50% de grévistes en production et nos deux hauts fourneaux principaux ne produisent plus », continue le syndicaliste.
La grève s’est aussi étendue dans plusieurs filiales du groupe comme Industeel ou ArcelorMittal Construction France. « C’est quelque chose que nous avons travaillé en amont. Même si nos NAO sont différentes, la manière dont vont se dérouler leurs négociations dépend fortement de celle dont se sont déroulé les nôtres. Alors autant lutter en même temps », explique le syndicaliste.
Des réquisitions inédites
Ce niveau de grève, la CGT AMF l’explique en partie par le niveau de répression inédit qui a frappé les grévistes. « Une réquisition après seulement un jour de grève, je n’avais jamais vu ça », commente Philippe Verbeke. Dans la nuit du 4 au 5 décembre, les forces de l’ordre se sont rendues au domicile de cinq grévistes afin de leur notifier leur obligation de reprendre le travail le lendemain.
Une pratique que l’on a l’habitude de voir à l’œuvre lors de conflits longs, comme les grèves de raffineur ou d’éboueurs. Elle permet de contourner le droit de grève s’il en va l’intérêt général des usagers. Cette fois, la préfecture prétexte des raisons de sécurité, ce que conteste la CGT. « Ces salariés n’étaient pas particulièrement nécessaires. D’ailleurs, ils ont pu rentrer en grève les jours suivants. On suppose que c’est avant tout un coup de pression d’un membre un peu zélé de la direction qui a voulu gonfler les muscles », estime Philippe Verbeke.
Du côté de la communication de l’usine de Dunkerque, on explique à France 3 :
« Pour des raisons de sécurité, des effectifs minimums doivent être présents sur le site sans pour autant remettre en cause le droit de grève. Les salariés qui ont fait l’objet de réquisitions faisaient partie de ces effectifs et ont quitté leur poste. Ils savaient que leur présence était obligatoire. »
Toujours est-il que la préfecture n’a pas réitéré ses réquisitions. « Ces manœuvres d’intimidation ne marchent pas. Au contraire, elles décuplent la colère des salariés », constate Philippe Verbeke.
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