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Emploi des seniors : échec des négociations, le gouvernement a les mains libres


 

Après deux jours de fastidieuses négociations sur le « pacte de la vie au travail », portant sur les conditions d’emploi des seniors, syndicats et patronat ne sont pas parvenus à trouver un accord. L’échec de ces négociations permet au gouvernement d’avoir les mains libres à la fois sur ce dossier et sur celui de l’assurance chômage.

 

Après de longues heures de négociations, réparties sur deux jours et terminées tard dans la nuit du 9 au 10 avril, syndicats et patronat actent un désaccord sur le « pacte de la vie au travail », un texte censé favoriser l’emploi des seniors. « On avait deux lignes rouges, deux reculs qu’on ne pouvait pas acter. Le CDI senior, qui ne s’appelle d’ailleurs même plus comme ça, et la réforme de la reconversion professionnelle. Le patronat n’a pas voulu lâcher là-dessus et de l’autre côté ne proposait aucune avancée », estime, Denis Gravouil, secrétaire confédéral CGT et membre et négociateur ces deux derniers jours.

FO et la CFDT doivent encore se réunir le 10 et le 11 avril pour décider formellement de leur choix, mais « les déclarations négatives de leurs négociateurs ne laissent guère de doute sur le fait que leur décision sera négative », écrit l’AFP. Faute d’accord, c’est le gouvernement qui reprendra la main sur ce dossier.

 

Emploi des seniors : quelles lignes rouges ?

 

Le CDI sénior, rebaptisé « contrat de revalorisation de l’expérience », c’est quoi ? Une idée du Medef et de la CPME avant tout. Le patronat souhaitait créer un nouveau type de contrat à destination des plus de 60 ans (âge modulable selon accord de branche). Une forme de CDI au rabais puisque le salarié nouvellement embauché aurait pu être licencié pour un nouveau motif : l’atteinte de son âge de départ à la retraite à taux plein (fixé à 67 ans maximum).

Or certains salariés continuent à travailler même une fois l’âge de la retraite à taux plein atteint. Cela leur permet de conserver un meilleur salaire, mais aussi d’améliorer le montant de sa retraite, l’âge de mise à la retraite d’office étant fixé à 70 ans. « Il n’y a aucune avancée là-dedans, signer revient tout simplement à créer un nouveau motif de licenciement », assène Denis Gravouil de la CGT.

L’autre ligne rouge pointée par la CGT concerne les salariés en reconversion – seniors ou pas. Alors que ces derniers pouvaient bénéficier d’indemnité de licenciement ou de départ, ainsi que d’un accompagnement de leur entreprise à l’issue de leur reconversion, le texte patronal souhaitait qu’ils soient tout simplement considérés comme démissionnaires. Un autre moyen de pousser les salariés vers la sortie, à moindre coût. Pour les organisations syndicales, le maintien du contrat de travail en cas de reconversion était non négociable.

 

La bataille du chômage en arrière plan

 

Cet échec de la négociation redonne la main au gouvernement. Et, étonnamment, cela aura aussi une conséquence sur l’assurance chômage. On vous explique. Lors des négociations de novembre 2023 autour de la nouvelle convention de l’assurance chômage – applicable dès 2024 – la CFDT, FO et la CFTC avaient trouvé un accord avec le patronat.

Quelques mesurettes avaient été négociées. Par exemple : ramener à 5 le nombre minimum de mois pour être indemnisé pour les primo-entrants sur le marché du travail et les saisonniers, au lieu de six. Des reculs aussi, entre autres, l’assouplissement du bonus-malus censé punir les patrons qui abusent des contrats courts.

Mais quel rapport avec les seniors ? C’est là qu’il faut s’accrocher. Rappelez-vous : les salariés de plus de 55 ans ont droit à une durée d’indemnisation chômage plus longue que les autres. Or la dernière réforme des retraites a eu pour conséquence de reculer cette borne d’âge. Un recul majeur alors que cette population est particulièrement touchée par le chômage (16 % des personnes âgées de 55 à 69 ans ne sont ni en emploi, ni à la retraite en 2021). Restait à l’inscrire dans la nouvelle convention d’assurance chômage.

Or les signataires de l’accord de novembre 2023 avaient décidé de repousser cette inscription au lendemain des négociations sur l’emploi des seniors – tout en actant des économies de 440 millions d’euros sur la période 2024-2027.

Le gouvernement s’était alors engouffré dans la brèche et avait refusé d’agréer la totalité de la nouvelle convention d’assurance chômage, l’agrément étant lui aussi repoussé à l’après négociation senior. En attendant, un décret dit de « jointure » avait prolongé les anciennes règles jusqu’au 30 juin 2024.

 

Autoritarisme gouvernemental

 

La CFDT, FO et la CFTC auraient donc dû se retrouver ce 10 avril, à l’Unédic, pour signer un avenant sur l’indemnisation des seniors. Mais, le présent échec des négociations sur l’emploi des seniors invalide également l’accord autour de la convention d’assurance chômage de novembre 2023. L’avenir de cette convention est alors flou, le gouvernement pourrait décider de ne jamais la valider et de réformer l’assurance chômage par décret, comme il l’a fait sur la période 2019-2022.

Est-ce un événement gravissime ? Pas forcément. Le gouvernement a pris l’habitude de corseter les discussions entre syndicats et patronat sur l’assurance chômage, en fixant en préalable les objectifs financiers à atteindre. Même si un accord avait été trouvé, il aurait pu parvenir à ses fins.

D’ailleurs, Gabriel Attal ne le cache pas, accord ou pas, il a déjà demandé à sa ministre du Travail de préparer une lettre de cadrage contenant les « paramètres » de la prochaine réforme de l’assurance chômage. Il souhaite la présenter aux syndicats et au patronat, d’ici à l’été, pour que la réforme soit en vigueur « dès l’automne ».

Dans ce cadre, un accord sur les négociations seniors, et donc sur la convention de l’assurance chômage aurait au mieux permis de mettre le gouvernement face à son propre autoritarisme. Il aurait mis en lumière le peu de considération dont fait preuve le gouvernement à l’égard du paritarisme. Rien de nouveau toutefois : dès 2017, le candidat Macron ne cachait pas sa volonté de placer l’Unédic sous contrôle et sous financement de l’État. Et de mettre ainsi fin à un conquis capital du syndicalisme d’après guerre.