ArcelorMittal Dunkerque

ArcelorMittal Dunkerque : la CGT se prépare face à la menace de licenciements

Le site ArcelorMittal de Dunkerque est le plus grand site sidérurgique de France. Mais, alors que la direction de la multinationale avait annoncé un investissement massif permettant de moderniser l’outil, elle a récemment fait marche arrière. Sans cet argent, pas moins de 3200 emplois directs et tout un bassin d’emploi et de vie sont en danger. Face à cette menace, la CGT se prépare et a organisé un meeting ce 23 janvier.

« Si on fait ce meeting, c’est pour alerter la population locale. » Dans la salle de l’Avenir, lieu historique des luttes ouvrières dunkerquoises construit par les dockers, Gaëtan Lecocq se prépare à mener bataille. Le secrétaire général de la CGT ArcelorMittal Dunkerque alerte depuis des mois :

« On nous dit que les ouvriers sont fiers de venir travailler dans l’entreprise, alors pourquoi des démissions records ? Pourquoi autant de sanctions ? Oui, avant j’étais fier de travailler chez ArcelorMittal. Mais maintenant l’outil est pourri. Les hauts fourneaux sont dans un état catastrophique. On est en sous-effectif partout et tout le monde s’en fout. Les salariés et les sous-traitants n’ont plus envie de venir travailler. S’il faut finir par sortir les engins et bloquer Dunkerque, on le fera ». 

Alors que la multinationale avait promis, en 2024, 1,8 Md d’investissements (dont 850 M d’argent public français et européen) pour décarboner les hauts fourneaux de Dunkerque (entre 3% et 6% des émissions de CO2 en France), les salariés ne voient toujours pas la couleur de l’argent. De son côté, ArcelorMittal se dit en attente de décisions de soutien de l’Union Européenne alors que le marché américain est fermé et que la Chine pratique un dumping social et environnemental. La multinationale déplore aussi « un coup de l’énergie trop haut » et « des baisses de débouchés en Europe ».

Or, c’est simple, résume le cégétiste, qui craint que des milliers de licenciements ne s’ajoutent aux 136 consécutifs à la récente fermeture des sites de Denain et Reims. « Soit ArcelorMittal investit dans notre usine de Dunkerque pour nous permettre de mettre en place des fours électriques. Soit ils arrêtent la filière à chaud, comme à Florange, et ce sera la catastrophe industrielle. Sans investissement on perdra 50% de nos 3200 emplois, tout notre bassin économique s’écroulera ». En attendant, deux jours mensuels de chômage partiel ont été actés pour les trois premiers mois de l’année.

Catastrophiste la CGT ? Rien n’est moins sûr. Les dernières annonces du patron n’ont pas été rassurantes. Entendu ce 22 janvier par la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, Alain Le Grix de la Salle, président d’ArcelorMittal France, a déclaré que « tous les sites européens présentent aujourd’hui des risques de fermeture ». Il a plaidé pour la mise en place de quotas d’importation pour limiter l’entrée d’acier chinois. Un argument contrecarré par le député communiste André Chassaigne.

« On ne peut pas tout expliquer par la concurrence chinoise. Certes, la Chine produit 54% de l’acier mondial, mais 93% est destiné à son marché intérieur, notamment pour répondre à la demande des groupes occidentaux qui se sont installés dans l’empire du milieu. En réalité, la dynamique d’exportation d’acier chinois vers l’Europe est plutôt en retrait depuis 15 ans. En revanche, il y a bien une accélération de l’importation d’acier en Europe, mais depuis l’Inde, pays de Monsieur Mittal. Ne serait-ce pas Mittal qui se sert de l’Europe pour écouler ses propres productions indiennes. En réalité, vous laissez dépérir les sites [français] au profit de l’Inde et du Brésil. »

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L’analyse est appuyée par la députée insoumise Aurélie Trouvé, ex-présidente d’Attac, présente au meeting de Dunkerque.

« ArcelorMittal organise le sous investissement pour délocaliser ses entreprises vers les Etat-Unis, mais surtout vers le Brésil et l’Inde. Il y a une raison à cela : nourrir les dividendes des actionnaires. C’est un risque majeur pour notre sidérurgie française et pour notre industrie en général car le métal est la base essentielle de toute l’industrie. » 

« Ce meeting, c’est pour alerter nos politiques, qu’ils tapent un grand coup sur la table », explique Gaëtan Lecocq. La CGT ArcelorMittal Dunkerque tente aussi de construire des solidarités locales, pour peser davantage dans la balance. « Au mois de juillet, on s’est réunis avec les sous-traitants. Que ce soit le cuistot du restaurant d’entreprise, la femme de ménage, la maintenance, qui désormais est externalisée, tout le monde est concerné. Et ici, ça peut partir comme un coup de fusil », prévient le cégétiste qui se rappelle le mouvement de grève de décembre 2023, qui avait suivi l’annonce de réquisition des grévistes.

Crédit photo : UD CGT NORD.