Mardi 27 avril, les salariés de la Fonderie de Bretagne, usine appartenant à Renault et menacée de fermeture, sont entrés massivement en grève. À la volonté du constructeur automobile de se désengager de ses fonderies, ils opposent une mobilisation massive et frontale. Une stratégie qui avait payé en 2009, permettant aux salariés, alors sous-traitants de Renault, d’être internalisés par la multinationale.
« Un an qu’on nous balade, les salariés en ont marre ». À Caudan, dans la banlieue de Lorient, c’est ce mardi que la goutte d’eau a finalement fait déborder le vase. « Cela fait des mois que les gars travaillent avec la boule au ventre, sans savoir s’ils auront toujours un emploi à la fin de l’année, décrit Maël Le Goff , délégué syndical CGT du site, ce n’était plus tenable et nous nous sommes mis en grève illimitée. »
Symptôme de cet état de surchauffe : la grève qui débute ce mardi est massive et ne lésine pas sur les moyens. Les salariés exigent des réponses de la part de leur direction, quitte à la retenir dans les locaux jusqu’à la fin de la journée. Une centaine de personnes participent au piquet de grève, la production et la livraison sont arrêtées. À la Fonderie de Bretagne, usine Renault où 350 salariés fabriquent des bras de suspension, des porte-fusées et des boîtiers différentiels, la grève est suivie aux trois quarts, d’après la CGT, syndicat ultra-majoritaire dans l’entreprise, raflant plus de 75 % des voix aux dernières élections professionnelles.
Sale temps pour les fonderies
Mais à quoi ressemble donc la goutte d’eau ? Peu de surprises en la matière : à une annonce de Bruno le Maire. Ce lundi, le ministre a débloqué un fonds de 50 millions d’euros pour « accompagner la reconversion » des salariés du secteur automobile. 30 millions viendront de la poche de l’État, quand Renault et Stellantis (ex-PSA) apporteront 10 millions chacun.
Pour les salariés de la Fonderie de Bretagne, l’annonce du ministre de l’Économie confirme bien qu’il ne fera en aucun cas pression sur Renault pour que l’entreprise garde le site de Caudan. Le 11 mars, le constructeur automobile avait annoncé son intention de chercher d’ici au 8 août un repreneur « plus à même de pérenniser les activités et les emplois et d’adapter l’outil industriel aux évolutions du secteur », selon le communiqué de la direction. Inutile de compter sur Bruno Le Maire pour l’empêcher. « On ne veut pas d’un repreneur, nous voulons rester une usine Renault et retrouver du volume », assène Maël Le Goff.
Selon les informations de la NVO, le dépeçage des fonderies faisait même partie des projets du gouvernement depuis 2020. À cette date, le cabinet Roland Berger préconisait à la Direction générale des entreprises (service du ministère de l’Économie et des Finances) « la restructuration de toute la filière fonderie automobile française et recommandait la suppression de 5 200 emplois sur les 13 500 du secteur fonderies automobile. » C’est donc aussi à ce rapport que l’on doit la situation actuelle dans d’autres fonderies françaises, notamment en Aveyron, où de nombreux emplois sont menacés.
Fonderie de Bretagne : une histoire qui commence par une grève
Oui mais voilà, si la lutte de quelques centaines de salariés peut paraître a priori insuffisante pour contrer la stratégie financière d’une multinationale de l’automobile, la Fonderie de Bretagne a déjà accompli des exploits en matière de bataille salariale. Difficile, en effet, de douter de la détermination de ses salariés. En 2009, après des mois de luttes, des manifestations de plusieurs milliers de personnes et dix jours d’une grève rassemblant la totalité des salariés, les ouvriers de la Société bretonne de fonderie mécanique (SBFM), alors simple sous-traitante de Renault, avaient obtenu leur intégration au sein du groupe, sous le nom Fonderie de Bretagne.
Si l’ampleur de la bataille semble plus considérable encore aujourd’hui, la Fonderie peut compter sur un calendrier électoral (élections régionales) lui permettant de mettre la pression sur les élus locaux, mais aussi sur un mouvement national mené dans les fonderies. La CGT des fonderies de Douvrin et du Mans a déjà appelé à une journée de grève pour le 6 mai.
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