Metex

Les élections européennes vont-elles sauver Metex ?


 

Metex ? C’est la seule usine d’Europe capable de produire de la lysine. Alors que la campagne pour les élections européennes bat son plein, elle est devenue un symbole de la lutte pour un protectionnisme européen. Mais malgré le soutien de nombreuses personnalités politiques et les atouts de l’entreprise, sa survie est encore incertaine.

 

Tous les redressements judiciaires ne se valent pas. Il y a les procédures que l’on sent mal engagées : marché peu porteur, outil vieillissant, visibilité médiatique et politique quasi nulle… et qui se terminent par des plans sociaux et des fermetures d’entreprises. Et il y a celles, plus rares, qui semblent ne pas pouvoir échouer. C’est le cas de Metex, usine amiénoise où 300 personnes produisent principalement de la lysine, un acide aminé destiné à nourrir les animaux d’élevage – notamment porcs et volailles.

Depuis le 22 mars, le site a été placé en redressement judiciaire et cherche un repreneur. Pourtant, personne n’ose croire qu’il puisse véritablement fermer : le marché sur lequel il se positionne reste en extension, parallèlement à la consommation de viande à l’échelle mondiale, son outil est performant et l’usine est la seule en Europe à pouvoir fabriquer de la lysine par fermentation. Cerise sur le gâteau, le cas Metex incarne les débats sur le protectionnisme européen, un des enjeux de l’actuelle campagne.

 

Pèlerinage à Metex

 

Alors pourquoi un redressement judiciaire ? Alors que le chiffre d’affaires de Metex avoisinait les 270 millions d’euros en 2021, il a été divisé par plus de deux en 2023 pour tomber à 132,4 millions d’euros.

« Le problème c’est le dumping exercé par la Chine », résume Samir Benyahya, délégué syndical CFDT, syndicat majoritaire sur le site amiénois, le 13 mai lors d’une table ronde organisée devant l’usine. Depuis 2016 environ, ce pays s’est lancé dans la production massive de lysine, inonde le marché européen et casse les prix. Face à cela, Metex demande que des droits de douanes, pour l’heure inexistants, portant sur l’acide aminé, soient imposés aux frontières de l’Europe et viennent rehausser le prix des produits Chinois.

Ainsi, depuis le placement en redressement judiciaire, tout le monde est derrière Metex. L’État, les collectivités territoriales, mais aussi un large éventail de personnalités politiques allant du député local François Ruffin (La France insoumise) à Xavier Bertrand (Les Républicains), président de la région Hauts-de-France, en passant par les écologistes, les communistes ou encore Raphaël Glucksmann… nombreux sont ceux qui ont fait leur pèlerinage à Metex. « Cela fait venir les journalistes, on gagne en visibilité », commente Jérémy Domont, salarié chez Metex depuis 20 ans.

 

« On n’ose pas y penser »

 

Oui mais voilà, alors que les salariés étaient confiants, ils ont été particulièrement bousculés le 6 mai. La date de dépôt des offres, prévue ce jour-là, a été reportée au 27 mai 2024, faute de repreneur. « On s’était projetés. On pensait qu’un repreneur allait être annoncé dans l’après-midi. Finalement ça n’a pas été le cas », se remémore Jérémy Domont, chef de département Hygiène, sécurité, environnement-inspection. « Mes équipes et moi, nous l’avons mal vécu, explique Julien Carlier, responsable de la chaîne logistique, 23 ans de boîte. Nous alternons des périodes d’activité partielle depuis l’été 2022, les salariés voient que certains collègues, parfois avec beaucoup d’ancienneté, s’en vont, cela affecte le moral ». Malgré tout, les salariés continuent à y croire. « Je ne suis pas confiant, mais je reste optimiste », assure Samir Benyahya de la CFDT.

Metex attend en effet une offre du groupe Avril, connu pour ses huiles Puget et Lesieur, ou encore son activité dans les biocarburants. Il est présidé par Arnaud Rousseau, par ailleurs président de la FNSEA. Ce dernier a publié un communiqué le 6 mai dans lequel il s’est dit intéressé par la reprise de Metex. L’entreprise compte, à terme, sur un changement de la législation européenne en matière de droits de douanes pour pérenniser son activité.

« Mais ce qui se joue actuellement c’est la taille du chèque que va faire l’Etat (ndlr : actionnaire de Metex à hauteur de de 30% par le biais de la BPI) pour permettre la reprise. Je pense qu’Avril cherche à avoir l’usine au plus bas coût, possible, voire gratuitement ». « Dans ce contexte d’élection européenne, ce serait un symbole terrible pour le gouvernement que de voir Metex fermer », estime Jeremy Domont. Et si rien ne se passe le 27 mai ? « On n’ose pas y penser », conclut Julien Carlier.