manifestation anti passe sanitaire nantes

Nantes : une manifestation anti passe sanitaire fracturée en deux

 

A Nantes, pour cette 7eme semaine de manifestation, des militants familiers des mouvements sociaux ont tenté une jonction avec le monde du travail et ont constitué un cortège de plusieurs centaines de personnes en tête de la manifestation. Derrière eux, de nombreux autres manifestants remettent toujours en doute l’efficacité du vaccin voire l’existence du virus. Deux salles, deux ambiances, qui cohabitent tant bien que mal et parfois se confrontent.

 

La manifestation n’a pas encore démarré mais déjà Oussama, muni d’un mégaphone, harangue la foule du haut du camion. « Ceux qui veulent aller bloquer le CHU, c’est dans l’autre sens. Avec le camion, nous partons vers le centre ville. Nous ne ferons pas une action qui est contre productive et donne une image déplorable de notre mouvement. » Une manière de ne pas laisser le champ libre aux manifestants notamment antivaccins qui projetaient d’y rentrer, racontait-il à Ouest-France en amont de la manifestation. « Si quelqu’un doit occuper le CHU, ce sont les soignants », conclut le jeune homme.

Pour la journée, cet habitué des mouvements sociaux nantais s’improvise meneur de la manifestation non déclarée. Il balise le parcours et rassure les manifestants : « il y aura plusieurs actions surprises, il fait chaud n’oubliez pas de boire, les médics sont là pour ça. » C’est le septième samedi de manifestation anti-passe sanitaire et entre 3000 et 4000 personnes se retrouvent dans la rue, sensiblement la même chose que le week-end précédent.

 

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Oussama du comité pour l’autonomie des luttes. Crédit : GB

 

Oussama est membre du Comité Nantais pour l’Autonomie des Luttes, dont le communiqué d’appel à la grève dans l’hôtellerie et la restauration a été relayé notamment sur la page Facebook Nantes Révoltée mi-août. « Ce collectif a été créé cet été pour donner une boussole aux manifestations anti-passe. Nous voulons que les manifestations montent en qualité à la fois en élargissant leur base au monde du travail et en multipliant les actions pendant la semaine, notamment la grève. Cette semaine nous sommes rejoints par des acteurs du monde de la culture, la semaine prochaine ce sera les teufeurs. »

 

En tête de cortège : des habitués des mouvements sociaux

 

Le camion sur lequel est juché Oussama en ce début de manifestation fait, lui, son premier défilé anti-passe sanitaire. Il appartient au collectif Quai des Chaps, acteur du monde culturel nantais rassemblant 4 compagnies et environ 150 personnes. Quai des Chaps a décidé d’annuler son festival, qui devait se tenir ce weekend, pour rejoindre la manifestation anti-passe.

« Nous n’étions pas d’accord pour appliquer le contrôle du passe sanitaire, nous sommes engagés pour une culture pour tous et pour nous le festival ne pouvait pas se tenir dans ces conditions », explique Sylvain, membre du collectif et également familier des manifestations nantaises. Lorsqu’on lui demande s’il se reconnaît dans les pancartes antivaccins présentes un peu plus à l’arrière de la manifestation il nous répond : « L’idée c’était aussi de faire un gros cortège devant pour ne pas se gourer de discours. »

 

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7e samedi de manifestation à Nantes : le cortège derrière le camion. Crédit : GB

 

De fait, les manifestants situés devant le camion, environ 200 à 300 personnes, sont des habitués des mouvements sociaux. On trouve parmi eux quelquess militants syndicaux CGT, des salariés de la restauration en grève, des gilets jaunes, des militants antifascistes ou encore autonomes. Le camion du Quai de Chaps, qui dispose d’une imposante sono, s’offrira même le luxe de diffuser l’Internationale au beau milieu de la manifestation. A Nantes, l’extrême droite, notamment des militants de Civitas, a été expulsée des manifestation anti-passe fin juillet sans y remettre les pieds, de manière visible tout du moins. « On a repris la tête des manifestations », affirme Oussama.

 

Le camion qui cache la forêt

 

Si le Comité Nantais pour l’Autonomie des Luttes et ses alliés ont pris la tête de la manifestation et décident du parcours, derrière le camion du Quai des Chaps, les manifestants antivaccins sont bien là, à l’instar d’Agnès. La manifestante, qui porte une  pancarte « contre le passe nazitaire », expression également vue à Toulouse la semaine dernière ne croit pas que le vaccin soit une solution face à l’épidémie mais dit préférer soigner le Covid grâce à l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine.

« Je ne comprends pas qu’on fasse taire tous les grands médecins, tous ceux qui veulent vraiment soigner les gens et qu’on laisse les escrocs parler à leur place », ajoute cette commerciale dans l’automobile, qui a auparavant travaillé dans l’insertion sociale. Olivier B., venu d’un petit village à côté de Carquefou s’interroge lui aussi : « Comment se fait-il que l’on fasse confiance à des laboratoires qui ont été condamnés par la justice ? »

Dès le début de la manifestation, des tensions se font sentir entre plusieurs manifestants. D’un côté, une casquette pro Trump est arrachée. De l’autre un jeune homme est sommé d’enlever son masque par deux personnes plus âgées particulièrement virulentes. Il se fait traiter de « mondialiste », terme caractéristique d’un certain discours d’extrême droite, lorsque ceux-ci s’aperçoivent qu’en plus de porter un masque, il porte une casquette Adidas.

 

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T-shirt à l’effigie de QAnon, mouvement complotiste américain d’extrême droite. Crédit : GB.

 

Une confrontation entre manifestants plus conséquente a lieu en milieu de parcours. Après de courts affrontements avec les forces de l’ordre au niveau de la préfecture, quelques dizaines de manifestants se retournent contre des membres de l’avant du cortège les intimant de le quitter en scandant « Cassez-vous ». L’épisode dure quelques minutes et donne lieu à des bousculades. Oussama monte sur le camion et se fend d’un discours en soutien aux manifestants chahutés.

Difficile de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé. « Ce sont les antifas qui font encore chier », prétend un manifestant sans pouvoir expliquer plus que ça. Les membres du cortège de tête interrogés n’en diront pas davantage. « Des militants d’extrême droite ont monté la foule contre eux », assure Oussama. La manifestation, émaillée de plusieurs autres gazages et bloquée à diverses reprises par des barrages policiers se terminera finalement dans le calme.