RSA conditionné

RSA conditionné : débats droitiers à l’Assemblée sur le dos des plus précaires


 

Entre RSA conditionné pour tous (version LR) et RSA conditionné pour presque tous (version Renaissance), la course à qui sera le plus droitier se joue à l’Assemblée nationale, alors que le projet de loi « France Travail » est examiné en séance publique. Pendant ce temps, les agents de Pôle Emploi entrent en grève et dénoncent un système de traque des allocataires ainsi qu’une volonté de privatiser une part grandissante de leurs activités.

 

 

Ce 26 septembre, c’est jour de grève à Pôle emploi. Nationalement, les syndicats CGT et SUD ont appelé à cesser le travail. En Île-de-France, le SNU-FSU et le CLL se sont joints au mouvement. A 14h, les agents grévistes franciliens et leurs soutiens se sont réunis devant l’Assemblée nationale. Objectif : s’opposer à la casse de leur métier ainsi qu’au projet de loi « pour le plein emploi », dit « France Travail », examiné en séance publique au palais Bourbon depuis la veille.

Alors que le gouvernement y voit un moyen de réduire le taux de chômage à 5% à l’horizon 2027, contre 7,2% aujourd’hui, les syndicats dénoncent une réforme dangereuse. « Le projet c’est de nous faire intégrer l’idée que tous les privés d’emploi doivent être soumis aux contrôles et les culpabiliser s’ils n’ont pas de travail », résume Yohan Piktoroff, délégué syndical CGT Pôle emploi Île-de-France.

 

RSA conditionné à l’activité : ce que l’on sait

 

Parmi les différents enjeux du texte, l’un est particulièrement scruté : l’inscription automatique des 2 millions d’allocataires du Revenu de Solidarité Active (RSA) à Pôle emploi (renommée France Travail par la nouvelle loi). Ces allocataires devront signer un contrat d’engagement qui conditionnerait le versement du RSA à « 15 ou 20 heures d’activité ». Globalement, les activités imposées devraient se rapprocher de celles proposées aux jeunes des missions locales dans les contrats d’engagements jeunes (CEJ) : bénévolat, recherche d’emploi, entretiens…

 

RSA conditionné : bataille de textes

 

Ces heures d’activités seront-elles obligatoires pour tout le monde ? Et quelles sont les sanctions prévues si un allocataire ne s’y plie pas ? Pour l’heure, la question est loin d’être tranchée, d’autant que les principaux groupes parlementaires les plus enclins à voter la loi (LR et Renaissance) divergent sur certains points.

Ainsi, lors de sa première lecture au Sénat, au début de l’été, le texte a été durci par Les Républicains. Jusque-là, la perspective d’une quinzaine d’heures d’activités imposées n’avait pas été écrite clairement. Olivier Dussopt, ministre du travail à l’origine du projet de loi, souhaitait laisser une marge de manœuvre aux départements – en charge de la gestion du RSA – et aux agents.

Mais après son passage au Sénat, où LR détient la majorité, quelques lignes ont été modifiées pour exiger noir sur blanc « une durée hebdomadaire d’activité du demandeur d’emploi d’au moins quinze heures ». Cette obligation a vite été contestée par un amendement des députés Renaissance (adopté). Il précise qu’elle ne sera effective que « si cela s’avère adapté à la situation particulière de demandeur d’emploi et aux difficultés qu’il rencontre ».

 

Quels moyens pour fliquer les chômeurs ?

 

Entre RSA conditionné pour tout le monde (version LR) et RSA conditionné pour presque tout le monde (version Renaissance), la course au plus droitier se joue à l’Assemblée nationale. Elle ne sera sans doute terminée que lors de la publication des décrets d’application, qui seront scrutés de près par les agents de Pôle emploi. En attendant, la question des moyens se pose : comment mettre en place concrètement cette réforme ?

Selon une étude de la fondation Jean Jaurès (proche du Parti Socialiste), organiser et contrôler le respect de 15h à 20h d’activités hebdomadaires coûterait non moins de 10 milliards d’euros. Notamment pour augmenter de manière drastique le nombre d’agents Pôle emploi. Or, le budget prévu par Olivier Dussopt pour mettre en place sa réforme (financée avec l’argent de l’Unédic, donc des chômeurs) est chiffré entre 2,2 et 2,7 milliards d’euros sur 3 ans. Bien loin des 10 milliards nécessaires. Est-ce à dire que le gouvernement ne souhaite en réalité pas faire appliquer sa réforme ? Rien n’est moins sûr.

« France Travail, c’est aussi l’occasion de livrer Pôle Emploi au privé. Il est possible que le contrôle soit fait par des prestataires privés. Cela aura l’avantage de coûter moins cher à l’Etat. Et les salariés de ces entreprises auront beaucoup moins de scrupules à radier les allocataires que n’en ont actuellement les agents de Pôle emploi, dont ce n’est pas le boulot. Donc oui, le contrôle de l’activité à grande échelle est possible à mettre en place. Les outils numériques évoluent et permettent de fliquer de plus en plus les chômeurs. Par exemple, dans certains départements, on a institué une « actualisation rénovée ». Il ne s’agit plus seulement, pour les chômeurs, de déclarer chaque mois s’ils ont travaillé ou non, mais également s’ils font des démarches de recherche d’emploi. Cela existe déjà pour le CEJ, avec des barèmes du type : répondre à une offre équivaut à 3 heures d’activités etc. Évidemment, notre crainte c’est que l’obligation d’activité s’applique, plus tard, à l’ensemble des chômeurs et non plus aux seuls allocataires du RSA », explique Yohan Piktoroff, délégué syndical CGT Pôle emploi Île-de-France.

En stigmatisant et en culpabilisant les plus précaires, la mise en place d’un RSA conditionné fait pourtant oublier une autre donnée capitale : en France, environ 30% de la population qui est éligible au RSA ne le demande pas, soit près de 600 000 ménages.