salaires

Salaires : les secteurs en lutte prêts pour la rentrée

Les derniers mois ont été marqués par des batailles pour la hausse des salaires dans les entreprises. Si la période estivale est moins propice à la mobilisation, des luttes sont déjà annoncées dès le mois de septembre, et une première journée de grève interprofessionnelle est posée le 29 septembre. Tour d’horizon des secteurs en lutte. 

 

La rentrée sociale est annoncée. La CGT et l’Union syndicale Solidaires appellent à une journée de grève interprofessionnelle le 29 septembre, notamment pour exiger des augmentations générales de salaire. La FSU devrait se prononcer à la fin de l’été. 

Mais avant cette date, des mobilisations sectorielles ou locales ont été posées dans le paysage. « La journée du 29 devra s’appuyer sur celles-ci pour être réussie », commente Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT en charge de la question des salaires. 

 

13 septembre : la bataille dans l’énergie reprend

 

C’était le plus gros secteur à avoir lancé un appel à la grève pour l’augmentation des salaires. Et ce pourrait bien être le premier à redémarrer la bataille. La branche des industries électriques et gazières, (IEG) qui compte environ 150 entreprises, dont EDF et Engie, pour plus de 160 000 salariés, devrait entrer de nouveau en lutte pour l’augmentation de son salaire national de base (SNB) dès le 13 septembre

Pour l’heure, seule la FNME-CGT appelle à la mobilisation le 13 septembre. Mais il n’est pas exclu que les autres fédérations syndicales de l’énergie se joignent à elle. Elles l’ont pratiquement toutes fait lors des quatre journées de mobilisation entre juin et début juillet. « S’il y a une réunion intersyndicale, ce sera sans doute fin août », indique Sébastien Menesplier, secrétaire fédéral FNME-CGT. 

En attendant, chez Storengy, filiale d’Engie qui gère le stockage du gaz, la grève dure depuis trois semaines et 10 sites de stockage de gaz ont voté la reconduction du mouvement ce lundi 11 juillet. La capacité de la France à constituer des stocks pour l’hiver est d’ores et déjà compromise. « La direction nous propose 2,3 % d’augmentation pour les plus bas salaires soit environ 200 des 700 salariés de l’entreprise ainsi qu’une prime d’environ 400 euros », explique Frédéric Ben, délégué syndical CGT chez Storengy. Bien loin des exigences du syndicat qui revendique 15 % d’augmentation salariale. 

 

22 septembre : les soignants rejoints par la population ?

 

Deuxième date prévue avant la journée de grève interprofessionnelle : la mobilisation des soignants le 22 septembre, à l’appel de la fédération CGT de la santé et de SUD Santé Sociaux. « C’est une mobilisation dans la continuité de ce que nous avons posé le 7 juin », rappelle Christophe Prud’homme de la CGT Action Sociale, également porte-parole des médecins urgentistes de France. Ce jour-là, l’accent était mis sur les profonds dysfonctionnements qui touchaient notamment les urgences et la volonté de reconstruire le service public de la santé. Or depuis, des luttes locales continuent dans de nombreux hôpitaux. La journée du 22 septembre est aussi le moyen de leur donner une résonance nationale.

« Il faut sortir de l’idée d’une grande grève générale. La grève chez les soignants se fait en blouse, sur les jours de congés ou les heures de pause. L’objectif, c’est que le 22 septembre soit une journée largement soutenue par la population. Localement, nous assistons à ce type de mélange entre habitants et soignants. Ce qui a le mieux marché le 7 juin, ce sont les mobilisations devant les hôpitaux et c’est sur ça qu’on mise ce jour-là », conclut l’urgentiste.

 

Dès le 28 juillet : grève de la coordination CGT Total

 

Ce n’est pas une date de rentrée mais une date de pré-rentrée. Alors qu’elle avait appelé à une journée de grève le 24 juin, la coordination CGT Total remet le couvert ce 28 juillet. « Les propositions d’augmentation ne sont pas à la hauteur. On continue », avance Benjamin Tange, délégué syndical central CGT à la raffinerie des Flandres.

La multinationale, qui emploie 35 000 salariés en France, est bousculée depuis des mois par plusieurs de ses filiales.  Parmi elles : la SAFT, spécialisée dans la conception de batteries à usage industriel. Hutchinson, connue pour ses pneus. Ou encore Argedis, qui gère les stations services.  « Toutes les CGT des filiales qui ont participé au mouvement du 24 juin seront de nouveau dans la lutte le 28 juillet, sauf Argedis qui a signé un accord », précise Benjamin Tange. Ce jour-là, l’objectif sera aussi de préparer un éventuel nouveau mouvement à la rentrée, notamment autour de la date du 29 septembre.

 

Chez les cheminots, « la colère est encore là »

 

D’autres secteurs, notamment le transport, réfléchissent à leurs stratégies après de fortes mobilisations ayant plus ou moins abouties. Du côté de la SNCF, les contours du mouvement à la rentrée sont en train d’être discutés. Mercredi 6 juillet, jour de grève nationale, un rendez-vous avec la direction a mené à un accord. Celui-ci prévoit une augmentation générale des salaires brut de 1,4 %, auquel s’ajoute une majoration salariale uniforme de 400 euros.

« On a envie de positiver quand on faisait face à un gel des salaires depuis huit ans. Mais on estimait avoir droit à un rattrapage de ces années précédentes, et qu’a minima cette augmentation générale vienne couvrir l’inflation », réagit Fabien Dumas, secrétaire fédéral Sud Rail. Or, avec ces mesures, « le salaire médian augmente de 3,1 %. Sauf que l’on est à 5,8 % d’inflation », décrypte-t-il. Dès septembre, l’inflation devrait même atteindre le seuil des 8 % selon l’INSEE.

Dans ce contexte, ces mesures sont jugées très insuffisantes par la CGT Cheminots et Sud Rail. Des NAO auront lieu en décembre 2022 – la direction souhaitait les repousser à 2023 – : « il reste donc six mois où l’inflation va continuer à galoper. Et on va se revoir seulement en décembre pour des mesures applicables en 2023… », soupire Fabien Dumas. Selon lui, « la colère est encore là » chez les collègues. Comment s’exprimera-t-elle, dans les mois qui viennent ? La CGT Cheminots appelle à une rentrée sociale autour de la journée du 29 septembre. « L’interpro, ça nous tient à cœur : ce n’est pas en se battant dans notre coin qu’on obtiendra de grandes avancées », reconnaît Fabien Dumas. « Mais je ne suis pas sûr que les cheminots auront envie de laisser passer l’été. Si les salariés, au moins au niveau local, ont envie de ferrailler avec leurs directions, on sera avec eux ».

 

Transport routier : « si on obtient rien, on va embrayer beaucoup plus dur »

 

De la même façon, la colère des professionnels du transport routier est loin d’être éteinte. Après une grève nationale le 27 juin, les syndicats sont en train d’envisager des mobilisations à l’automne. Différentes branches sont concernées : transport de marchandises, de voyageurs, de fonds ; logistique ; transport sanitaire (les ambulanciers) ; déménagement… Dans ce large secteur, « on a du mal à faire sortir les salaires du SMIC », rappelle Patrice Clos, secrétaire général FO Transports. Conséquence : la quasi-totalité de ces branches connaissent des paies en-deçà du SMIC. De fait, les revalorisations salariales ne suivent pas sa hausse régulière, indexée sur l’inflation. 

Suite à la grève du 27 juin, les travailleurs de la branche logistique ont obtenu de leurs employeurs, à l’issue d’une réunion le 5 juillet, un accord sur 8 % d’augmentation générale des salaires. « Mais cela les amène à peine au-dessus du SMIC, donc à la prochaine augmentation du SMIC, ce sera bouffé… », nuance Patrice Clos de FO. 

Chez les routiers et le transport voyageurs, il n’y a pas de réunion avec les employeurs programmée à ce jour. Du côté du transport sanitaire, rendez-vous est donné mi-octobre avec les représentants du patronat. Les syndicats de salariés restent donc en veille. « On va laisser passer jusqu’à fin octobre pour le sanitaire », explique Patrice Clos. Pour le reste, « on veut essayer de croire qu’on aura des négociations en septembre ou octobre. Et si on obtient rien, on va embrayer beaucoup plus dur », promet-il. 

 

Grèves locales, enjeux nationaux

 

Dans la continuité de la séquence initiée à la rentrée 2021, des luttes locales pour les salaires ne cessent d’émerger. Certaines s’inscrivent dans des secteurs déjà fortement mobilisés. C’est le cas de la compagnie Transavia, qui rejoint à son tour les grèves successives dans l’aérien. Le Syndicat National du Personnel Navigant Commercial (SNPNC-FO) a déposé un préavis du 4 juillet au 15 septembre. « Depuis janvier 2021, Transavia ne respecte pas le SMIC pour les premiers échelons, malgré nos alertes depuis octobre 2021 », expose entre autres le syndicat des hôtesses et stewards. 

C’est le cas aussi chez les territoriaux. On observe des mouvements autour des salaires dans les piscines municipales parisiennes, ou encore chez les agents du traitement des déchets du Gers avec un préavis de grève déclenché jusqu’au 30 septembre. S’il est difficile de deviner comment ces mobilisations se poursuivront à la rentrée, au niveau national, la CGT Services Publics a déjà lancé un préavis sur les deux mois d’été.

« Bien qu’il soit nécessaire de relever le niveau des rémunérations des fonctionnaires à hauteur de l’inflation, cela ne suffira pas à rattraper les années de gel du point d’indice ni à résoudre le tassement des grilles pour toutes les catégories hiérarchiques confondues », communique la fédération. Elle revendique entre autres l’augmentation minimum immédiate de 10% du point d’indice et son indexation sur l’inflation. Ou encore, des NAO dans plusieurs branches : offices de l’habitat, entreprises de l’eau et thanatologie.

 

Des luttes pour les salaires cherchant à se renforcer pendant l’été

 

D’autres luttes pour les salaires restent, pour l’heure, plus isolées. Du côté de ChronoDrive par exemple. Une première journée de grève à paralysé le magasin de Basso-Cambo à Toulouse, le 25 juin. De là, un appel avait été lancé aux autres ChronoDrive de France pour le 9 juillet. Il a permis de toucher trois autres sites sur Toulouse, ainsi qu’un autre à Avelin (59). « Pendant l’été, on va cristalliser les liens avec les autres salariés mobilisés. On va essayer de redémarrer à la rentrée, avec les autres secteurs en lutte. Mais pour cela on a besoin qu’un vrai plan de bataille national soit fixé par toutes les organisations syndicales et politiques. Faire seulement une journée de grève de 24h le 29 septembre ne suffira pas à répondre à la colère actuelle », affirme Rafaël Cherfy, responsable de section syndicale CGT Chronodrive, basé à Toulouse.

En revanche, l’été est propice à la mobilisation des secteurs du tourisme et des travailleurs saisonniers. Ainsi, une grève est prévue le 14 juillet à l’UCPA (Union nationale des Centres sportifs de Plein Air). Avec 12 000 salariés, c’est l’un des trois principaux employeurs du secteur du sport. « On part vraisemblablement sur une grève qui avoisine les 100% dans les cuisines de la filière Vacances, le cœur de métier de l’UCPA, sur un jour férié en plein boom de pleine saison », pronostique Guillaume Maudet, chargé de développement syndical au pôle sport de la CGT-FERC

« Les cuisines demandent 16% d’augmentation, compte tenu des salaires qui ne bougent pas depuis 15 ans et surtout de l’inflation qui galope. Ça gronde aussi dans les autres équipes, avec des étincelles notamment chez les encadrant·es sportives », continue le syndicaliste. Face à ce mouvement, la direction propose 2% d’augmentation. Une augmentation qui, comme dans bien des endroits, exaspère les salariés, touchés par une inflation désormais estimée à 5,8% sur un an.

 

Crédit photo : Baptiste Soubra