Frotter frotter

Série « Frotter frotter » sur France TV : le making off que vous ne verrez pas

Diffusée sur France 2 le 19 février 2025, la série Frotter Frotter célèbre une grève victorieuse de femmes de chambre. Pourtant, lorsqu’à l’hiver 2023 une grève historique démarre dans la production audiovisuelle et affecte le tournage, l’équipe dirigeante renie vite les valeurs qu’elle porte à l’écran. Remplacement de grévistes, pression sur les délégués du personnel, mépris… Son comportement finit par braquer les salariés et met prématurément fin à la première session du tournage. Récit d’une grève de l’autre côté de l’écran.

Cet article a été publié dans le cadre de notre partenariat avec Basta.

« Vous n’avez pas le droit de remplacer les grévistes », s’époumone Solange dans le premier épisode de la série Frotter frotter. En toute illégalité, la direction de l’hôtel Nowhere, dans lequel elle est gouvernante, vient d’embaucher de nouvelles femmes de chambre pour casser la grève naissante. La scène évoque une pratique courante dans les conflits qui animent le secteur de la propreté. Bien moins sur les plateaux de tournage. Pourtant, la boîte de production Cinétévé, qui produit cette série diffusée par FranceTV, s’est elle-même livrée à un tel remplacement lors de la grève historique des techniciens de l’audiovisuel qui a touché son tournage fin 2023.

L’histoire du tournage de Frotter frotter est celle d’un grand écart entre les valeurs défendues à l’écran et l’exercice concret de la fonction patronale. Et c’est peut-être pour la réalisatrice Marion Vernoux que la dissonance cognitive est la plus difficile à assumer. Professionnelle confirmée, nommée aux César en 1995 pour sa première œuvre et primée à la Mostra de Venise en 1999, elle signe avec Frotter frotter, une série où elle se place du côté des salariées en lutte. Mais sur son plateau, elle enfile au contraire le costume de la patronne, prête à s’opposer aux grévistes, selon les témoignages que nous avons recueillis. Pression mise sur des délégués du personnel, tentative d’ignorer les grévistes, puis de les remplacer : son comportement finit par braquer une partie de son équipe et contribue à faire capoter la première session du tournage. Contactés, Marion Vernoux et la quasi-totalité des acteurs principaux de la série n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Cinétévé s’est contenté d’un mail lapidaire (voir boîte noire en fin d’article).

Le scénario de Frotter frotter s’inspire de la grève de l’Ibis Batignolles, dans le 17e arrondissement de Paris, qui a fait parler d’elle entre 2019 et 2021. Une vingtaine de femmes de chambre d’origine africaine avait alors obtenu de fortes augmentations de salaire après une lutte de 22 mois. Cette bataille a notamment fait émerger la figure de Rachel Keke, femme de chambre et gréviste élue députée du Val-de-Marne sous la bannière de la France insoumise en 2022.

Les premiers rôles sont joués par des actrices connues et certains seconds rôles par des non professionnelles : « Solange la gouvernante malienne mère de famille nombreuse (Eye Haïdara), Fanny la bourgeoise déclassée au bout du rouleau (Émilie Caen), Michèle la militante queer grande gueule (Karole Rocher)… Trois femmes qui n’ont rien en commun et vont pourtant s’unir autour d’un combat : une grève de femmes de chambre », résume le synopsis.

« Tourner des sujets sociaux et engagés, ça n’arrive pas souvent. Alors quand on est venu me chercher, j’étais très content ! » À 38 ans, Raymond*, chef électricien lillois, a été de ceux qui ont animé la grève durant le tournage de Frotter frotter. S’il a aujourd’hui quitté la profession, il garde un souvenir enthousiaste de son début de tournage. « Même si je savais que les budgets allaient être plus serrés que sur une série TF1 et qu’on allait nous demander d’être au four et au moulin, je prenais sur moi, parce que le sujet était d’intérêt général », se remémore-t-il.

Pourtant, il se retrouve rapidement tiraillé entre son envie de tourner et la perspective d’un mouvement de grève qui se prépare dans l’audiovisuel. Ce syndiqué au Spiac-CGT (Syndicat des professionnels des industries de l’audiovisuel et du cinéma), premier syndicat du secteur, sait qu’une assemblée générale s’est réunie le 20 septembre. Les adhérents y ont constaté que les maigres augmentations de salaire négociées ces vingt dernières années étaient loin de compenser l’inflation. Une revendication a émergé : 20 % d’augmentation pour tous et toutes.

Frotter frotter
Projection faite par les grévistes le 4 décembre 2023. Crédit : Spiac-CGT.

Le tournage de Frotter frotter commence le 6 novembre 2023. En fin de journée, alors que toute l’équipe est réunie à la cantine pour un premier repas du soir, le chef électricien demande le silence et prend la parole. « J’ai expliqué qu’un mouvement de grève aurait sûrement lieu pendant le tournage », se souvient-il. « J’ai pris la parole avant la réalisatrice, ce qui ne se fait pas… comme je ne connaissais qu’une partie de l’équipe, j’étais un peu stressé et il semblerait que je n’ai pas dit bonjour. »

Marion Vernoux s’adresse alors à son tour à l’équipe. Elle affirme sa joie de travailler sur cette série télévisée et rappelle qu’elle tient à ce que les salariés se saluent tous les matins. « C’est sacrément ironique, sachant qu’elle a fini par ne plus dire bonjour aux grévistes », note Raymond. La séquence, rapportée par de nombreux techniciens grévistes, jette un premier froid sur le plateau.

Sur le tournage de Frotter frotter, Raymond et Jacques*, un ingénieur du son qui fait partie des doyens du plateau, sont élus délégués du personnel et organisent un premier vote « sur le principe de la grève ». Les techniciens sont dans leur grande majorité lillois et se connaissent. L’équipe est soudée et plutôt militante : le principe de la grève est ainsi voté par 40 personnes sur 48 (7 votes contre, 1 blanc).

« À ce moment-là, le directeur de production est encore très ouvert, il y a un respect des grévistes. Personne ne mesure l’ampleur que va prendre le mouvement et l’impact qu’il aura sur la série », constate Raymond. Cette incrédulité générale s’explique : les grèves sont rares et risquées dans la profession. « C’est un petit milieu, où tout le monde se connaît. Passer pour le gréviste ou l’emmerdeur, c’est prendre le risque qu’une production ne vous fasse plus jamais travailler, voire qu’elle en parle aux autres employeurs. Pas facile d’obtenir son intermittence dans ce contexte », résume Nicolas Yassinski, délégué général du Spiac-CGT. C’est d’ailleurs pour cette raison que les salariés interrogés dans cet article ont souhaité témoigner sous anonymat.

Les difficultés financières des techniciens entrent aussi en ligne de compte. « Je louais un logement à 950 €/mois pour venir travailler à Lille. Je gagnais à peu près 1000 € la semaine de tournage. En une seule journée de grève, je perdais environ 200 € et j’avais besoin de faire des heures pour compléter mon intermittence », raconte un technicien. Pour toutes ces raisons, la production ne se projette pas sur un conflit long et parie sur le fait que l’orage passe vite.

La grève du secteur audiovisuel débute le 15 novembre 2023 à l’appel du Spiac-CGT, du SNTPCT (Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision) et de la CFTC. La bataille qui démarre est exceptionnelle par son ampleur. La profession, qui compte 130 000 salariés, n’en a pas connu de telle depuis 25 ans et la mise en place de sa convention collective.

Sur Frotter frotter, où travaillent une cinquantaine de techniciens, le tournage est arrêté pour deux journées. Nationalement, plus de 70 équipes de tournage et de post-production votent pour interrompre le travail pour des durées allant de quelques heures à deux jours. « On se retrouvait à vivre certaines scènes…qu’on était en train de filmer. J’ai noté des dialogues d’actrices que l’on répétait presque mot pour mot lors de nos réunions », raconte Raphaëlle*, assistante caméra sur la série et engagée dans la grève.


Qu’en pensent les actrices non professionnelles ?

Marion Vernoux et la production ont insisté sur le fait que la grève pouvait nuire aux actrices non professionnelles, dont certaines sont femmes de chambre, qui participaient au tournage. Quel regard ont-elles porté sur la grève ? Deux d’entre elles ont accepté de nous répondre. Elles n’avaient jamais fait de cinéma et se disent avant tout heureuses d’avoir participé au tournage de Frotter frotter. Berthe Tshiala, Congolaise de 42 ans et Loossoise (ville de banlieue lilloise), est nettoyeuse polyvalente pour Airbnb. « Je pouvais m’arranger avec ma gouvernante. Je faisais du sans solde pour aller tourner, sinon je travaillais. D’habitude je gagne 11,50 € par heure, je peux avoir environ 80 € par jour. En jouant, je gagnais entre 220 et 240 €, c’était très bien. » Interrogée sur la manière dont elle a vécu la grève des techniciens, elle poursuit : « J’ai vu que beaucoup de techniciens travaillaient trop. Le caméraman, comment fait-il pour ne pas se casser le bras ? Il court, il prend des angles, il arrange… Comment il peut faire ça si son salaire n’augmente jamais ? J’ai eu pitié, alors je leur ai dit qu’ils avaient raison de faire grève. Même par rapport à mon métier de femme de chambre, leur travail est difficile. Moi, je peux refaire les choses plusieurs fois, eux, ils n’ont pas le droit à l’erreur. » Sally Cayez, la cinquantaine, Française d’origine burkinabée, travaille depuis 25 ans dans la vente de vêtements par correspondance. Elle souhaite aujourd’hui devenir actrice professionnelle et bénéficie du soutien de ses collègues. « Quand il y a eu grève sur le tournage, j’ai pu appeler ma responsable qui, heureusement, était compréhensive et acceptait que je reporte les congés déjà posés », explique-t-elle. Elle a participé à la deuxième session de tournage de Frotter frotter et raconte : « Quand on a repris le tournage en 2024, Marion Vernoux n’était plus aussi joviale qu’avant. Cela se comprend, elle a quand même perdu beaucoup d’argent avec la grève. En même temps, je comprends les gens qui ont fait grève aussi parce que moi j’ai fait grève dans la boîte où je suis. » Quelques mois après le tournage, les salariés de l’entreprise Afibel, dans laquelle elle travaille, sont eux aussi entrés en grève pour des augmentations de salaire.


À Lille, les grévistes de la mini-série Émancipée, du césarisé Philippe Faucon, ainsi que les salariés d’une des séries phare de TF1, HPI, se joignent à ceux de Frotter frotter pour un repas et une photo. À Paris, environ 500 techniciens manifestent devant l’Uspa (l’Union syndicale de la production audiovisuelle), un des principaux syndicats de producteurs, auquel adhère Cinétévé. Une délégation syndicale est reçue, mais les employeurs temporisent et proposent des négociations tardives, le 5 décembre.

En attendant, la grève affecte financièrement les tournages, notamment celui de Frotter frotter, dont le budget est serré. Cinétévé doit payer les non-grévistes, sans avoir la certitude de tenir son calendrier. « Il a fallu sans cesse réorganiser le plan de travail et se demander comment on allait rattraper le temps perdu », témoigne Marie*, qui occupe un poste à responsabilité sur le tournage, mais soutient la grève.

Les relations entre l’équipe dirigeante et les grévistes se tendent fortement. La réalisatrice ne les salue plus. Marie note l’écart entre le projet social de Marion Vernoux et son comportement face aux grévistes.« Je lui expliquais que je soutenais la grève parce que je voulais que, derrière, les productions se retournent vers les actionnaires et les diffuseurs pour avoir plus de budget et mieux payer les salariés. Pour moi, c’était ça la vérité de ce mouvement. Les conditions de travail sur les tournages sont de plus en plus difficiles. Je croyais avoir affaire à quelqu’un qui avait de l’empathie pour tout ça… la réalité a été très différente. Le film était plus important que tout. Elle s’est convaincue que tout le monde était contre elle et s’est braquée. »

Conséquence de cette farouche envie de tourner, les délégués du personnel sont mis sous pression. Jacques raconte : « Le directeur de production m’appelle sur les coups de 21 heures. Il est très remonté et me dit que la mobilisation est en train de couler la série. Comme si j’en étais l’unique responsable. Je n’ai pas apprécié la manière dont il m’a parlé et j’ai proposé que les postes de délégués tournent ». La pression mise sur cet ingénieur du son, poste clef du tournage, le dissuadera de faire à nouveau grève.

« On m’a fait comprendre que si je ne me remettais pas à bosser, je pouvais tout bloquer. La production et la réalisatrice voulaient faire leur série et nous, nous voulions obtenir des augmentations de salaire. Donc j’ai manqué de courage et je suis retourné bosser alors que les autres continuaient la grève », ressasse Jacques, qui aujourd’hui encore se sent coupable. Jacques et Raymond abandonnent finalement leurs responsabilités de délégué du personnel.

L’équipe est tiraillée : faut-il poursuivre une grève, même jugée légitime, au prix d’une mise en péril du tournage ? Les délégués, désormais anonymes, décident d’organiser un vote électronique. Le 22 novembre, sur 42 votants, 21 votent pour une journée de grève hebdomadaire quand 17 votent pour deux journées (4 votes blancs). La modalité la plus radicale n’est pas la plus populaire. Signe que de nombreux techniciens veulent ménager la production et la réalisatrice, 16 votent même pour déclarer en avance les jours de grève à venir, ce qui donnerait de la visibilité à la production pour réorganiser son plan de travail.

À l’échelle nationale, la lutte continue de prendre de l’ampleur. Au moins 86 équipes de tournage et de post-production arrêtent le travail lors des 23 et 24 novembre. « Les plus gros tournages étaient en grève et les équipes de post-prod d’émission télé à succès aussi », se souvient Nicolas Yassinski. Parmi elles : Koh-Lanta, Top chef, ou encore Pékin express.

Frotter frotter
Manifestation devant la tour TF1 à Paris le 4 décembre 2023. Crédit : Spiac-CGT.

Finalement, les syndicats de producteurs avancent les négociations au 30 novembre. Une proposition émerge : 5% d’augmentation pour les salaires inférieurs à 1000 € par semaine et 3 % pour les autres. Bien loin des 20 % exigés par les grévistes. Ces derniers refusent massivement l’offre.

La lutte entre alors dans une nouvelle phase, plus dure. Une nouvelle grève de 4 jours est prévue à partir du 4 décembre. Sur le tournage de Frotter frotter, la proposition divise. Une scission se confirme entre Lillois et Parisiens. Les premiers demeurent plutôt en faveur de la grève quand les seconds, souvent plus proches de la réalisatrice et de la production, souhaitent travailler. Comme une moitié de techniciens décide de se rallier aux 4 jours de grève, la série est sérieusement mise en danger. La production franchit alors une ligne rouge : continuer à tourner malgré tout.

Le tournage de plusieurs petites scènes – un passage dans une rue, ou encore une séance de jogging – est organisé pendant les jours de grève avec une équipe réduite de non-grévistes. « Le directeur de production n’a pas du tout mesuré le signal qu’il envoyait en faisant ça. Il a voulu sauver coûte que coûte le tournage, parce qu’il avait la production sur le dos, et je ne le blâme pas. Mais il est passé en force et Marion Vernoux a soutenu ça à fond. Évidemment, ça a envenimé les choses », raconte Marie.

En tant que responsable de l’éclairage du plateau, Raymond occupe un poste indispensable. Mais il est gréviste. « Le chef opérateur est venu me voir et m’a prévenu qu’il avait contacté un autre chef électro, qui ne faisait pas partie du tournage. Il voulait l’embaucher pour les sessions en équipe réduite. Ils voulaient tellement tourner qu’ils sont allés jusqu’à remplacer des grévistes. » Une méthode strictement interdite par la loi et, rappelons-le, dénoncée dans Frotter frotter.

Une autre situation, plus ambiguë, pose également la question du remplacement de grévistes. « Juste avant l’appel à la grève de 4 jours, le directeur de production est venu me voir pour me dire qu’il y avait trop de flous dans les rushs. Je lui ai proposé qu’une nouvelle personne vienne renforcer l’équipe caméra, qui était sous dotée dès le départ », se souvient Sarah*, assistante caméra également impliquée dans la grève. « Finalement, la production a fait venir de Paris un 1er assistant caméra B qui lui était tout dévoué et qui a continué à tourner en équipe réduite. Le problème, c’est que dans les faits, il a servi à remplacer différents grévistes en fonction des besoins. Je me suis sentie manipulée. »

La mise en place des équipes réduites et la poursuite de la grève précipitent la fin du tournage. « Petit à petit, on s’est mis à tourner certaines séquences qui n’étaient pas prévues à l’origine pour être filmées en équipe réduite. Alors là, c’est devenu du grand n’importe quoi », se rappelle Marie. La situation devient insoluble sur le tournage lillois. Les grévistes sont trop engagés dans la grève pour reculer. Et puis, « on n’avait plus envie de bosser pour une réalisatrice qui nous traitait de cette façon », appuie Raphaëlle. Ils sont rejoints par l’équipe des décors, qui n’était pas partie prenante de la grève, mais qui sature des conditions de travail en équipe réduite. Une grève illimitée est actée. « Ça revenait à mettre fin au tournage », résume Raymond.

Le 14 décembre signe la fin de la partie. Les équipes reçoivent un mail signé Cinétévé qui met immédiatement fin au tournage alors qu’il reste 7 jours de travail. « Cet arrêt affectera le paiement des salaires à compter de ce jeudi 14 décembre », ose la boîte de production. Une décision qui s’affranchit encore du droit du travail puisque les contrats de la grande majorité des salariés courent jusqu’au 22 décembre. Les techniciens contestent et la production se ravise.

Un second tournage, permettant de boucler la série, est finalement organisé début 2024. « Cinétévé a dû perdre beaucoup d’argent. Il fallait engager de nouvelles personnes, louer à nouveau du matériel, des décors… », estime Marie. Aucun des techniciens interrogés n’y a participé. Pour les grévistes les plus chevronnés, la question ne s’est même pas posée. Et pour Marie et Jacques, qui n’ont pas participé à la grève jusqu’au bout, mais la soutenaient, le lien de confiance avec la réalisatrice était rompu.

À l’écran, l’épisode 4 de Frotter frotter se conclut avec la victoire des femmes de chambre grévistes. Dans l’ultime réplique, Solange, leur meneuse, décidée à ne plus voir les conditions de travail de quiconque dégradées, conseille un livreur : « Une grève, ça casse, c’est long et ça coûte cher, mais ça vaut le coup. » Les grévistes de Frotter frotter garderont un souvenir bien plus amer de leur lutte. Elle n’a pourtant pas été vaine. De fait, si la grève dans la production audiovisuelle n’a pas abouti (voir encadré), le Spiac-CGT a réalisé une progression historique de 21 % lors des élections professionnelles des TPE du secteur, qui ont eu lieu fin 2024. Le syndicat relie directement ces résultats à la mobilisation.


La fin de la grève dans la production audiovisuelle 

Le 18 janvier, 3 syndicats (le SNTPCT, la CFDT et la CFTC) signent finalement l’accord proposé par le patronat : +5% ou +3% en fonction du salaire (plus ou moins de 1000€ par semaine de tournage) ainsi que des augmentations différenciées selon le domaine d’activité (fiction, flux, documentaire, captation de spectacle vivant). « Il suffit de 30% de représentativité pour pouvoir signer un accord. Le SNTPCT était à 27%… Il suffisait qu’un seul autre syndicat signe pour qu’un accord soit adopté« , raconte Nicolas Yassinski du Spiac-CGT. Son syndicat tente de continuer à mobiliser mais la dynamique est retombée. “De nombreux tournages prévus à la rentrée ont été décalés aux mois suivants, continue le syndicaliste. Or sans tournage, pas de contrat de travail…et donc pas de grève.” En plus de juger les augmentations bien trop maigres, le syndicat estime que l’accord trouvé acte un grave recul : des augmentations de salaire différenciées entre flux et fiction. « L’idée contre laquelle nous nous inscrivons consiste à différencier les techniciens de la fiction, qui feraient un travail plus « noble », de ceux du flux. Cela va contre le principe « à travail égal salaire égal », et ne peut que diviser notre profession« , regrette le syndicaliste. A l’inverse, le SNTPCT, qui syndique avant tout les techniciens de la fiction, soutient cette option. Il déclare dans un communiqué : « l’indistinction entre [flux et fiction] tirait depuis des années nos salaires vers le bas ».


Boîte noire

Les salariés (prénoms*) interrogés dans cet article ont souhaité témoigner sous anonymat.

 Contactée, la réalisatrice Marion Vernoux n’a pas répondu à nos questions.

 « La période de la grève a été une période difficile pour l’ensemble de l’équipe, techniciens comme comédiens. Nous avons surmonté collectivement ces difficultés, pour livrer un programme dont nous pouvons tous être fiers. Nous nous réjouissons maintenant de sa diffusion prochaine le 19 février prochain, ainsi que de sa projection en sélection officielle au festival de Luchon », nous a répondu la direction de Cinétévé.

 Contactés, les principaux acteurs et actrices, Eye Aïdara, Karole Rocher, Francis Leplay et Gringe n’ont pas répondu à nos questions. L’actrice Émilie Caen a brièvement répondu, disant soutenir les revendications des grévistes mais que le tournage était « comme une mise en abîme » : « Nous avons tourné avec des femmes de ménage qui avant de venir sur le plateau de tournage avaient été faire des ménages, qui s’étaient levées 4 heures plus tôt. Souvent elles avaient dû poser des jours pour venir tourner. La grève a fragilisé ces femmes et un tournage avec peu de moyens. »

Photo de Une : Les grévistes de Frotter frotter manifestent le 30 novembre 2023 devant l’hôtel Moxy de Lille, un de leurs principaux lieux de tournage. Crédit : Spiac-CGT