De la nouvelle réforme de l’assurance chômage à celle du RSA en passant par la volonté réaffirmée de repousser l’âge de départ à la retraite, le chef de l’État met en musique une de ses obsessions : il faut bosser plus. La jeunesse n’est pas oubliée, notamment celle des classes populaires pour laquelle l’exécutif prévoit une réforme des lycées professionnels, ainsi que le développement de l’apprentissage.
« Nous devons travailler plus. Et là-dessus, il y a deux leviers : le plein-emploi et la réforme des retraites », assumait Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme pour un second mandat le 17 mars 2022. En cette rentrée, on assiste à la déclinaison tous azimuts de cette affirmation.
Première cible : les chômeurs. Dès le 14 juillet, le chef de l’État se désolait du fait qu’il « n’y a pas aujourd’hui un endroit en France où on ne dit pas : j’ai besoin de travail, je cherche des gens pour travailler ». Et face aux questions de la journaliste qui l’interrogeait sur les salaires bas et les métiers pénibles dans certains secteurs d’activité comme la restauration, le président préférait se faire le VRP du patronat en lançant l’opprobre sur les demandeurs d’emploi. « S’ils peuvent trouver et aller vers un autre métier, je veux bien. Si derrière la réponse est : je vais bénéficier de la solidarité nationale pour réfléchir à ma vie, j’ai du mal à l’entendre. Parce que cette solidarité nationale, c’est ceux qui bossent qui la paient », balançait Emmanuel Macron. Une communication volontairement démagogique en dépit des chiffres : un tiers des inscrits à Pôle emploi travaillent en activité réduite, près de la moitié des allocataires reprennent une activité trois mois après le début de leur indemnisation et près de deux tiers des inscrits à Pôle emploi ne sont pas indemnisés.
Mettre les chômeurs et bénéficiaires du RSA au travail
Depuis la fin de l’été, Olivier Dussopt, le ministre du Travail déroule le projet présidentiel. Mercredi 7 septembre, il présentait un projet de loi en Conseil des ministres prolongeant la convention de l’assurance chômage d’un an pour lancer des concertations afin d’indexer l’indemnisation chômage sur l’état du marché du travail. Une durée moindre ou des critères plus restrictifs pour en bénéficier par exemple, lorsque l’économie est dynamique. Cela dans le but d’inciter les demandeurs d’emploi à reprendre un travail à en croire la communication ministérielle.
Une fable qu’écorne une étude publiée le 8 septembre par la Dares, les services statistiques du ministère du Travail. Elle montre que les difficultés de recrutement des entreprises sont largement liées à des questions de main-d’œuvre qualifiée indisponible par absence de formation ou pour des raisons de mobilité. Quand les difficultés de recrutement ne sont pas dues à une intensité d’embauche ou à des conditions de travail contraignantes. Mais peu importe les chiffres de son ministère, pour le ministre du Travail, un transfuge du Parti socialiste de 2017, l’indemnisation reste un frein majeur à la reprise d’emploi. À défaut de sortir des demandeurs d’emploi du chômage, la nouvelle réforme en sortira un bon nombre de l’indemnisation. Ce faisant, le gouvernement réduira les dépenses de l’Unédic pour le plus grand plaisir des organisations patronales, extrêmement favorables à la réforme, qui n’oublieront probablement pas de réclamer de nouveaux allégements ou suppressions de cotisations sociales.
Même philosophie avec les bénéficiaires du RSA : le bâton et la contrainte pour qu’ils se remettent à bosser. Là, la méthode est subtile. Il s’agit de lancer une expérimentation dans quelques départements où les bénéficiaires signeraient un contrat pouvant les engager à une activité de travail ou de formation de 15 à 20 heures par semaine pour royalement bénéficier des à peine plus de 500 euros du RSA. Puis la mesure serait généralisée en 2024. Évidemment, il se trouve déjà des départements, comme celui de l’Essonne, candidats à l’expérimentation, trop contents des économies envisageables, le RSA étant à leur charge.
Macron aime les jeunes… qui vont bosser
« C’est ça l’projet pour la jeunesse : travaille, consomme et ferme ta gueule », scandaient les jeunes manifestants pendant la contestation de loi travail. On pourrait bien s’en rapprocher encore un peu plus avec le projet, non encore dévoilé dans ses détails, de réforme de l’enseignement professionnel. Emmanuel Macron n’a cependant pas caché son intention d’adapter la voie professionnelle au marché du travail pour que les élèves soient plus employables. À cette fin, il souhaite « un partenariat beaucoup plus étroit avec les entreprises », comme il l’a rappelé dans son discours de rentrée aux recteurs fin août. Ici, on sent poindre la tentation de faire coller les enseignements avec les métiers qui aujourd’hui ont des difficultés pour recruter.
Quitte, comme le rappelle une intersyndicale de l’enseignement professionnel, à oublier une partie des missions de ces établissements : « la vocation émancipatrice de l’enseignement professionnel sous statut scolaire des élèves. Nos élèves n’ont pas besoin de plus d’entreprises, mais de plus d’école, plus de culture et d’enseignement général, bref de plus de bases scolaires. » Pour elle, « la formation initiale de nos lycéens et lycéennes professionnels serait donc instrumentalisée pour développer toujours plus l’apprentissage avec l’objectif d’atteindre un million d’apprentis ».
Enfin, peut-être pour les préparer à l’apprentissage, les collégiens en classes de 5e pourront se voir proposer des « activités de découverte des métiers », « des « mini-stages » ou des « visites d’entreprise » prévoit la circulaire de rentrée 2022 du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Retraites : travailler plus longtemps ou aller pointer à Pôle emploi ?
De l’autre côté de l’âge d’entrée dans l’activité professionnelle, il s’agit aussi de travailler plus. Ici en reculant l’âge légal de départ à la retraite. Cette « mère des réformes », abandonnée pour cause de pandémie et de forte mobilisation sociale en 2020, maintes fois relancée puis retardée dans une version modifiée, reste à l’agenda du gouvernement. Et ce, même si la période lui est peu propice. Olivier Dussopt l’a confirmé mercredi dernier : les négociations avec le patronat et les syndicats démarreront après la mi-septembre, moment où le Conseil d’orientation des retraites devrait remettre son rapport sur les projections financières des régimes de retraite.
Là encore, il faut bosser plus ! Jusqu’à 64 ou 65 ans selon les vœux du président de la République, soutenu en cela par la droite comme par le Medef. Ici, le discours est le même : « il faut travailler plus ». Seuls les arguments et justifications changent, parfois de façon assez incongrue. Et tant pis si encore en 2021, 43,8 % des 55-64 ans ne sont plus en activité, selon les chiffres du ministère du Travail. Pour ceux-là, il reste l’inscription à Pôle emploi. Pour l’indemnisation, rien n’est moins sûr avec la nouvelle réforme de l’assurance chômage. Peut-être devront-ils postuler à un emploi de serveur dans une paillote, sous peine du perdre leurs allocations.
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