La manifestation contre les violences de l’extrême droite qui devait avoir lieu ce samedi 3 avril à Lyon a été interdite par arrêté préfectoral. Or, les raisons de cette interdiction sont des plus obscures : on reproche aux organisateurs des faits qui ne sont pas les leurs ainsi qu’un parcours qu’ils avaient accepté de modifier.
La préfecture du Rhône a publié le 1er avril une interdiction de manifester dans une zone élargie à Lyon. Elle vise le rassemblement contre les violences de l’extrême droite organisée à l’initiative de l’Union Communiste Libertaire, dont la librairie a été attaquée le 19 mars par une cinquantaine de membres de l’extrême droite radicale.
Dans un communiqué de presse, la préfecture estime que « compte tenu du contexte sanitaire et de la tension qui règne entre groupuscules d’ultra gauche et d’ultra droite cette manifestation présente des risques de troubles graves et avérés à l’ordre public ».
Une manifestation violente par nature ?
Un arrêté d’interdiction de manifester entend préciser les raisons de cette décision en décrivant le contexte dans lequel, selon la préfecture, cet évènement prend place. Or en guise de contexte, l’arrêté détaille, en non moins de 25 paragraphes, toutes les dégradations ayant eu lieu lors de diverses manifestations lyonnaises depuis la manifestation Black Lives Matter du 6 juin 2020. Il fait même référence aux manifestations des gilets jaunes qui, depuis le 17 novembre 2018, « se sont déroulées presque chaque samedi, au moyen d’appels sur les réseaux sociaux dans le centre-ville de Lyon ». « Des évènements qui n’ont aucun lien avec notre manifestation », rappelle un des organisateurs.
Plus étonnant encore, la préfecture considère que l’attaque de la librairie est un élément de contexte permettant d’interdire cette manifestation. « On nous interdit une manifestation contre les violences d’extrême droite sous prétexte que l’extrême droite est violente », regrette un des organisateurs.
Modification du parcours non prise en compte
L’arrêté d’interdiction reproche également à la manifestation son parcours, passant par les rues du vieux Lyon (fief de l’extrême droite avec la présence de locaux de feu Génération Identitaire). « L’étroitesse des rues du Vieux-Lyon compliquerait l’intervention des forces de l’ordre », avance-t-elle.
Or ce parcours avait été modifié par les organisateurs dans la journée de mercredi. « Après une réunion avec la préfecture, nous avons accepté un nouveau parcours partant de la manufacture des tabacs et se terminant place Jean Macé », expliquent-ils. Ce parcours dans les grandes artères de la ville aurait facilité le travail des forces de l’ordre et invalidé l’argument de l’étroitesse des rues. Or cette concession faite par les organisateurs n’a même pas été retenue par la préfecture, qui agit comme si les discussions avec les organisateurs n’avaient jamais eu lieu. Contactée, la préfecture s’est contentée de nous rappeler que la manifestation avait été interdite pour sa dangerosité.
La préfecture était d’ailleurs plutôt pressée de faire signer le PV de notification annonçant l’interdiction de la manifestation à ses organisateurs : l’un d’entre eux a reçu la visite de la police chez lui à 23 h. La temporalité de l’interdiction préfectorale (deux jours seulement avant la manifestation) ne doit rien au hasard : la contester au tribunal administratif dans un temps si court reste une gageure pour les organisateurs. Ils indiquent cependant qu’ils feront cette démarche.
Crédit photo : Serge D’ignazio
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