En plus des salaires, les retraites ! Alors que l’inflation étrangle les travailleurs, le gouvernement annonce une réforme des retraites d’ici la fin de l’hiver. Il faudra sans doute travailler jusqu’à 65 ans. De quoi rajouter à la colère déjà existante et grossir les rangs des manifestations en ce jour de grève du 29 septembre.
Il y a bien longtemps qu’une manifestation syndicale n’avait pas autant mobilisé dans les rues de la capitale. Depuis le début de l’année 2022, malgré de nombreuses luttes pour les augmentations de salaire dans les entreprises, les journées de grèves interprofessionnelles ont peiné à rassembler. Lors des deux dernières manifestations sur ce thème, seules 8 800 (27 janvier) et 3 200 (17 mars) personnes avaient participé à la mobilisation à Paris, selon la police. Cette fois « une source policière », citée dans de nombreux médias, attendait 3 000 à 6 000 personnes dans les rues de la ville. Mais cette source n’ayant pas de véritable pouvoir de divination, ils seront finalement 13 500 selon la police, 40 000 selon les syndicats.
Le phénomène n’est pas seulement parisien. Dans toutes les villes, les organisateurs annoncent des chiffres au-dessus de normales de saison. Selon les syndicats : 6000 manifestants à Toulouse, 7000 à Lyon, 4500 à Nantes, 3000 à Montpellier et même 30 000 à Marseille (qui affiche toutefois un gros écart avec les informations policières, qui tablent sur 4300). Avec plus de 200 rassemblements partout en France, les villes plus petites se sont également mobilisées : 1600 personnes au Mans, 1200 à Tours et 1500 à Limoges… Au total 250 000 personnes ont manifesté aujourd’hui, selon la CGT. Si on reste loin du raz-de-marée, les cortèges, comme les visages, ont repris de la couleur en cette rentrée sociale 2022.
Grève du 29 septembre : en plus des salaires, les retraites
C’est que la manifestation du 29 septembre tombe à pic. Alors que la bataille sur les salaires, suscitée par un taux d’inflation particulièrement haut (5,9%), continue, un nouveau front de lutte vient de s’ouvrir en cette fin de mois de septembre : celui des retraites. Ce matin même, la première ministre Elisabeth Borne a enfin dévoilé le calendrier du gouvernement. Objectif : adopter la réforme dès la fin de l’hiver. En attendant, des négociations avec les organisations syndicales et patronales sont prévues. Mais dans le carré de tête syndical, Philippe Martinez reste dubitatif. « Si c’est pour discuter pendant 3 mois du recul de l’âge légal, on ne restera pas longtemps à cette table », prévient le secrétaire général de la CGT.
En plus de continuer la bataille sur les salaires, la CGT, la FSU, Solidaires et les organisations de jeunesse, qui ont lancé l’appel à la grève du 29 septembre, préparent donc désormais celle sur les retraites. « De toute façon les deux sont liées puisqu’augmenter les salaires c’est augmenter les cotisations et financer les retraites », rappelle Murielle Guilbert, co-déléguée générale de Solidaires. Pour peser face au gouvernement d’Emmanuel Macron, les syndicats souhaitent intensifier la mobilisations dans les entreprises mais également élargir l’arc syndical mobilisé. « Nous avons une réunion avec l’ensemble des organisations syndicales lundi 3 octobre. Cela ne débouchera pas tout de suite sur une journée de grève mais permettra de voir sur quoi nous sommes d’accord et jusqu’au nous pouvons aller ensemble », détaille Simon Duteil, également co-délégué général de Solidaire. Pour l’heure, la totalité des syndicats de salariés se dit hostile à un rallongement de l’âge légal de départ, mais peu sont entrés concrètement dans la bataille.
Le privé dans la manifestation
Dans la manifestation parisienne, de nombreuses entreprises en lutte sont représentées. C’est signe de bonne santé du cortège tant on sait que le privé mobilise plus difficilement que le public. On trouve par exemple les salariés d’Elior, multinationale de la restauration mais aussi du nettoyage. Ou encore ceux de Stellantis (fusion de PSA Peugeot-Citroën et FCA Fiat-Chrysler), qui ont multiplié les mouvements de grève cette semaine. Jonathan Dossanto, secrétaire général de Stellantis Poissy raconte : « On n’a que mille euros de prime Macron alors que ça peut aller jusqu’à 6000. Ils se foutent de nous sur les paies alors que l’entreprises fait des bénéfices records. » Un de ses collègues logisticien, qui souhaite rester anonyme, déplore également les conditions de travail dans la boîte :« ils ont inventé un nouveau truc pour nous diminuer de moitié les temps de pause, ça devient intenable. »
Les salariés du bâtiment étaient également mobilisés. Le matin même, 500 grévistes débrayaient sur le chantier de construction Eiffage de Saint-Denis, où doit se construire le village des athlètes des JO2024. Dans la manif, ils cheminaient notamment aux côtés des ouvriers de Razel-Bec, eux-aussi en grève. « Dans le bâtiment, les conditions de travail sont très dures, on est en moyenne à un ouvrier mort par jour. De plus, à 55 ans, un ouvrier sur 2 à déjà arrêté le travail. C’est fou de nous demander de continuer à bosser jusqu’à 65 ans », dénonce Mathieu Dogoud de la fédération CGT de la construction. La mobilisation était également très forte chez TotalEnergies, où les salariés étaient en grève depuis 3 jours ainsi que dans l’agro-alimentaire. Dans ce secteur, la CGT a recensé près de 400 appels à la grève pour aujourd’hui. « Le taux de grévistes allant de 30 à 100% des salariés dans les entreprises de ce secteur, cela représente, au bas mot, 50 000 grévistes », continue la CGT dans un communiqué.
Entreprises à statut et enseignants
Enfin, les gros bastions syndicaux que sont les entreprises à statut (EDF, SNCF) et l’Education nationale, étaient au rendez-vous. La grève était particulièrement suivie dans le nucléaire où l’on a observé une baisse de 8,5 % de la production totale d’énergie ce jeudi matin. Près de cinq réacteurs ont été concernés par les débrayages. La fédération CGT des mines et de l’énergie (FNME) appelle déjà une nouvelle journée de grève le 6 octobre, toujours pour les salaires.
Chez les enseignants, les taux de grévistes ont avoisiné les 20% et 30% dans le premier et second degré respectivement « Entre les augmentations de salaire qui ne viennent pas, les classes sans profs et la réforme des retraites, on a un cocktail explosif qui met les enseignants dans la rue », explique Sophie Venetitay, secrétaire générale du SNES-FSU. Dans le cortège parisien, la mobilisation autour de l’enseignant Kai Terada était particulièrement visible, puisque ses soutiens revêtaient des masques à son effigie. Ce professeur, qui a subi un déplacement administratif injustifié, est bel et bien devenu un symbole de la répression syndicale dans l’Education nationale (voir notre article).
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