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Grève RATP : « que veut-on faire des transports en France ? »


Les 23, 24 et 25 mai, les travailleurs du réseau de bus et de tramways de la RATP (région autonome des transports parisiens) sont en grève. Dans le viseur : l’ouverture à la concurrence en 2025. Au nom de cette échéance, leur direction impose des changements dans leurs conditions de travail. Cette grève vise à pointer la responsabilité des donneurs d’ordre. À savoir Ile-de-France Mobilités, et le ministère des Transports.

 

Lundi, dans la région parisienne, trois tramways sur cinq fonctionnaient, sur les heures de pointe, selon la RATP. Du côté des bus, on comptait 60 % de grévistes, selon les estimations obtenues par le syndicat FO. Ce mardi, la RATP comptait plutôt un tramway sur deux en circulation. Cette perturbation des transports franciliens s’inscrit dans une série de grèves menées contre la dégradation des conditions de travail imposée en vue de l’ouverture prochaine à la concurrence du réseau.

Pour les bus et tramways, cet horizon est proche : 2025. D’ici là, l’enjeu pour la RATP est de réduire les coûts pour se positionner dans l’écosystème concurrentiel. « Dans le transport, 70 % du prix de production est composé de la masse salariale. Pour réduire les coûts, soit vous embauchez moins de monde, soit vous rémunérez moins, soit vous faites travailler plus… La RATP est en train de faire un cocktail des trois », nous expliquait Vincent Gautheron, secrétaire de l’union syndicale CGT RATP, à ce sujet.

Après avoir dénoncé fin 2021 le précédent accord d’entreprise, la direction de la RATP avait émis des propositions de modifications des conditions de travail. Mise en place des services en deux fois les week-end ; augmentation du temps de travail ; suppression de six jours de repos… Mais la négociation, qui s’est tenue en avril, n’a abouti à aucun accord, les syndicats faisant bloc. Résultat : la direction passe en force. Elle impose certains changements (pas tous, puisque certains ne peuvent se passer d’accord) via un relevé de décisions. Entre autres, une baisse des primes. Ou encore, l’augmentation de la durée de référence journalière, avec des heures supplémentaires calculées au trimestre et non plus au quotidien. Ces changements seront effectifs au 1er août.

 

« Le vrai problème, c’est la volonté politique »

 

Après une précédente journée de grève RATP le 25 mars, ces trois jours sont « un galop d’essai » aux yeux de Jean-Christophe Delprat, secrétaire fédéral FO Transports et Logistique. Lundi, les conducteurs manifestaient devant le ministère des Transports. « On fait le focus sur les conditions de travail. Mais le vrai problème, c’est la volonté politique : c’était tout l’enjeu de notre manifestation », décrit-il.

De fait, la RATP n’est pas décisionnaire du calendrier d’ouverture à la concurrence et de ses conditions de réalisation. Le donneur d’ordre ? Ile-de-France Mobilités. Et plus haut encore : le ministère des Transports. « Si demain le ministère ou Ile-de-France Mobilités appellent la direction de la RATP pour leur demander de faire marche arrière, elle fera marche arrière », rappelle Jean-Christophe Delprat. « Ce que l’on souhaite, c’est que les politiques interviennent, en mettant en place des transitions, en diluant le calendrier d’ouverture à la concurrence… Parce que là, c’est trop violent ».

Le nouveau gouvernement composé par Emmanuel Macron ne compte plus de ministère des Transports. Celui-ci est désormais intégré au ministère de la Transition Écologique, dirigée par Amélie de Montchalin. « On voit bien que dans l’esprit du gouvernement, les transports ne comptent pas » réagit Jean-Christophe Delprat. Pour lui, cette grève RATP est là pour poser une question de fond « que veut-on faire des transports en France ? »

 

Métros, RER : la crainte d’une accélération du calendrier de l’ouverture à la concurrence

 

Les conducteurs de métros et de RER ne participent pas à ces trois jours de grève RATP. Et pour cause : l’horizon de l’ouverture à la concurrence est, pour eux, plus lointain. L’échéance est fixée à 2039. Pourtant, les syndicats s’inquiètent d’une possible accélération de cet agenda. « Syndicalement, nous ne sommes pas dupes quant à cet horizon 2039. On sent bien qu’il y a une volonté d’accélérer », estime Jean-Christophe Delprat.

Les responsables syndicaux observent par exemple avec méfiance une nomination toute récente. Celle de la dirigeante d’entreprise Agnès Ogier, jusqu’ici directrice de l’axe TGV Atlantique au sein de la SNCF, et ancienne directrice générale de Thalys. Elle aura pour mission de piloter la nouvelle business unit RATP services ferrés (métros, RER), dans le cadre de la restructuration du groupe préparant l’ouverture à la concurrence.

 

Photo : O Phil des Contrastes