160 000 personnes ont manifesté en France (chiffre CGT) lors de cette journée de grève interprofessionnelle du 5 octobre. Alors que la campagne présidentielle et la question de l’immigration occupent chaque jour un peu plus de place dans le débat politique, le mouvement social cherche à faire entendre une autre voix dans la rue : augmentation des salaires refus des réformes des retraites et de celle de l’assurance chômage. Bilan d’une journée de rentrée sociale.
« Quand je vais dans les entreprises, on me parle de salaire, pas d’immigration », la pique lancée par le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez dans les Echos donne finalement le ton de cette journée de grèves et de manifestations, appelées par quatre organisations syndicales de salariés (CGT, FO, FSU, Solidaires) et quatre organisations de jeunesse (Fidl, MNL, Unef, UNL) ce mardi 5 octobre. A l’heure où l’espace politique et médiatique est accaparé par les questions d’immigration et d’identité nationale, les syndicats entendent replacer au centre du jeu la question des conditions de travail.
Parmi elles : la hausse des rémunérations mais aussi la question du chômage, réformé par décret depuis le 1er octobre, mais contesté par la plupart des organisations syndicales devant le Conseil d’État. Bien-sûr, la perspective d’une nouvelle réforme des retraites trotte dans toutes les têtes : « Pour défendre nos retraites, on était là hier et on sera là demain », affirme Yves Veyrier, présent dans la manifestation parisienne. Le secrétaire général de Force Ouvrière entend également profiter de cette journée pour défendre la fonction publique : « On ne cesse de supprimer des postes à l’hôpital, on manque de moyens dans l’éducation ou encore dans les finances publiques alors même que l’on apprend le scandale des Pandoras Papers », dénonce-t-il.
Paris : pluie, police mais manifestation quand même
A Paris la journée ne se déroule pas sous les meilleurs auspices. Manifestantes et manifestants subissent à la fois la pluie et un dispositif policier particulièrement oppressif. En tête de manifestation, ces derniers collent le carré syndical pour empêcher, semble-t-il, la constitution d’un cortège de tête.
Nouvelle stratégie policières pour la manif #5octobre à Paris. Les gendarmes mobiles collent le carré de tête pendant les interview à la presse. Et ainsi, éviter ou gênent la création d’un cortège de tête. pic.twitter.com/rYf7i3dcMH
— Rapports de Force (@rapportsdeforce) October 5, 2021
Pas forcément étonnant : en amont de la manifestation, la préfecture parisienne s’était déjà montré répressive en refusant le parcours initialement déposé par les syndicats, sous prétexte que ce dernier passait par la Place Vendôme donc à proximité de certains ministères. Si les organisateurs rappellent que l’itinéraire a déjà été emprunté plusieurs fois et dénoncent une entrave à la liberté de manifester, ils se plient finalement aux contraintes de la préfecture et acceptent de défiler de la place de la République jusqu’au métro Chaussée d’Antin – La Fayette.
A l’intérieur du cortège, 25 000 manifestants déambulent, selon la CGT, aucun secteur d’activité ne se distingue par une mobilisation hors norme. Des enseignants, des cheminots, des travailleurs de la santé marchent côte à côte. Des salariés en lutte comme ceux de Bergams, qui fabriquent des sandwichs et des plats cuisinés à Grigny, ou encore du centre d’action social de Paris en grève contre les 1607 heures sont toutefois mis en avant au sein de la manifestation.
Des grèves, des manifestations, mais peu de perspectives politiques
Niveau grève, pas d’embrasement du côté des secteurs habituellement à la pointe de lutte. Dans l’Éducation Nationale, le ministère (qui à l’habitude d’annoncer des chiffres particulièrement bas) a signalé en milieu de journée 4,06% de grévistes en moyenne parmi les enseignants. Dans l’énergie, la production nucléaire est en grève à 30%, indique la CGT. Les transports seront finalement assez peu perturbés par la mobilisation à l’échelle nationale.
Niveau manifestations, s’il n’y a pas de secteur particulièrement mobilisé pour servir de locomotive au mouvement, 160 000 salariés (chiffre CGT) ont tout de même défilé dans près de 200 rassemblements partout en France. A Marseille, où une grève massive des éboueurs s’est terminé quelques jours plus tôt, la CGT annonce 25 000 manifestants et la préfecture 3500.
[#Photos] Marseille était dans la rue pour ce 5 octobrehttps://t.co/sZb3VBLAj8 pic.twitter.com/y8PFetREP4
— La Marseillaise (@lamarsweb) October 5, 2021
A Lyon, les syndicats optent pour le chiffre de 6000 manifestants quand la préfecture annonce 2300. Présence notable des salariés des Transports en Communs Lyonnais (TCL) qui multiplient les journées de grève depuis plusieurs semaines, ou encore du collectif Plus Jamais Ca, constitué en mini cortège pour insister sur la jonction entre la question de l’emploi et celle de l’écologie.
Dans les autres villes, les chiffres peinent à dépasser les 5000. A Toulouse, « les chiffres qui nous remontent sont très bons : plus de 5000 dans les rues », annonce Cedric Caubère, secrétaire général de l’UD CGT31. La préfecture modère quant-à-elle ce décompte puisqu’elle annonce 2500 manifestants dans la ville rose. À Bordeaux, la manifestation de ce mardi 5 octobre a rassemblé environ 4 000 personnes selon les syndicats, 1550 selon la préfecture. A Lille, le journal La Voix du Nord estime que 1500 à 2000 manifestants sont présents dans les rues et à Caen ils seraient 2500 selon Ouest France. « Les salariés restent convaincu de l’importance de se mobiliser dans la période mais manquent de perspectives politiques. Ce qui fait que beaucoup ont passé leur tour aujourd’hui », conclut Benoît Teste secrétaire général de la FSU.
Stéphane Ortega, Guillaume Bernard
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