Cent cinquante travailleurs sans-papiers des chantiers des Jeux Olympiques et du Grand Paris ainsi que 650 sans-papiers intérimaires se sont mis en grève dans plus d’une trentaine de lieux en Île-de-France ce mardi 17 octobre. Ils comptent obtenir leur régularisation et peser, par leurs actions, sur le débat public alors que le projet de loi immigration sera examiné au Sénat le 6 novembre.
Ce mardi 17 octobre a démarré l’une des plus grosses grèves de sans-papiers observée depuis 2009, lorsque 1300 travailleurs s’étaient mis en grève. D’une part, 100 à 150 grévistes sans-papiers des chantiers des Jeux Olympiques et du Grand Paris occupent les travaux de l’Arena de la porte de la Chapelle, qui doivent être mise en service pour les J.O de 2024. De l’autre, environ 650 travailleurs sans-papiers, le plus souvent intérimaires, sont entrés en grève sur 35 piquets d’Île-de-France pour demander leur régularisation. Ces derniers sont pour la plupart employés dans des entreprises sous-traitantes de la logistique, des déchets, du nettoyage, de la distribution. Ils occupent des agences d’intérim et des entreprises sous-traitantes (Adecco, Samsic, Proman), prestataires pour de grands groupes tels que : Carrefour, ONET, Véolia, Suez, DPD, GLS, Atalian…
Car, que ce soit à la Chapelle ou sur les 35 autres piquets, la première cible de cette grève c’est le système de sous-traitance en cascade qui permet bien souvent aux grands groupes donneurs d’ordres, d’employer en bout de chaîne des salariés sans-papiers maltraités et corvéables à merci (lire notre article). « Nous dénonçons ce système dans son intégralité qui organise notre exploitation par un mille-feuille qui permet aux grosses boîtes donneurs d’ordre sur les chantiers de se laver les mains tout en profitant allègrement de notre force de travail », dénoncent les occupants de l’Arena. Ils sont soutenus par des collectifs de sans papiers (les Gilets Noirs, CSP75, CSP20, CSP Montreuil, Droits Devant!), la Marche des solidarités et le syndicat CNT-SO. Sur les 35 autres piquets, c’est l’Union régionale CGT d’Île-de-France qui coordonne la lutte.
Négocier avec les patrons… et l’État
Sur le site de la Chapelle, où les donneurs d’ordres s’appellent Vinci, Bouygues, ou encore Eiffage, la grève menée dès le petit matin a vite fait accourir les patrons et les négociations ont déjà commencé. Les grévistes souhaitent des négociations tripartites impliquant à la fois les donneurs d’ordres, les sous-traitants et la préfecture. Ils souhaitent : « une régularisation collective en commençant par tous les travailleurs des chantiers des JO et du Grand Paris ainsi que le retrait de la loi Darmanin et la renégociation des droits et des conditions de régularisation des travailleurs immigré·e·s ». Si aucune mention du retrait de la loi Darmanin n’est fait dans le communiqué de la CGT Île-de-France, Jean-Albert Guidou, en charge des questions liés aux migrants pour la CGT, confirme : « il s’agit aussi, avec ces grèves, de peser dans le débat public ».
Dans le cadre de la future loi sur l’asile et l’immigration (aussi appelée loi Darmanin), qui sera examinée au Sénat le 6 novembre, le gouvernement projette de créer un nouveau titre de séjour d’un an, pour les travailleurs étrangers des « métiers en tension ». Une idée qui répond aux besoins des patrons du secteur puisqu’en Île-de-France, les travailleurs immigrés (avec ou sans papiers) représentent 40 à 62% des salariés des branches de l’aide à domicile, du BTP, de l’hôtellerie-restauration, du nettoyage, de la sécurité et de l’agro alimentaire, selon l’INSEE.
En plus de résoudre une question d’emploi cette mesure ferait office de volet « humanité » qui contrebalanceraient à toutes les déclarations de « fermeté » sur les expulsions et la lutte contre la délinquance, qui constitueront de toute façon l’orientation générale du projet de loi Darmanin. Pourtant, à y regarder de plus près, cette mesure elle est loin de répondre aux lacunes réelles de la régularisation par le travail. Surtout, elle relève d’une vision utilitariste des personnes étrangères. Une situation que les grévistes de la Chapelle résument d’une phrase : « vous n’avez pas le droit d’être là sans patron ».
Crédit photo : CNT-SO.
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