Riposte antifasciste : Lyon manifeste contre les violences d’extrême droite


 

À l’heure où les idées du Rassemblement National trouvent un écho grandissant au sein de la majorité et où les agressions fascistes se multiplient à Lyon, plus d’un millier de personnes ont défilé ce week-end dans les rues de la ville pour clamer l’urgence d’une mobilisation populaire contre l’extrême droite.

 

Les banderoles, le soleil, l’énergie et le monde parviennent presque à faire oublier que l’évènement du jour aurait bien pu ne pas se tenir. Le 3 avril, alors qu’une première manifestation nationale contre les violences d’extrême droite doit avoir lieu à Lyon, la préfecture du Rhône use d’un véritable coup fourré pour la faire interdire. « Une décision qui montre bien que l’État renvoie dos à dos groupuscules fascistes et militants antifascistes », déclarait alors un des organisateurs. Le slogan « le préfet est complice, il n’arrête pas les milices », lancé par les manifestants le rappellera durant tout le parcours.

Pourtant, deux semaines plus tôt, c’était bien une cinquantaine de militants d’extrême droite qui attaquait la librairie anarchiste La Plume Noire à grand renfort de jets de pierre. Une attaque fasciste d’ampleur inédite, même dans cette ville habituée aux exactions de l’extrême droite radicale.

 

 

Entravés par une nouvelle période de confinement peu propice aux mobilisations, les organisateurs remettent finalement leur manifestation à plus tard. Ils en réduisent également l’ampleur : le parcours déposé ne passera plus par les grandes artères lyonnaises mais par les petites rues des pentes de la colline de la Croix Rousse, quartier militant historique de la ville.

 

« Croix-Rousse antifasciste »

 

Malgré ces entraves, la manifestation du jour est une belle réussite : 1200 personnes défilent dans les pentes de la Croix Rousse selon les organisateurs, 850 selon la police.

Parmi elles, on trouve de nombreuses organisations militantes, des syndicats, ou des partis politiques. L’Union Communiste Libertaire (UCL) à l’initiative de la manifestation, a mobilisé ses troupes en nombre, le NPA, le Parti de Gauche, le Parti Communiste Français, la CNT, la CGT, FSU et SUD, le collectif antifasciste La Jeune Garde ou encore le Planning Familial et des militants LGBGTQI+ sont également présents.

Au-delà d’un ancrage marqué à gauche, nombre de groupes présents ont également pour point commun d’avoir subi des attaques venues de l’extrême droite radicale lyonnaise. Le parcours de la manifestation le rappelle puisque des arrêts sont prévus devant des lieux régulièrement pris pour cible par ses nervis.

 

Le mouvement social, cible régulière des attaques de l’extrême droite

 

Au cris de « Croix-Rousse antifa, Croix-Rousse antifa », c’est tout naturellement que la manifestation marque un premier arrêt devant la librairie Plume Noire, qui sert de local à l’Union Communiste Libertaire (UCL) lyonnaise. Ces dernières années, c’est sans conteste le lieu le plus régulièrement et le plus violemment visé par les fascistes. En plus de l’attaque du 19 mars précédemment évoquée, deux membres de l’association PESE (Pour l’égalité sociale et l’écologie) étaient roués de coups mi-décembre 2020 par des militants d’extrême droite alors qu’ils venaient d’effectuer une distribution alimentaire à proximité de la Plume Noire. Une autre agression avait également eu lieu en novembre 2016. « En marge d’un rassemblement catholique intégriste interdit qui se tenait à côté de la librairie, le service d’ordre de cette manifestation avait brisé plusieurs vitres de la librairie, ils étaient une vingtaine », se souvient un membre de l’UCL.

 

Librairie la Plume Noire à Lyon.

 

Un peu plus bas dans les pentes, le cortège marque un arrêt devant le local du Parti Communiste Français. Lui aussi déplore une attaque attribuée à l’extrême droite : de nombreuses vitres brisées dans la nuit en août 2019. Plus en contrebas, le local du Collectif Unitaire Lyonnais, qui accueille notamment le syndicat CNT, fait aussi l’objet d’une attention particulière : en 2018 des membres du Bastion Social (groupuscule nationaliste désormais dissous), en avaient brisé la vitre et dérobé une banderole militante. Plusieurs syndicalistes, de la CNT, mais aussi de Solidaires et de la CGT prennent alors la parole pour rappeler que « l’extrême droite ne sera jamais du côté des travailleurs ».

Alors que le procès en appel des assassins de Clément Méric, jeune militant antifasciste tué en 2013 se déroule actuellement à Paris, une invitation à se rendre à la manifestation de commémoration et de lutte en sa mémoire le 5 juin à Paris est également lancée.

 

Local du Collectif Unitaire Lyonnais.

 

Dernier arrêt devant le centre LGBTI+ de Lyon, où une prise de parole rappelle que les mouvements féministes et queers sont bien souvent la cible d’agressions fascistes dans la ville. Le 24 avril, le rassemblement pour la fierté lesbienne qui réunissait 400 personnes était attaqué par un groupe d’une cinquantaine de militants d’extrême droite, tenus à distance par la police et par le service d’ordre organisé en non-mixité. Le 7 mars, en marge de la manifestation lyonnaise pour le droit des femmes, plusieurs dizaines de fascistes avaient également tenté d’agresser le cortège. « Lyon est le berceau de la Manif Pour Tous, de fait être lesbienne c’est être antifasciste », rappelle une manifestante.

La manifestation se termine devant l’hôtel de ville où des prises de paroles viennent rappeler que, ces dernier temps, des victoires ont été obtenues face à l’extrême droite : les locaux du PNF, du Bastion Social, de l’Action Française ou du Gud ont été fermés par décision administrative ou par manque d’activité militante. Les locaux de Génération Identitaire, en théorie fermés puisque l’association a été dissoute, sont cependant toujours en activité et demeurent la dernière cible du collectif lyonnais « Fermons les Locaux Fascistes ».

Autre petite victoire, finalement pas si anodine : pendant toute la durée de la manifestation dans les rues de la Croix-Rousse, les militants d’extrême droite qui, ces derniers temps, sillonnent régulièrement la colline le week-end, n’ont pas pointé le bout de leur nez.