La nausée


 

La semaine dernière, Marine Le Pen était jugée trop molle par Gérald Darmanin, qui se lance maintenant dans un hasardeux et opportuniste processus de dissolution de Génération Identitaire. Puis, c’est au tour de Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, d’annoncer une enquête sur l’islamo-gauchisme dans les universités. Pendant ce temps, le Covid-19 tue 300 personnes chaque jour, la crise sociale s’élargit et le gouvernement refuse toujours un RSA pour les 18-25 ans pour faire face à la crise. Décidément, la précampagne présidentielle est lancée et le ton est donné.

 

Enseignement

 

Frédérique Vidal et l’islamo-gauchisme

 

C’est sans doute la tentative de diversion la plus grossière qu’on ait vue depuis longtemps. Alors que la ministre de l’enseignement supérieur est confrontée à la détresse des étudiants et des enseignants, dont les conditions d’apprentissage et de travail sont fortement dégradées depuis le début de la pandémie, voilà qu’elle se lance dans une diatribe contre « l’islamo-gauchisme ». Peu habituée à répondre aux polémiques, la Conférence des Présidents d’Université n’a cette fois-ci pas pu s’empêcher de publier un communiqué. Elle fustige les attaques de la ministre contre les libertés académiques et lui demande de laisser le terme d’islamo-gauchisme « aux animateurs de CNews ou à l’extrême droite qui l’a popularisé ».

 

Pas de fermeture d’école mais un allégement du protocole

 

Marche arrière pour le protocole sanitaire dans les écoles. Alors que jusque-là un seul cas de variant anglais suffisait à fermer une classe, il en faut désormais au moins trois. En revanche il suffit toujours d’un cas de variant brésilien ou sud-africain pour fermer. Une décision jugée incompréhensible et irresponsable par le syndicat SNES-FSU.

 

Blanquer  ne perd pas le Nord 

 

S’il est accaparé par la pandémie, Jean-Michel Blanquer n’en oublie pas pour autant son jeu préféré : la grande valse des postes d’enseignants. On le savait depuis l’annonce du budget de l’éducation nationale 2021 : le ministère supprime des postes dans l’enseignement secondaire (-1883) et en crée dans le premier de degré (+2039). Alors que, depuis deux semaines, collèges et lycées reçoivent leur « dotation horaire globale », soit le nombre d’heures d’enseignement dont disposera chaque discipline, ils peuvent constater les dégâts occasionnés dans le secondaire : « tous les établissements connaissent une forte diminution des moyens, que ce soit des suppressions de postes, une hausse des effectifs en classe ou une baisse de l’offre d’options et spécialités », indique Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du syndicat Snes-FSU à Mediapart.

 

Du côté du gouvernement

 

La loi séparatisme adoptée à l’Assemblée nationale

 

Après deux semaines de débats, l’Assemblée nationale a adopté mardi le projet de loi « renforçant les principes républicains » par 347 voix pour, 151 contre et 65 abstentions. Contrôle des cultes, des associations, délit de séparatisme, restriction de l’éducation à domicile, le texte d’orientation, quasi exclusivement répressif, embrasse de très nombreuses thématiques dans ses quelques 70 articles. Il sera examiné par le Sénat à partir du 30 mars.

 

Pas de RSA jeune pendant la crise

 

Pas question d’entériner un revenu non lié à une activité de travail ou de formation pour les 18-25 ans. Même en période de crise. Jeudi, la majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale a rejeté la proposition de loi socialiste voulant instituer un revenu de base pour les jeunes le temps de la crise économique, liée à l’épidémie de Covid-19. Une mesure à laquelle deux tiers des Français se disent favorables.

 

La réforme de la justice des mineurs votée

 

Mardi 16 février, le parlement a définitivement adopté la réforme de la justice pénale des mineurs qui entrera en vigueur au mois de septembre. Celle-ci fixe un délai de trois mois pour un premier jugement et installe « une mise à l’épreuve éducative » entre la condamnation et l’exécution d’une peine. Un texte critiqué par 200 personnalités du monde de la protection de la jeunesse dans une tribune au mois de décembre.

 

Dissolution de Génération Identitaire

 

L’organisation d’extrême droite Génération Identitaire a reçu sa notification de dissolution le week-end dernier. Depuis, c’est le branle-bas de combat à l’extrême droite : de nombreuses personnalités politiques, souvent proches du RN, communiquent leur soutien, les portes paroles identitaires passent dans les médias (chez Cyril Hanouna) et une manifestation est organisée samedi à Paris. De l’autre côté de l’échiquier politique une contre-manifestation a également été appelée par plusieurs organisations comme le syndicat Solidaires, l’Action Antifasciste Paris Banlieue ou encore l’Union Communiste Libertaire. Elles s’opposent à la démonstration publique du groupe raciste, même si la question de la dissolution interroge y compris parmi ses opposants (notre article).

 

PSE, licenciements, chômage

 

C’est la crise, mais pas pour tous

 

Février est le mois de la Chandeleur, mais aussi du dévoilement public des résultats de l’année écoulée pour les entreprises. Pour certains secteurs, les pertes sont astronomiques. Sans surprise, l’aérien enregistre de lourds déficits : sept milliards d’euros pour Air France KLM, un milliard pour Aéroport de Paris, plus d’un milliard pour Airbus. Renault dans le secteur de l’automobile enregistre une perte de huit milliards. Par contre, le secteur de la grande distribution a plutôt profité de la crise : Carrefour affiche un bénéfice en progression de 13,2 % à 629 millions d’euros. Ce qui n’a pas empêché l’enseigne d’annoncer un plan d’économie de 2,4 milliards et des réductions d’effectifs d’ici 2023.

 

Michelin dans le vert, ses salariés dans le rouge

 

Moins 2300 postes d’ici 2023, annoncés début janvier. Mais une situation financière loin d’être catastrophique. Les comptes de résultat 2020 de Michelin publiés cette semaine restent excédentaires de 625 millions d’euros (1,7 milliard en 2019), malgré une baisse de 20 % de ses ventes.

 

Et Hop, un PSE non homologué

 

Le PDG de Hop l’a annoncé mardi à ses salariés : la Direccte (ministère du Travail) a retoqué le plan de sauvegarde de l’emploi et le plan de départs volontaires de la filiale d’Air France. Celui-ci prévoyait notamment que les personnels naviguant reclassés chez Air France perdraient leur ancienneté. Et une part de leur revenu pouvant grimper jusqu’à 50 % selon les syndicats. Au mois de décembre, ceux-ci avaient rejeté le plan de suppression d’un millier d’emplois lors du comité social et économique (CSE) de l’entreprise. Et promis une action en justice en cas d’homologation du PSE.

 

Action en justice des salariés de General Electric

 

Ce 17 février 2021, plusieurs dizaines de salariés de Général Electric ont lancé une « action en responsabilité » devant le tribunal de Lyon. Ils assignent en justice leur maison-mère américaine, pour la trahison de ses engagements en terme d’emploi, lors du rachat en 2014 du pôle énergie d’Alstom. Motif invoqué : contrairement à ses engagements, General Electric a licencié au lieu d’embaucher.

 

PSE déguisé chez Adecco

 

Selon un document que s’est procuré le journal L’Humanité, le géant de l’intérim Adecco établit des listes de salariés à évincer progressivement de la boîte pour éviter d’avoir à faire des PSE (plus coûteux). Une liste de 114 noms a ainsi été établie dont 97 devraient faire l’objet de ruptures conventionnelles (alors que les salariés ne sont même pas au courant) et 15 de licenciements dont le motif reste encore à déterminer.

 

Le groupe Cahors n’en finit plus de licencier

 

Dans la rubrique « le patronat abuse », le groupe Cahors (fabricant de réseaux de distribution d’énergie) n’est pas mal non plus. Depuis son rachat en 2019 par un ancien banquier de Goldmann Saxe, les 1200 salariés ont subi pas moins de 10 plans de licenciement dans les différentes filiales de la boîte. Dernier en date : celui de sa filiale la Maec à Cahors avec 56 salariés qui se retrouvent sur le carreau. Les syndicats et même la présidente de Région ont dénoncé ces agissements.

 

Faillites sur ordonnance

 

C’est un dossier hautement inflammable, mais peu exposé, alors que les faillites d’entreprises pourraient exploser une fois finie la perfusion des aides d’État. Le ministère de la Justice prévoit une ordonnance sur l’insolvabilité des entreprises. Plusieurs organisations syndicales (CFDT, FO) dénoncent le projet, craignant un changement d’ordre des priorités des créances en défaveur des salariés, et avantageant les mandataires judiciaires, voire les banques. Le Medef y est également défavorable, anticipant une augmentation des cotisations pour abonder les fonds de l’AGS qui avancent les sommes lors des défaillances d’entreprises. Mercredi, le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) a de son côté assuré que l’ordonnance ne menacerait pas la protection des salariés. Une affaire à suivre de près.

 

L’aide exceptionnelle de 900 € prolongée

 

Le dispositif garantissant un revenu de 900 € pour les travailleuses et travailleurs précaires, annoncé à l’automne, mais dont le premier versement n’a eu lieu que le 5 février, sera prolongé jusqu’au mois de mai. C’est ce qu’a expliqué Élisabeth Borne lundi. Cette aide aurait bénéficié à 400 000 personnes selon la ministre du Travail. Cette aide s’adresse à celles et ceux qui ont travaillé au moins 138 jours en 2019, mais n’ont pas été suffisamment en activité en 2020 pour ouvrir ou recharger des droits à l’assurance chômage.

 

Luttes

 

Acte 2 à Grandpuits

 

Cette semaine, les salariés en lutte de la raffinerie de Grandpuits ont manifesté devant la Direccte, où leur PSE est désormais examiné. S’ils ont mis fin à leur grève après 45 jours de piquet et que leurs syndicats majoritaires (CFDT, CFE-CGC, FO) ont trouvé un accord avec la direction sur le PSE, une partie des salariés reste toujours mobilisée et annonce un acte 2.

 

Troisième semaine pour les grévistes de Sanofi Sisteron

 

Alors que Sanofi a annoncé la suppression de 1700 postes en Europe, dont 364 dans la recherche, la grève commencée le 1er février à l’usine de fabrication de Sanofi Sisteron a été reconduite jusqu’au 23. Les grévistes demandent l’ouverture de 30 postes ainsi que des augmentations de salaire. L’usine est à l’arrêt.

 

Brut Butcher retire ses tee-shirts sexistes

 

La mobilisation et la médiatisation des tenues que l’entreprise fait porter à ses salariés (voir notre article) ont largement accéléré le retrait de ses tee-shirts sexistes par Brut Butcher. Samedi 13 février, un rassemblement à Saint-Étienne et un autre à Avignon dénonçaient le manque d’empressement de l’enseigne à réagir, malgré plusieurs alertes. Deux jours plus tôt, Brut Butcher annonçait dans un communiqué de presse que de nouvelles tenues neutres seraient fournies à compter du 13 février. Tout en contestant le caractère sexiste des tee-shirts et en présentant très timidement des excuses.

 

Manifestation pour Madama

 

Une semaine mouvementée au Puy-en-Velay. Lundi, la préfecture empêche physiquement Éric, l’enseignant en grève de la faim, et sa compagne d’accompagner Madama à son entretien pour lui proposer une aide au retour. Malaise et passage aux urgences pour l’enseignant. Pour Madama : la promesse d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). Mercredi matin, entre 600 et 800 personnes ont défilé dans les rues du Puy-en-Velay pour réclamer la régularisation du jeune malien (voir notre article). Depuis, forte de l’arrivée de nouveaux documents en provenance du Mali, la préfecture serait prête à réexaminer la situation de Madama selon nos informations.

 

Une grève de la faim pour Yaya

 

Les histoires de mineurs étrangers se ressemblent. À ses 18 ans, Yaya connaît la rue, écope d’une obligation de quitter le territoire, passe par la communauté d’Emmaüs et trouve un apprentissage dans une boulangerie. C’est la boulangère qui est en grève de la faim depuis le 8 février pour que Yaya, originaire de Guinée Conakry, reste en France.

 

Réquisition pour se mettre au chaud

 

Samedi 13 février, en pleine vague de froid, une centaine de sans-abris et des militants du collectif Réquisitions (DAL, Utopia56) ont occupé temporairement une zone de l’Hôtel-Dieu à Paris, dont plusieurs ailes sont inoccupées. Le soir, 80 d’entre eux obtenaient des places en hébergements d’urgence.

 

Nocibé en lutte

 

Alors que la direction des magasins de produits de beauté Nocibé prévoit la suppression de 347 emplois, des employés du siège, ou vendeurs en magasin, ont manifesté devant les locaux de Nocibé, dans la banlieue lilloise. Une mobilisation en guise d’avertissement avant le début des négociations.

 

International

 

L’union sacrée en Italie

L’ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi est devenu le nouveau Premier ministre d’union nationale du pays, après son adoubement par le parlement cette semaine. De la gauche jusqu’à la ligue de Matteo Salvini, en passant par le mouvement « antisystème » 5 étoiles, toutes les formations politiques représentées au parlement soutiennent et participent au nouveau gouvernement. Une digue de plus tombe de l’autre côté des Alpes vis-à-vis de l’extrême droite.

 

Poussée socialiste, indépendantiste et fasciste en Catalogne

 

Sur fond de faible participation, le scrutin de dimanche en Catalogne modifie sensiblement la carte des équilibres politiques dans la région. Les formations indépendantistes obtiennent une majorité de sièges, pendant que les socialistes font une percée électorale. De son côté, Cuiadadanos s’écroule au bénéfice de Vox, le parti d’extrême droite (lire notre article).

 

Algérie : deuxième anniversaire du Hirak

 

Alors que l’Algérie « fêtera » lundi le second anniversaire du soulèvement contre un cinquième mandat pour le président Bouteflika, les autorités lâchent un peu de lest. Le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé jeudi des élections législatives anticipées et la libération d’une cinquantaine de prisonniers du Hirak. Au début du mois, le témoignage d’un jeune détenu de 25 ans, Walid Nekkiche, sur les traitements subis en garde à vue avait suscité une vague d’indignation. Puis la création la semaine dernière d’un comité de lutte contre la torture et les conditions carcérales inhumaines des détenus en Algérie.

 

Une manifestante de 20 ans tuée en Birmanie

 

Coupures d’internet, arrestations nocturnes, répression des manifestations, la junte militaire tente de juguler les manifestations et grèves qui n’ont pas cessé depuis le coup d’État des militaires le 1er février. De leur côté les opposants à la junte font preuve d’inventivité : pannes de voiture collectives pour bloquer le déplacement des véhicules militaires, flash mobs relayés sur les réseaux sociaux, viennent s’ajouter aux manifestations encore massives. Mais en cette fin de semaine, une manifestante de 20 ans, Mya, est décédée dans la capitale administrative. Elle avait été blessée par balle à la tête lors de manifestations réprimées le 9 février.

 

Et aussi

 

Lidl : des cadres en garde à vue

 

Toute une équipe encadrante placée en garde à vue ! Voilà ce qu’il s’est passé mardi 16 février à la plateforme logistique Lidl de Ploumagoar (Côtes-d’Armor), près de Guingamp. L’événement fait suite suite à un signalement d’un délégué syndical CGT de la boîte du site au procureur procureur fin juillet. Il lui détaillait la mauvaise ambiance dans l’entreprise : « la dégradation des conditions de travail, les salariés sanctionnés de manière discriminatoire, les pressions sur le droit de grève ».

 

Facebook « fait grève »

 

Facebook a restreint le partage d’articles et de vidéos d’information en Australie, en représailles à un projet de loi qui veut forcer les plateformes à rémunérer les médias pour la reprise de leurs contenus. Alors que Google, qui a reçu la même demande, a cédé face à la pression de l’Etat, le réseau social est rentré dans le rapport de force de manière frontale.

 

La justice avance pour les salariés d’Uber en grande Bretagne

 

La Cour suprême britannique, saisie par Uber sur la question des droits des conducteurs, n’a pas donné raison à la plateforme. Ses conducteurs auront désormais accès aux droits fondamentaux des salariés. Si la décision ne s’applique pour l’instant qu’aux vingt-cinq chauffeurs qui ont intenté une action contre Uber, les réclamations pleuvent désormais sur les tribunaux : près de 1 000 chauffeurs ont fait la même demande.