Après un dernier récap hebdomadaire totalement déprimant, on a réussi à trouver quelques motifs de satisfaction dans l’actualité de la semaine : le départ pressenti de Trump, une lutte enseignante qui arrache des concessions à Jean-Michel Blanquer ou encore la dissolution (administrative certes) du groupe turcs fascisant « Les Loups Gris ». En espérant que les bonnes nouvelles se multiplieront dans les semaines à venir … ?
Élections américaines
Les résultats
À l’heure où nous écrivons, le long feuilleton des élections américaines semble proche du dénouement. Au moins dans sa première étape. Joe Biden, qui détient déjà 253 grands électeurs contre 214 pour son adversaire, est en bonne position dans plusieurs des États clefs où le dépouillement n’est pas terminé. Notamment en Pennsylvanie. Ici, l’avance du candidat démocrate devrait être confortée par les votes par correspondance restant à comptabiliser. Ce qui lui donnerait suffisamment de grands électeurs – 20 de plus – pour atteindre la majorité fixée à 270. Pour autant, le décompte final pourrait prendre encore plusieurs jours en Pennsylvanie comme en Géorgie. L’État a annoncé ce vendredi procéder à un nouveau comptage. Joe Biden devait faire une déclaration vendredi soir.
Trump bouge encore
L’élection n’est pourtant pas finie. Le président Donald Trump ne désarme pas, même s’il a montré moins d’assurance jeudi soir. Sa ligne d’attaque ? Dénoncer des fraudes et lancer une guérilla judiciaire, notamment dans les États où les écarts entre les deux candidats sont faibles. L’investiture est prévue pour le 20 janvier et les grands électeurs doivent se prononcer le 14 décembre. D’ici là, la confusion pourrait régner. D’autant qu’avant le scrutin du 3 novembre, Donald Trump avait appelé ses partisans à se tenir prêts à intervenir. Des tensions sont à prévoir dans les jours et les semaines qui viennent.
Le trumpisme s’ancre
Avec 73 à 74 millions d’électeurs, Joe Biden obtiendrait le plus grand nombre de suffrages de l’histoire des élections américaines grâce à une participation record (67 %). Mais son adversaire Donald Trump a enregistré 69 à 70 millions de votes, soit environ 5 millions supplémentaires par rapport à 2016. Non seulement sa base électorale ne s’est pas érodée, mais elle a trouvé du renfort parmi les abstentionnistes d’il y a quatre ans. Si quelques Républicains ont pris des distances avec les déclarations de Donald Trump, qui a demandé d’arrêter de compter les bulletins, l’essentiel du parti lui est fidèle. Ainsi, même s’il est battu, Donald Trump, son idéologie et ses alliés pèseront encore sur la politique américaine. D’autant que les Républicains conservent la majorité au Congrès.
Éducation Nationale
La lutte des (dédoublements de) classes
Entre un hommage à Samuel Paty impréparable et la pression d’un nouveau protocole sanitaire inapplicable, la rentrée a été chargée en émotion dans les établissements scolaires. Mais une fois celle-ci évacuée, les enseignants n’ont pas tardé à s’organiser localement pour exiger un dédoublement des effectifs au collège et au lycée. Concrètement : ils exigent de n’accueillir en présentiel que la moitié des effectifs, pendant que l’autre travaille à la maison. Le moyen de l’obtenir ? Le rapport de force.
La lutte a donc été intense pendant toute la semaine (voir notre article), notamment en Île-de-France, où de nombreux établissements ont connu des grèves massives, ainsi que des dépôts de droit de retrait. Certains sont même allés jusqu’à organiser leur propre dédoublement avec le soutien des parents d’élèves, se passant de l’avis du rectorat. Des mobilisations accompagnées de mouvements lycéens avec des blocages d’un certain nombre d’établissements scolaires.
La lettre de Blanquer
La lutte a payé ! Face au mouvement enseignant, Jean-Michel Blanquer a accordé jeudi soir le dédoublement dans les lycées dans une lettre directement adressée aux enseignants (une fois n’est pas coutume). La mesure conserve cependant certaines zones d’ombre. Le rectorat conservera-t-il le droit de refuser un dédoublement ? Quid du rythme de progression des cours et du respect du programme ? Enfin en n’accordant le droit de dédoubler qu’aux seuls lycées et non aux collèges, le ministre divise les enseignants dans leur lutte.
Blanquer a également transformé les épreuves communes du bac, qui devaient avoir lieu à partir de janvier, en contrôle continu. En revanche, les épreuves terminales sur les enseignements de spécialité, prévues du 15 au 17 mars 2021, sont maintenues.
« Grève sanitaire » annoncée le 10 novembre
Le mouvement enseignant reste à l’offensive. La grève nationale du 10 novembre, appelée par une large intersyndicale, est ainsi maintenue malgré les annonces de Blanquer. Et pour cause : les collèges n’ont pas obtenu le dédoublement, les établissements manquent d’agents d’entretien pour faire respecter le protocole sanitaire et aucune annonce sur le contenu des programmes n’a été faite.
Des sanctions pour les 4 de Melle
Si Blanquer lâche du leste sur le plan sanitaire, il n’en oublie pas pour autant sa répression des enseignants en lutte. 4 enseignants du lycée Desfontaines de Melle (Deux-Sèvres) ont ainsi été sanctionnés ce mercredi 4 novembre par la commission disciplinaire du rectorat de Poitiers. On leur reproche des faits de grève datant de la bataille contre les épreuves anticipées du bac à l’hiver dernier. Leurs sanctions sont d’autant plus sévères que la rectrice de l’Académie de Poitiers a outrepassé l’avis de son propre conseil de discipline pour faire d’eux des exemples (voir notre article).
Crise sanitaire
Véran craque à l’Assemblée
« C’est ça la réalité, si vous ne voulez pas l’entendre, sortez d’ici ! », assène le ministre de la Santé devant l’hémicycle ce mardi. L’opposition venait de voter la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, non pas jusqu’à mi-février comme le réclamait le gouvernement, mais jusqu’au 14 décembre. Face aux députés, le ministre a perdu son sang-froid. Une illustration de plus de l’amour à géométrie variable que le gouvernement porte au débat démocratique ?
Les chiffres de l’épidémie
Calmé, Olivier Véran a pris de nouveau la parole jeudi pour une allocution plus mesurée (conférence de presse) :
La veille il y avait 28 426 malades du Covid-19 dans les hôpitaux français, dont 4 230 dans les services de réanimation.
12 000 personnels de santé se sont portés volontaires pour prêter main-forte, à la fois dans les hôpitaux et les Ehpad du pays.
Si le confinement est bien respecté, un pic de 6 000 patients en réanimation devrait être atteint à la mi-novembre.
La note “””confidentielle“”” de Jérôme Salomon
Le directeur général de la santé Jérôme Salomon a adressé une note tellement confidentielle au Conseil de Défense qu’Europe 1 en a rapidement diffusé le contenu. Il y juge le reconfinement insuffisant à cause des établissements scolaires et des services publics laissés ouverts ainsi que du maintien des visites dans les Ehpad.
Il prévient : « Il ne semble pas possible d’obtenir un taux de reproduction du virus à 0,7, comme en avril, mais plutôt à 0,9. Concrètement, l’inflexion de la courbe du virus en France sera plus lente avec “un plateau haut et prolongé”. »
Manifestation pour la santé à Toulouse
Malgré le confinement, la ville rose n’abandonne pas ses manifestations du samedi après-midi. On n’y trouvera pas de gilets jaunes (officiellement) cette fois mais 18 organisations et syndicats comme la CGT du CHU de Toulouse, la FSU 31, ATTAC, ou encore le DAL31. Syndicats et collectifs dénoncent la gestion de l’épidémie ainsi que le manque de moyens et de matériels dans les hôpitaux. La préfecture a autorisé la manifestation.
Travail
À distance
Le calendrier des discussions entre patronat et syndicats se resserre à propos du télétravail. Réunis mardi 3 novembre, les partenaires sociaux ont prévu de se revoir les 10, 13 et 17 novembre en vue d’aboutir à un accord le 23 novembre. Sept chapitres sont prévus à ce texte qui devrait aborder notamment le volontariat et la réversibilité du télétravail, comme la question des frais professionnels et de la charge de travail. Un chapitre sera dédié spécifiquement au télétravail en temps de crise. Pour autant, la nature contraignante de l’accord n’est toujours pas tranchée, le Medef étant toujours opposé au « prescriptif » ou au « normatif ».
Des femmes
4 novembre 16 h 16. C’est la date et l’heure où commence le travail gratuit des femmes du fait des inégalités salariales. Un calcul réalisé à partir des données Eurostat sur les écarts de salaires entre les hommes et les femmes. Des différences de rémunération qui ne baissent pas : 15,5 % cette année, contre 15,4 % l’an dernier.
En deuxième ligne Covid
La revalorisation des métiers indispensables, mais invisibles pour le pouvoir avant la crise sanitaire, devra encore patienter. La ministre du Travail Élisabeth Borne a lancé ce vendredi 6 novembre une mission « pour accompagner les partenaires sociaux dans leurs réflexions et leurs travaux ». Confiée à deux « spécialistes » RH, la mission consiste à « déterminer les critères d’identification de ces travailleurs », puis à « analyser la qualité de ces emplois », et enfin à mettre en œuvre « une méthodologie et un accompagnement pour actionner les différents leviers de reconnaissance identifiés, le cas échéant par la négociation, avec l’objectif que les branches professionnelles aboutissent le plus rapidement possible sur des solutions qui puissent se traduire concrètement pour les salariés concernés ». Un chantier sur plusieurs mois explique le ministère. Que va piano, va… piano !
Énième tour de vis sécuritaire
Souriez vous n’êtes plus filmés
Interdire de filmer la police ? Les syndicats policiers en rêvaient, la loi de « sécurité globale » veut le faire. Examiné ce mercredi 4 novembre en commission des lois à l’Assemblée Nationale, le projet de loi présenté par deux députés de la majorité propose de punir « d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser (…) l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme « lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ». Il prévoit également le renforcement des pouvoirs de la police municipale et des agents de sécurité privée ou encore l’utilisation des drones et caméras portées directement par les agents dans une grande variété de situations (notre article).
Pour Macron, immigration = terrorisme
Emmanuel Macron n’a plus aucun problème à établir un lien direct entre terroriste et immigration. C’est ce qu’il a fait savoir ce jeudi lors d’un déplacement à la frontière franco-espagnol. Ainsi, « compte tenu de l’évolution de la menace », l’exécutif a décidé de « doubler les forces » déployées aux frontières, qui passeront « de 2 400 à 4 800 », a affirmé le chef de l’Etat, filmé posant devant des hommes armés.
Les Loups gris, groupe d’extrême droite turc, sont dissous
Les exactions du groupe fascisant Les Loups gris, créé en Turquie dans les années 70, n’ont pas attendu la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et les agressions commises à Décines, près de Lyon, pour s’exprimer aussi en France. Mais c’est le contexte des tensions, encore exacerbées depuis le meurtre de Samuel Paty entre la France et la Turquie, qui aura eu sa peau. Gérald Darmanin a annoncé la dissolution de sa branche française mercredi 4 novembre en conseil des ministres. Pour autant, les Loups gris ne sont pas constitués en association, ce qui limite la portée de la décision gouvernementale.
International
Un oui du bout des urnes en Algérie
La tentative de relégitimation du pouvoir algérien, après la contestation du système l’an dernier, a échoué. Les électeurs ont très majoritairement déserté les urnes dimanche dernier. Le taux de participation au référendum constitutionnel proposé par le président Abdelmadjid Tebboune s’élève à 23,7 %, même si le oui aux petits changements institutionnels l’emporte avec 66,8 % des voix.
Attentat de Vienne
Une fusillade meurtrière a fait quatre morts et 22 blessés lundi soir dans un quartier animé de Vienne. Dans un communiqué publié sur ses chaînes Telegram, Daesh impute l’attentat à un « soldat du califat » L’assaillant avait effectivement déjà été condamné en 2019 à vingt-deux mois de prison pour avoir tenté de rejoindre la Syrie afin de s’enrôler au sein de Daesh. Agé de 20 ans, il a été a été tué par la police. Dans la foulé, le gouvernement a ordonné la fermeture des « mosquées radicales ».
Et aussi
Marseille écroulée, la mairie touchée
« Homicides involontaires par violation délibérée d’une obligation de sécurité ». C’est le motif retenu par le parquet pour la mise en examen cette semaine de Marseille Habitat, le bailleur municipal propriétaire d’un des immeubles écroulé le 5 novembre 2018. Huit personnes étaient mortes dans les décombres d’habitats insalubres. Une mise en examen qui résonne comme un symbole. Celui du système Gaudin.
Viscenzo Vecchi ne sera pas extradé
Mercredi 4 novembre, la cour d’appel d’Angers a refusé l’extradition de Vincenzo Vecchi, un militant italien poursuivi par la justice italienne après les manifestations altermondialistes violemment réprimées de Gênes en 2001. Le juge a rejeté les deux mandats d’arrêt européens émis par l’Italie à l’encontre du militant, qui risquait 12 années de prison de l’autre côté des Alpes. (Plus d’infos)
Faisons face ensemble !
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