Des assemblées générales ont eu lieu dans au moins une vingtaine de villes universitaires ce mardi, afin de lancer la participation des étudiants dans le mouvement du 10 septembre. Blocages de campus en matinée, jonction avec des piquets de grève et soutien aux lycéens qui entrent aussi dans le mouvement : Rapports de Force fait le tour d’horizon de cette mobilisation de la jeunesse.
« On est plus de 300. Depuis la réforme des retraites, on n’avait jamais été aussi nombreux », savoure une étudiante. La plupart des cours n’ont pas encore repris, ce 9 septembre, à l’université Toulouse Jean-Jaurès, aussi appelé « Le Mirail » . Mais l’amphi B, qui accueille une assemblée générale d’étudiants et personnels de la fac, est pourtant bondé. Objectif : préparer les blocages, manifestations et actions de la journée du 10 septembre.
Les militants ont bien fait leur rentrée : Poing levé, France Insoumise, Union étudiante… et salariés syndiqués de l’université se relaient au micro. Quelques primo militant s’aventurent aussi à la tribune : « Est-ce quon pourrait résumer les actions qui auront lieu demain ? », ose l’une d’entre elles. Au tableau, on récapitule alors les actions décidées les semaines précédentes dans les assemblées citoyennes toulousaines. Piquet de grève à Airbus, jonction possible avec la fac de science, blocage de rond point, rassemblement devant la CPAM, la préfecture, et manifestation en centre ville en début d’après-midi sont au programme.
Dans les facs partout en France, la plupart des AG préparatoires de la journée du 10 septembre ont eu lieu ce mardi. L’Union étudiante, fédération de syndicats étudiants, décompte une trentaine d’AG dans une vingtaine de villes. À Paris, l’AG de Jussieu a rassemblé près de 250 étudiants issus des différentes facs de Sorbonne Université, 200 à Montpellier ou encore 300 à Grenoble.
La « bonne surprise » des villes universitaires plus petites
Comme à Toulouse, l’AG parisienne a d’abord voté un rassemblement le matin des étudiants sur le piquet de grève du personnel universitaire. Puis, les étudiants, lycéens et jeunes franciliens se sont donnés rendez-vous à 12h sur la place de la Sorbonne au cœur de la capitale. Avant de rejoindre la manifestation principale, en début d’après-midi, sur le secteur de Châtelet-Les Halles.
À Grenoble, les étudiants ont voté le blocage du campus le matin. Puis, un départ en petits groupes vers des points de blocage clés dans la ville, avant de rejoindre la manifestation du centre-ville à 16h.
Des villes universitaires qui ne sont pas autant au premier plan apparaissent également très mobilisées. Des AG se sont tenues à Brest, Besançon, ou encore Rouen et Saint-Étienne. « À Montpellier comme à Pau, il y a eu des AG importantes avec des volontés fortes d’étudiants et c’est une bonne surprise pour nous, car même si ce sont des villes où il y a un ancrage syndical, on ne s’attendait pas à un tel dynamisme », relève Lucie, de Solidaires Étudiant-e-s. Ce mardi midi, les étudiants réunis à la fac de lettres de Montpellier ont voté pour le blocage de leurs bâtiments demain.
En outre, tous les campus de Sciences Po seront fermés mercredi « en raison des fortes perturbations annoncées pour ce mercredi 10 septembre, susceptibles d’affecter notamment les transports, et compte tenu des nombreuses interrogations qui nous sont remontées depuis plusieurs jours par des membres de notre communauté », a fait savoir la direction. Les AG y ont rassemblé largement, avec par exemple 250 jeunes présents à Sciences-Po Strasbourg.
Appliquer les leçons apprises des échecs de la mobilisation de mars
La plupart des décisions ressortant des AG du jour visent à rejoindre les points de rassemblement à l’extérieur des universités… Sans se restreindre à la seule tentative de blocage du campus. Car dans les esprits de nombreux étudiants syndiqués, il s’agit de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’en mars dernier, lors de la mobilisation contre les coupes budgétaires dans l’enseignement supérieur et la recherche.
« C’est une des leçons que l’on a retenu de la mobilisation de l’an dernier : nous étions restés trop à l’intérieur des campus. Cette fois, l’ensemble des syndicats étudiants convergent sur l’idée d’aller plutôt hors des facs. Pour faire des jonctions, notamment sur les piquets de grève avec les travailleuses et travailleurs », évoque Lucie de Solidaires Etudiant-e-s.
« Pour nous c’est contre-productif de bloquer les universités, car on ne bloque pas l’économie quand on bloque notre fac », argumente Eloïse Lefebvre-Milon, secrétaire générale de l’Union étudiante. Depuis la mise en place des cours en distanciel pendant le Covid, les administrations réagissent vite pour vider les bâtiments sans trop de difficulté. « On a compris ces dernières années que juste bloquer nos universités et s’enfermer à l’intérieur ne fait pas trembler grand monde. D’où le fait que ce qui est vite ressorti des AG préparatoires, c’est d’aller bloquer partout à l’extérieur. »
Pour autant, l’objectif reste le même : défendre un autre budget, non austéritaire et « remettre au goût du jour ce pour quoi on s’est battus l’an dernier : l’université publique et gratuite. On n’avait pas réussi à se faire entendre de notre ministère… Alors on se dit que c’était un entraînement pour cette reprise, là, ce 10 septembre. Et que cette fois, on va faire différemment. » Certains exemples d’actions passées inspirent pour cette rentrée, comme la convergence qui avait eu lieu entre des étudiants du campus de Tolbiac et les grévistes du centre de tri de déchets à Ivry.
Avec la diversité d’actions prévue le 10 septembre et le flou organisationnel qui l’entoure, « on navigue un peu à vue », reconnaissait un enseignant présent à l’AG du personnel de Sorbonne Université lundi. Mais ce flou est perçu comme bénéfique par certains : « Au moins, il y aura une variété de tâches dans lesquelles chacun-e peut se retrouver : piquet de grève, blocages, rassemblements plus festifs et ateliers pancartes et banderoles pour ceux qui se sentent plus à l’aise pour faire cela,… » songe Lucie, de Solidaires Etudiant-e-s. De quoi répondre à la sociologie plus diverse, d’après elle, de jeunes mobilisés autour de cette date du 10.
« Beaucoup d’étudiants en ont entendu parler via les réseaux sociaux sans être syndiqués, à l’image du mouvement qui déborde la cadre syndical. En mars, on avait fait tout un travail de sensibilisation autour du budget : les syndicats étaient à l’origine de la mobilisation. Aujourd’hui, ce sont les étudiants qui viennent vers nous : on apporte du soutien, du cadre organisationnel, du prêt de matériel. La dynamique s’est inversée », assure l’étudiante syndiquée grenobloise.
Blocages de lycées
Reste l’enjeu de maintenir cette dynamique. Car si ces derniers jours, les étudiants effectuaient encore leur pré-rentrée, dans la plupart des universités, les cours commencent dès lundi prochain. Avec la pression qui va avec, et les contraintes d’emplois du temps. Garder et amplifier les forces vives, au moins jusqu’à la mobilisation interprofessionnelle du 18 septembre, sera donc un vrai défi. « Tenir dans la durée implique des AG et évènements tous les jours et ça, ça passe par les liens avec d’autres secteurs mobilisés comme la santé mais aussi et surtout les lycéens », défendait Pierre*, un étudiant présent à l’AG du personnel de la Sorbonne lundi. « Beaucoup de lycées vont être bloqués. En plus, ça donne une image “sympathique” du mouvement, avec les franges les plus jeunes de la population mobilisées ».
L’Union syndicale lycéenne estime que 20 à 30 lycées seront mobilisés en Ile-de-France. « L’appel c’est Bloquons tout, forcément ça nous a parlé puisque notre mode d’action privilégié reste le blocage des lycée », sourit Sofia Tizaoui, présidente de l’Union syndicale lycéenne. Dès la fin du mois d’août, son syndicat a lancé un appel à bloquer les lycées le 10 septembre. « On ne s’attendait pas à avoir autant de retours positifs, on hésitait parce que la rentrée n’est pas propice à lancer ce genre de mouvement », retrace cette étudiante en classe préparatoire en Seine-Saint-Denis.
Dans les grandes villes telles que Toulouse, Lyon ou encore Strasbourg, les blocages de lycées font partie du calendrier de mobilisation de la journée de demain. À Montpellier, entre 2 à 5 lycées prévoient le blocage. À Lille, « les 3 gros lycées du centre-ville devraient être bloqués », prévoit Sofia Tizaoui. Mais comme tout le reste : « on ne le saura vraiment que le jour J ».
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