Une grève du 18 octobre réussie, mais une reconduction encore incertaine. Après plus de trois semaines de grève dans les raffineries, la lutte pour les augmentations de salaire s’étend à tous les secteurs professionnels. Mais certains sont plus réactifs que d’autres.
Une journée de grève organisée en cinq jours, avec un week-end au milieu pendant lequel il est difficile de convaincre les collègues, mais une journée de grève réussie quand même. « La colère était là, les fins de mois difficiles aussi. On n’avait pas besoin de mille ans pour organiser une grève ! », nous engueule presque Sébastien Faisy, militant Sud-Rail rencontré lors de l’AG inter-service de gare du Nord.
Si on compare les différentes manifestations pour la hausse des salaires qui ont lieu depuis plus d’un an, celles de la journée du 18 octobre sont bien les plus fournies. A Paris, le cortège a retrouvé une certaine vigueur, la CGT annonce 70 000 manifestants, soit 30 000 de plus que lors de la dernière grève, le 29 septembre. Partout en France, la CGT a également dénombré plus de 150 rassemblements. La mobilisation y est soit égale, soit supérieure à celle du 29 septembre. 5000 personnes ont défilé à Marseille, selon la FSU. 10 000 à Lille selon l’intersyndicale (3 000 selon la police). 2500 à Montpellier selon le journal Midi Libre. Dans le Sud-Ouest, plus de 10 000 manifestants ont défilé dans les villes de la région, avec de fortes mobilisations à Bordeaux, Pau et Bayonne, rapporte le journal Sud-Ouest.
Grève du 18 octobre : l’ouverture des possibles
La journée peut donc servir de point d’appui à tous les salariés souhaitant lutter pour des augmentations de salaire. A l’issue de la manifestation, l’union syndicale Solidaires appelle tous les grévistes qui le souhaitent à tenir des assemblées générales pour reconduire le mouvement. Objectif : une augmentation de salaires de 400 euros pour tous, le SMIC à 1700 euros net et des écarts de salaires de 1 à 5 au maximum dans une même entreprise.
Côté CGT, on reste combatif, mais volontairement vague. Depuis le cortège parisien, Philippe Martinez a déclaré à la presse « qu’il y aura des suites à cette mobilisation interprofessionnelle ». Et pour cause : la CGT, comme les autres organisations syndicales qui ont organisé le 18 octobre (Solidaires, FSU et FO), attendent de voir quelles boîtes reconduiront encore la grève demain pour décider de la suite du mouvement. En attendant, aucune réunion intersyndicale n’est prévue : on se compte.
Chimie et énergie en tête
Même si la journée est réussie, la mobilisation reste hétérogène. Certains secteurs, comme l’énergie et la chimie, sont particulièrement mobilisés. La grève continue chez Total malgré les réquisitions. La grève chez EDF affecte 11 réacteurs nucléaire et coûte extrêmement cher à l’entreprise. De plus, les salariés de la branche des industries électriques et gazières restent également dans le mouvement. La fédération CGT de l’énergie (FNME-CGT) s’est prononcée pour une reconduction et les grévistes organisent des rotations dans certaines entreprises. « Chez Enedis, on intervient toujours sur les cas urgents mais on lance des jours de grève en rotation sur la partie commerciale de notre activité », explique Ahmed Merani, délégué syndical CGT chez Enedis à Paris.
Des lycées pros massivement en grève
La mobilisation était également très forte dans l’enseignement professionnel, où la FSU a évoqué 62% de grévistes. Dans les lycées pros, la grève du 18 octobre était préparée depuis longtemps. Les enseignants s’opposent à une réforme qui « plierait l’éducation aux besoins d’emplois locaux (voir notre article) ». En revanche la journée a été moins suivie dans l’enseignement général. Le salaire est vraiment devenu une revendication primordiale chez nos collègues, mais la journée du 18 octobre est sans doute arrivée trop vite pour qu’ils se mettent massivement en grève. « Quant à la reconduction ? il ne faut pas oublier que les vacances sont à la fin de la semaine…», rappelle Karim Bacha du Snuipp-FSU 93. En outre des blocus lycéens ont émaillé cette journée de mobilisation. Le syndicat La Voix Lycéenne compte 100 blocus à travers la France, l’Éducation nationale seulement 30.
Les yeux tournés vers les transports
C’est le secteur des transports qui pourrait peut-être rendre la mobilisation interprofessionnelle plus forte. A la SNCF, la CGT a annoncé la reconduction de la grève pour la journée de demain, mais seul un tiers des assemblées générales de grévistes réunies aujourd’hui ont voté la grève pour demain. La mobilisation est disparate avec des très fort mouvement notamment dans certains technicentres, comme celui du Landy (93) et d’autres moins mobilisés. Mauvais signe : la SNCF voit déjà la partie gagnée et prévoit un « retour progressif à la normale » mercredi sur la plupart de ses lignes de train. Côté RATP, les conducteurs de bus sont mobilisés mais la grève est inexistantes dans les métros. Et pour cause le deuxième syndicat , Fo, n’appelle pas à la suivre, malgré la position de sa confédération
Maïa Courtois et Guillaume Bernard
Crédit photo : Ricardo Parreira
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