Le projet de loi de simplification sera débattu en séance publique à l’Assemblée nationale à partir du 8 avril 2025. Censé augmenter la compétitivité des entreprises en facilitant la vie des patrons, il revient sur de nombreux acquis démocratiques au détriment des salariés.
Effacer des dizaines d’années de conquêtes sociales de la fiche de paie, démanteler les CSE ou encore réduire le délai permettant aux salariés de reprendre leurs entreprises… Les propositions antisociales ne manquaient pas dans le rapport parlementaire macroniste « rendre des heures aux Français », publié le 15 février 2024. Ce document d’une trentaine de pages devait servir de boussole au projet de loi dit « de simplification », aussi appelé « Pacte 2 ». Un texte législatif fourre-tout démantelant, entre autres, le code du travail.
Pourtant, alors que le gouvernement souhaitait passer sa loi à l’été 2024, les dissolutions et autres censures ont retardé son calendrier. Déposé au Sénat le 24 avril 2024, le texte ne sera finalement débattu en séance publique à l’Assemblée nationale qu’à partir du 8 avril.
« Depuis le rapport parlementaire, on est sur une troisième version du texte. On a quand même réussi à faire sauter certaines mesures de régressions sociales. On espère qu’elles ne reviendront pas à l’Assemblée », estime Thomas Vacheron, secrétaire confédéral CGT en charge du suivi de la loi. Pour l’heure, exit le remaniement de la fiche de paie, la restriction des délais de recours au Prud’hommes, le démantèlement des CSE, ou encore la gravissime tentative d’exempter les entreprises de moins de 50 salariés du respect des accords de branche. « Ça reste un projet de loi assassin pour les droits des salariés », complète Fabienne Rouchy, présidente du groupe CGT au Conseil économique et social (CESE). En attendant, les discussions sont vives en commission et les idées pour réduire les droits des salariés ne manquent pas.
« Ils ne veulent plus de cette démocratie »
« C’est une loi que nous attendons avec impatience », a déclaré Patrick Martin, lors de la table ronde rassemblant organisations syndicales et patronales à l’Assemblée nationale, le 11 mars 2025. Le président du Medef insistait alors sur la nécessité « d’accroître la compétitivité des entreprises alors que la concurrence s’intensifie à l’échelle internationale ». N’hésitant pas à citer « la Chine » en exemple, il ajoutait : « les enjeux liés à la directive omnibus (loi de dérégulation européenne, ndlr) sont présents dans nos esprits. »
Aussi, le projet de loi de simplification imagine de nouveaux moyens d’accélérer la création d’entreprises, en revenant notamment sur la loi ZAN (zéro artificialisation nette) ou en passant outre certains enjeux écologiques et démocratiques, pour implanter des datacenters. Bien décidés à abonder dans le sens du Medef, certains députés ont également sorti la tronçonneuse, à la Javier Milei, pour tailler dans les instances démocratiques.
Ainsi, lors du vote d’un amendement, une coalition de députés, allant de l’extrême droite au centre, a décidé de faire sauter pas moins de 32 comités consultatifs – supprimant, au passage, plusieurs centaines d’emplois. Parmi eux : l’Observatoire national de la politique de la ville, le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie, la Conférence de prévention étudiante ou encore… les Conseils économiques et sociaux régionaux (CESER), dans lesquels siègent les syndicats. « Le message est clair : ils ne veulent plus de l’avis des instances qui représentent la société civile ou les organisations syndicales. Ils ne veulent plus de cette démocratie que nous avons patiemment construite après la deuxième guerre mondiale. Pour eux, les intérêts des entreprises doivent primer. Ils se prennent pour Elon Musk. On espère tout de même que cet amendement finira par être retiré », enrage la cégétiste Fabienne Rouchy.
Tronçonneuse à géométrie variable ?
Le Medef a beau régulièrement s’élever contre « le mille-feuilles » des organisations consultatives, il compte bien en créer une nouvelle… à son service ! Fortement plébiscité par les organisations patronales, l’article 27 du projet de loi de simplification prévoyait ainsi la création d’un « Haut conseil de la simplification », qui, par certains aspects, rappelait le fameux Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), créé par Elon Musk, en vue d’opérer des coupes budgétaires.
Rattaché à Matignon, il aurait été chargé de faire passer un « test PME » à toute nouvelle proposition législative. Objectif : évaluer l’impact financier et administratif de toute nouvelle loi qui concernerait les entreprises. Jugée trop contraignante pour l’employeur, une proposition législative aurait ainsi pu recevoir un avis défavorable de la part de ce nouveau lobby pro-patronal. Bien évidemment, les organisations syndicales ont été exclues de ce « Haut conseil de la simplification ». Cohérents avec leur volonté de tronçonner à tout-va, les députés ont toutefois rejeté la mise en place du « Haut conseil de la simplification » et de son « test PME ».
Moins de pouvoir pour les salariés, plus pour les patrons
D’autres mesures, présentes dans le projet de loi, portent plus directement sur le fonctionnement des entreprises. L’article 6 prévoit par exemple de ne plus informer les salariés en cas de cessions d’entreprises et de raccourcir le délai d’une éventuelle reprise par ces derniers. Sans surprise, les organisations syndicales ont vivement critiqué cette idée : « En ce moment, des centaines de plans de licenciement sont en cours. Pourquoi mettre des bâtons dans les roues aux salariés qui veulent reprendre leur entreprise ? », interroge Thomas Vacheron de la CGT. « Avec un tel article, la reprise de Duralex n’aurait pas pu se faire », complète Patrick Privat, secrétaire confédéral de Force Ouvrière.
Autre point d’achoppement : l’article 10, qui réduit les sanctions auxquelles sont exposés les chefs d’entreprises. Ainsi, certaines peines de prison pour des atteintes aux droits du code monétaire et financier sont remplacées par de fortes amendes. « Quand on prend une voiture, on doit connaître le code de la route. Dans une entreprise, ce serait moins important ? Pourtant il y a des centaines de morts au travail par an », s’indigne Thomas Vacheron. Enfin, l’article 4 bis prévoit qu’un acteur public n’aurait plus à passer d’appel d’offres pour un marché situé en deçà de 100 000 euros, au lieu de 40 000 actuellement. « Cela simplifie peut-être la vie… mais cela permettra aussi de donner le marché à un copain, sans contrôle », tranche Patrick Privat.
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