violences extrême droite

Les violences de l’extrême droite ont doublé cet été en France [carte]


 

Lors des trois derniers mois, nous avons recensé sur notre carte autant de violences commises par l’extrême droite que lors des 6 précédents. Une accélération qui doit beaucoup au mouvement anti passe sanitaire, qui prend la rue chaque samedi depuis le 14 juillet en France. Enquête.

 

Lorsque nous avons publié notre première carte des violences de l’extrême droite, à la fin du mois de juin 2021, nous comptabilisions une trentaine de faits survenus depuis le début de l’année. Trois mois et dix jours plus tard, ce chiffre a plus que doublé et nous en sommes désormais à 64.

 

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Des manifestations anti passe propices aux violences

 

Le début de l’année 2021 a été marqué par l’épidémie de Covid-19 et des mesures sanitaires restrictives qui ont mis le militantisme, qu’il soit de droite ou de gauche, en hibernation. Il est probable que ce contexte ait eu pour effet de juguler de potentielles violences.

Mais outre la levée des mesures de confinement et de couvre-feu, la hausse des violences d’extrême droite, constatée à partir du mois de juillet, s’explique avant tout par l’apparition du mouvement anti passe sanitaire. Ainsi, sur la trentaine de nouvelles violences, 15 ont été commises lors de ces manifestations, qui ont lieu tous les samedis depuis le 14 juillet.

Né en dehors des structures syndicales et politiques habituées à descendre dans la rue, développé par un Florian Philippot qui accapare les rues parisiennes tous les week-ends depuis trois mois, le mouvement anti passe a permis à divers groupuscules d’extrême droite de prendre la rue dans de nombreuses villes, comme nous l’avons constaté lors de nos reportages à Toulouse, Nantes ou encore Lyon. Conséquence : des agressions de militants identifiés comme de gauche ont été perpétrées et des rixes entre militants d’extrême droite et antifascistes ont éclaté.

 

Le retour des rixes

 

Phénomène à peu près disparu depuis le début du mouvement des gilets jaunes, les batailles de rue opposant extrême droite et antifascistes se sont multipliées cet été. Sur les 10 rixes que nous avons recensées en 2021, 8 ont eu lieu lors des manifestations anti passe sanitaire. Une autre a eu lieu à Paris, lors d’une manifestation contre la précarité étudiante en janvier, opposant le groupuscule d’extrême droite La Cocarde à des militants antifascistes. La seule rixe qui s’est déroulée hors d’une manifestation a été déclenchée le 28 juin, par l’extrême droite lyonnaise, dans un bar lors de l’Euro de football. Les militants s’opposaient cette fois-ci à des clients et l’origine raciste de l’affrontement est fortement soupçonnée (voir carte).

 

 

L'agression : mode opératoire préféré

 

« Les militants d’extrême droite s’attaquent d’abord à des quidams, qui ne le sont toutefois pas tout à fait à leurs yeux. La mouvance est ainsi spécialiste des agressions, très largement racistes puisque motivées par la couleur de peau de la victime dans près de 70 % des cas. »

C'est la conclusion à laquelle parvient l'ouvrage, Violences politiques en France de 1986 à nos jours, qui analyse 6000 épisodes et 9200 faits de violences commis par divers groupes politiques, de l'extrême droite à l'extrême gauche en passant par les réseaux djihadistes et indépendantistes de 1986 à juin 2020.

Une constante que l'on peut observer dans notre décompte annuel puisqu'environ la moitié des violences répertoriées sont des agressions.

 

 

Si l'extrême droite n'a toutefois pas fait de mort cette année en France, l'historien Nicolas Lebourg rappelle que cette dernière y a tué 48 personnes depuis 1986, « dont 32 dans des crimes racistes commis entre 1987 et 2001 ». Si elle reste bien moins meurtrière que le terrorisme islamique - avec 289 homicides, dont plus de 150 pour la seule année 2015 - elle l'est en revanche bien plus que ce que l'historien nomme la « gauche radicale », qui compte les 3 assassinats perpétrés par le groupe Action directe et 2 morts violentes sur la même période.

Néanmoins, les préparations d'attentats sont toujours à l'ordre du jour à l'extrême droite et pas moins de quatre ont été démantelées cette année (voir carte). Le terrorisme d'extrême droite a en effet les moyens de puiser dans un véritable vivier : en 2020, la DGSI considère que le noyau dur des militants qu'elle nomme « d'ultradroite » est constitué d'environ 1 000 personnes, auxquels s’ajoutent 2 000 « suiveurs », rappelle Médiapart.

 

Lyon :  capitale de l'extrême droite

 

La « capitale des Gaules » est aussi celle de l’extrême droite. Bastion de feu Génération Identitaire, elle est la ville de France où ses violences ont été les plus nombreuses cette année, notamment du fait de l’union informelle des militants de divers groupuscules.

Attaque de la librairie anarchiste la Plume Noire, tentative d’attaque de manifestations féministes et lesbiennes et agressions de militants progressistes... à Lyon, nous recensons déjà 10 faits de violences cette année. C'est bien plus que dans toutes les autres villes françaises puisque la deuxième ville la plus touchée cette année est Toulouse avec cinq faits recensés.

À noter qu'à Lyon, les locaux (bar et salle de boxe) de feu Génération Identitaire n'ont jamais vraiment fermé malgré la dissolution de l'organisation d'extrême droite. Récemment, les militants du groupe déchu ont annoncé publiquement la fusion des deux salles en une seule nommée « Les Remparts ». Malgré les nombreux faits de violence dont ils sont à l'origine, la justice lyonnaise n'a, à ce jour, pas inquiété ces militants.

En revanche, le parquet lyonnais a placé 4 militants et sympathisants du Groupe Antifasciste Lyon et Environ (GALE) en détention provisoire et 3 autres sous contrôle judiciaire pour avoir « commis des violences en réunion sur une personne à raison de son appartenance présumée à un groupe d’extrême droite », lors d'une manifestation anti passe du 28 août 2021 (voir carte). Ces 7 personnes seront jugées par le tribunal correctionnel de Lyon, le 4 novembre 2021.

 

Méthodologie 

 

La carte distingue quatre catégories de violences : intimidation, agression, préparation d'attentats et rixes. Pour différencier intimidations et agressions, un critère a été déterminant : la volonté d’exercer une violence physique contre des personnes. Si cette volonté est manifeste, et même si les violences effectives ont finalement été empêchées par l’action de militants opposants ou par celle des forces de l’ordre, nous considérons qu’il s’agit d’une agression.

S’il n’y a pas de volonté manifeste d’exercer une violence physique, nous avons choisi la catégorie « intimidation ». Les rixes sont toutes signalées par la même iconographie, qu'elles soient à l'initiative de l'extrême droite, des militants antifascistes, ou que l'on arrive pas à déterminer « qui a commencé ». Les préparations d’attentats sont traitées à part, avec une iconographie différente.

Nous avons choisi de signaler par des couleurs spécifiques les agressions contre des élus. Non pas parce qu’ils et elles seraient des personnes plus importantes que les autres, mais parce que s’en prendre à un élu témoigne d’un sentiment d’impunité au sein de l’extrême droite qui est, selon nous, important à signaler.

Pour ce qui est de la localisation de ces violences, nous essayons d'apporter un maximum de précision. Dans la mesure du possible nous avons donc situé les faits à l'endroit même où ils avaient lieu, à la rue près. Seules 4 de ces violences, perpétrées sur internet, sont arbitrairement situées sur une île anglo-normande, pour des raisons de commodité graphique.

Précision : Nous avons choisi de ne pas répertorier les attaques racistes si elles ne sont pas le fait de personnes clairement identifiées comme des militants d’extrême droite. Ce choix est certes contestable dans la mesure où ces attaques sont souvent le fruit de la diffusion d’idées d’extrême droite et donc d’un travail de ces mêmes militants.

Pour autant, nous souhaitons que notre carte permette de mesurer le poids de l’extrême droite en France et non le niveau de racisme des Français. Dans cette optique, il y a lieu de distinguer les violences commises par une personne non affiliée clairement à l’extrême droite, de celles menées par des militants ou des personnes s'en revendiquant. C’est pour cela que vous ne trouverez pas les agressions racistes de Dole ou de Bellefort sur notre carte, aussi terribles soient-elles.

Enfin : toutes nos sources sont indiquées dans les commentaires de la carte, lorsque nous indiquons « source primaire », c'est que l'information n'est pas parue dans la presse et que nous avons eu accès à un témoignage.

PS : Notre carte est forcément encore incomplète. N’hésitez pas à nous envoyer vos informations sur le mail sécurisé : rapportsdeforce@protonmail.com