Après la faible mobilisation portée par la CGT pendant les vacances scolaires le 27 octobre, la journée de grève interprofessionnelle de ce jeudi n’a pas connu le succès de celle du 18 octobre, quand les raffineries étaient à l’arrêt. Pour autant, les conflits dans les entreprises pour réclamer des hausses de salaires se poursuivent, en attendant que la question revienne s’imposer sur le devant de la scène.
La mobilisation générale à l’appel de la CGT n’est pas au rendez-vous ce jeudi 10 novembre. À Paris, le défilé était nettement moins fourni que le 18 octobre, même si les organisateurs avancent le chiffre surprenant de 10 000 participants. « On ne va pas se le cacher : il y a moins de monde que le 18 octobre. Mais ce n’est que le début », analyse Pascal Zoublir, membre de la fédération CGT Commerces et Services, en assurant par ailleurs que pour le moment le mot d’ordre se limitait aux salaires, remettant à plus tard la bataille contre la réforme des retraites. Dans le cortège, on retrouvait en nombre les salariés de la RATP. Ces derniers étaient massivement en grève ce jeudi 10 novembre. « On est partiellement satisfait, car on est mobilisés, mais on veut voir nos revendications satisfaites maintenant », confie une des agents de la Régie. Les salariés du centre d’action sociale de la ville de Paris étaient eux aussi nombreux, et déterminés à visibiliser leur combat livré contre la mairie de Paris, pour avoir le droit à la prime Ségur.
La faible mobilisation parisienne se retrouve dans la plupart des quelques 150 à 200 rendez-vous répertoriés par la CGT sur l’ensemble du territoire. À Montpellier, moins de cinq cents personnes ont défilé dans les rues du centre-ville. Ici, pas d’ancrage visible de la grève dans tel ou tel secteur d’activité. Les cortèges réunissant les salariés d’une même entreprise sont absents. Comme dans la ville d’Occitanie, les troupes étaient moyennement fournies à Rennes : un millier de personnes, trois fois moins que le 18 octobre. Un nombre à peine supérieur à Lyon et Toulouse : 1500 personnes de sources syndicales. Ailleurs, quelques centaines de manifestants dans des villes comme Tours, Avignon, Cherbourg ou encore Brest.
La RATP rend la grève sur les salaires visible
Mais au-delà du nombre de manifestants, la grève a surtout été une grève militante, malgré quelques débrayages plus importants ici ou là, dans telle ou telle entreprise. Exception de la journée : la RATP. Là, un appel unitaire (CGT, UNSA, FO, Solidaires, La Base) à faire du 10 novembre une journée « Zéro métro, zéro RER » a mis à l’arrêt la moitié des lignes de métro et a perturbé fortement les restantes, ainsi que le trafic RER et bus.
Toujours dans les transports urbains, mais cette fois en province, des grèves significatives ont été enregistrées à Marseille, Toulouse ou Grenoble. Par contre, toujours dans les transports, à la SNCF, la grève est restée globalement cantonnée à un seuil minimum, malgré quelques régions plus mobilisées, après l’échec du lancement d’une grève reconductible au lendemain du 18 octobre.
L’inflation est toujours là, les luttes dans les entreprises aussi
Malgré la mobilisation en baisse, la question des augmentations de salaire reste d’actualité. Bien que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ait pronostiqué une décrue de l’inflation dans le courant de l’année 2023, pour l’heure, celle-ci est repartie à la hausse selon les derniers chiffres de l’Insee : +6,2 % sur les douze derniers mois. Et ce n’est pas terminé. Des hausses de prix sont encore prévues dans les secteurs de l’alimentaire et de l’énergie, en début d’année prochaine.
Par conséquent, les grèves pour des hausses de salaire ne vont pas disparaître. D’autant qu’un certain nombre d’entre elles obtiennent satisfaction. Dans le secteur de l’Énergie, les salariés d’Enedis ont arraché cette semaine une augmentation d’au moins 200 €. Ceux de GRDF continuent leur lutte, faute d’accord avec leur direction. En région parisienne les salariés de la logistique chez Geodis attaquent leur quatrième semaine de grève pour des augmentations. Et au-delà, pas une journée ne se passe sans que la presse quotidienne régionale relate la mobilisation de salariés réclamant de meilleurs salaires.
Ainsi, les grèves vont se poursuivre. Mais plutôt en ordre dispersé, dans chaque entreprise, selon les capacités d’action des salariés et selon la présence ou non de syndicat pour les organiser. Pour autant, le pari de la CGT de pousser à des grèves interprofessionnelles pour arracher au gouvernement et au patronat « l’indexation automatique de tous les salaires sur le coût de la vie » n’a pas survécu à la grève dans les raffineries. A défaut, la centrale de Montreuil a appelé à l’issue des manifestations du jour « l’ensemble des travailleur.euse.s, de la jeunesse, des retraité.e.s à rester mobilisé.e.s dans tous les secteurs professionnels, public comme privé, sur l’ensemble du territoire ». Mais sans fixer d’échéance commune pour le moment. Il faudra maintenant probablement attendre le dossier brûlant des retraites pour que les syndicats retrouvent le chemin d’un tous ensemble dans la rue et dans la grève.
Victor Fernandez, Stéphane Ortega
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