Luttes confinées, fascistes en liberté


 

D’un côté : une semaine de lutte chez les surveillants de vie scolaire, dans les théâtres et pour les salariés du diesel. De l’autre : l’attaque d’une librairie anarchiste à Lyon et l’invasion du conseil régional d’Occitanie pour dénoncer les « islamo-gauchistes ». Si les luttes de masse sont entravées par une situation sanitaire qui se dégrade, les actions coups de poing de groupuscules nationalistes, elles, ne connaissent pas la crise.

 

Grèves et manifestations

 

Fonderies : la lutte du diesel 

 

Près de 2 000 manifestants étaient rassemblés à Rodez vendredi 19 mars, pour la venue d’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie. Depuis plusieurs semaines, les salariés des usines Bosch et SAM, sous-traitantes de la filière automobile, sont mobilisés contre les suppressions de postes. Leur lutte a un écho national : les fonderies du Poitou, mais aussi de Bretagne, sont mobilisées pour la sauvegarde des emplois de la filière diesel. La Fonderie de Bretagne a été récemment mise en vente par Renault, cristallisant la colère des ouvriers. Du côté de la Vienne, les salariés de la Fonderie du Poitou Fonte bloquent depuis le lundi 22 mars l’expédition des produits, « jusqu’à nouvel ordre ».

 

Semaine de lutte pour les surveillants de vie scolaire

 

À l’appel de la coordination nationale des collectifs d’assistants d’éducation (AED), une « semaine morte » a eu lieu dans diverses académies pour exiger des contrats stables et une revalorisation des salaires. Jeudi 25 mars, à Marseille, Grenoble, Paris, Toulouse et dans d’autres villes, des rassemblements ont réuni les AED et les autres employés précaires de l’Education Nationale. Dans plusieurs départements, des établissements ont vu leurs vies scolaires être fermées ou fortement impactées par les taux de grévistes toute la semaine. Une mobilisation qui fait suite aux trois jours de grève en janvier, après un premier déclenchement inédit de la lutte en décembre 2020.

 

Rozenn contre Chronodrive

 

Mise à pied par ChronoDrive depuis près de deux semaines, Rozenn, étudiante de 19 ans syndiquée CGT, dénonce une répression de son combat contre les violences sexistes et sexuelles au sein de l’entreprise. Motif de la sanction : un tweet où elle dénonce le greenwashing de l’entreprise. Face à sa menace de licenciement, une pétition de soutien circule avec déjà plus de 20 000 signataires. Ce samedi 27 mars, un rassemblement est prévu devant l’entrepôt de Basso Cambo, à Toulouse, à 15h. Un préavis de grève a également été déposé.

 

Rassemblements avant une nouvelle journée de grève contre le projet Hercule

 

700 agents de l’énergie, élus locaux et responsables politiques se sont rassemblés jeudi à l’appel de la CGT, ainsi que de la CFDT et FO, devant la centrale nucléaire de Blaye en Gironde. Ils étaient plus d’une centaine devant la centrale nucléaire de Penly en Seine-Maritime. Un avant goût de ce que pourrait donner la 6eme journée intersyndicale de grève contre le projet Hercule qui se déroulera le 8 avril.

 

Dépôt de pétition pour la démission de Frédérique Vidal

 

Une centaine de chercheurs et étudiants se sont rassemblés à Paris ce jeudi pour remettre une pétition réclamant la démission de Frédérique Vida, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, au cabinet du Premier ministre. Elle a rassemblé plus de 23 000 signataires.

 

Bataille des théâtres : Bordeaux évacué

 

Alors que les occupations de plus de 60 théâtres, opéras scènes de danse et autres lieux culturels tiennent toujours en France, une première évacuation musclée s’est déroulée cette semaine. La mairie de Bordeaux a débouté manu militari les occupants du Grand-Théâtre de la ville, occupé depuis le 15 mars. Partout ailleurs, les occupants et militants gravitant autour de ces lieux de luttes continuent de demander le retrait de la réforme de l’assurance chômage (voir notre article).

 

Extrêmes droites

 

Attaque d’une librairie anarchiste à Lyon

 

Samedi dernier en début d’après midi, la librairie anarchiste de « La Plume Noire » a subi l’une des plus conséquentes attaques jamais pilotées par l’extrême droite radicale lyonnaise. Cette agression, menée par près de cinquante militants, témoigne d’une union des divers groupuscules de la galaxie nationaliste lyonnaise, suite à la dissolution de Génération Identitaire (voir notre article). En réaction une grande manifestation unitaire contre l’extrême droit est organisée pour le 3 avril. Les principaux syndicats et partis politiques de gauche ont déjà répondu présents.

 

Intrusion de l’Action Française au Conseil Régional d’Occitanie

 

Jeudi, un groupe de militants de l’Action Française (moins d’une dizaine de personnes), ont tenté de pénétrer dans l’hémicycle du conseil régional d’Occitanie avec une banderole « Islamo-gauchistes traîtres à la nation ». Une action symbolique qui a beaucoup ému dans la sphère politique (bien plus que l’attaque de Plume Noire) puisque Emmanuel Macron lui-même a dénoncé cette action.

 

Manifestation à Montpellier pour les 3 ans de l’attaque du commando d’extrême droite

 

En 2018, un commando constitué de figures de l’extrême droite locale expulsait violemment des étudiants qui occupaient la Faculté de Droit de Montpellier, faisant plusieurs blessés. Cette semaine, soit trois ans après ces faits, une manifestation d’une centaine de personnes a eu lieu à Montpellier. Le procès des assaillants aura lieu le 20 et le 21 mai au tribunal de Montpellier.

 

Luttes environnementales

 

Zad du Carnet évacuée

 

Née en septembre 2020, la ZAD du Carnet, dans la région nantaise, défendait 110 hectares d’espaces naturels voués à être transformés par un projet de zone industrielle du Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire. Elle a été évacuée mardi 23 mars, tôt le matin. 420 militaires ont été déployés pour l’opération. Le jour même, des rassemblements de soutien ont été organisés à Nantes et Saint-Nazaire.

 

Décrocheurs de portraits en procès

 

A Amiens, ville natale d’Emmanuel Macron, le procès d’un décrocheur de portrait de 19 ans, Gaspard, s’est tenu le mardi 23 mars. Le parquet a requis 250 euros d’amende avec sursis pour vol, et 250 euros avec sursis également pour refus de prélèvement d’ADN. ANV-COP21 espère la relaxe : « face à l’urgence climatique, la désobéissance civile permet de défendre devant la justice la légitimité de notre action et de nos revendications », a défendu Doris Marchand, porte-parole. La longue série de procès des décrocheurs est loin d’être finie : le prochain se tiendra le lundi 29 mars à Marmande, puis le 30 mars à Bordeaux, ou encore le 2 avril à Toulouse. Ces procédures se poursuivent alors que des marches pour le climat sont prévues dimanche 28 mars dans toute la France.

 

Rémi Fraisse : la cour de cassation confirme le non-lieu

 

La Cour de Cassation a confirmé, mardi 23 mars, le non-lieu dans l’affaire Rémi Fraisse. Ce manifestant écologiste avait été tué il y a six ans sur le site du barrage de Sivens, dans le Tarn, par une grenade offensive lancée par un gendarme. Après un premier non-lieu en 2018, confirmé en 2020 par la cour d’appel de Toulouse, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de la famille. Celle-ci compte saisir la Cour européenne des droits de l’Homme.

 

Hébergement, précarité

 

Mise à l’abri de 500 personnes à Paris

 

Près de 500 personnes ont été mises à l’abri suite à une action du collectif Réquisitions, jeudi 25 mars, place de la République à Paris. Dans la soirée, des centaines de tentes ont été amenées afin de visibiliser les personnes laissées sans-abri en Ile-de-France malgré leur droit inconditionnel au logement – en particulier des demandeurs d’asile et des réfugiés. Cette action était concomitante à la quatrième « Nuit de la Solidarité » visant à faire le décompte annuel des personnes sans-abri dans Paris. Elle fait suite à une opération similaire, le 23 novembre 2020, qui s’était terminée par une évacuation policière violente et sans mise à l’abri conséquente.

 

Journée européenne pour le logement

 

Ce samedi 27 mars, des manifestations se tiennent dans une trentaine de villes de France pour le droit au logement, l’arrêt des expulsions, la construction de logements sociaux et la baisse des loyers. Elles s’inscrivent dans le cadre de la journée de mobilisation européenne pour le logement, courant dans 21 pays d’Europe. À Berlin, Athènes, Bruxelles ou encore Barcelone, des locataires manifestent en faveur d’un logement abordable et décent. Dans la capitale allemande, des dizaines de milliers de manifestants ont récemment obtenu un plafond maximal des loyers privés à 12 euros le mètre carré.

 

Le CESE écarte les voix des plus précaires

 

Les associations de lutte contre la pauvreté dénoncent la nouvelle composition du Conseil économique, social et environnemental (CESE), présentée début mars. Dans cette instance consultative, censée être représentative de la société civile, les acteurs de la précarité et de l’hébergement ne disposeraient plus que de deux sièges sur 175. Soit 1,14 % du total : « on est donc très loin d’une représentation juste des 15 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France » déplorent 35 associations, réunies au sein du collectif Alerte, dans un communiqué. Elles y dénoncent une sous-représentation « dommageable dans le contexte de crise sanitaire, économique et sociale qui frappe le pays depuis plusieurs mois et aura des répercussions sur les années à venir ». ATQ Quart Monde, qui siégeait au CESE depuis 1979, perd notamment sa place.

 

International

 

Amazon : l’Italie en lutte

 

Une vague de révolte chez le géant du e-commerce ? Lundi 22 mars, une grève nationale de 24 heures des employés d’Amazon en Italie a réuni près de 9 000 salariés, selon les syndicats. Cela représente près de 75 % des effectifs. En comptant les chauffeurs et les fournisseurs de services, près de 40 000 travailleurs liés à Amazon auraient été impliqués dans ce mouvement, toujours selon les syndicats. Ils dénoncent leurs conditions de travail, aggravées par la pandémie, et demandent le respect des normes sanitaires, un allègement de leur charge de travail et une revalorisation salariale. Inédit également : le 29 mars, les 5 600 salariés de l’entrepôt Amazon d’Alabama, aux États-Unis devraient quant à eux se prononcer sur la création d’un syndicat.

 

Près de 300 morts en Birmanie

 

Malgré les décès de plusieurs personnes en marge des manifestations jeudi 25 mars contre la junte militaire en Birmanie, portant le bilan à près de 300, de nouvelles mobilisations ont eu lieu vendredi 26, en particulier à Rangoun et Mandalay. 600 personnes détenues ont été libérées mercredi 24 mars, sur les 2 800 arrêtées depuis le 1er février, date du coup d’État militaire. Parmi ces derniers, plusieurs responsables syndicaux. Début mars, un appel à la grève générale avait en effet été porté par 18 organisations syndicales. Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a adopté une résolution condamnant « l’usage disproportionné de la force » dans le pays. Plusieurs groupes seraient en train de se préparer en vue d’une riposte.

 

Israël : Netanyahu cherche majorité

 

Les élections législatives israéliennes, qui se sont tenues mardi 23 mars, ont laissé la première place au parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Mais avec une courte avance : les résultats ne donneraient à son parti (et ses alliés habituels) que 52 sièges sur les 120 de la Knesset, le Parlement de l’État d’Israël. A la tête du pays depuis 2009, Netanyahu devra donc composer de nouvelles alliances pour asseoir sa majorité, maintenir sa survie politique, et espérer continuer à échapper aux poursuites dans les trois affaires de corruption qui le concerne.

 

Et aussi

 

Procès Ikea

 

Les patrons et cadres d’Ikea ont-ils espionné leurs salariés grâce à des fichiers policiers ? C’est une des questions auxquelles doit tenter de répondre le procès du magasin Ikea ouvert à Versailles le 22 mars et qui devrait durer jusqu’au 4 avril. Parmi la quinzaine de prévenus, on trouve des responsables de la filiale française du géant du meuble mais aussi des fonctionnaires de police.

 

Procès de l’accessibilité

 

« Procès de l’accessibilité », l’audience qui a eu lieu ce 23 mars à Toulouse l’a été à double titre. A la fois parce qu’elle vient sanctionner un mode de lutte (le blocage d’aéroports, de trains, d’entreprise) employé par 16 militants handicapés en 2018 pour dénonce le manque d’accessibilité des logements et des équipements, mais aussi parce que l’accessibilité de l’audience elle-même n’a pas été garantie pour les prévenus. Impossibilité d’accéder aux toilettes ou encore de rentrer chez eux après 20h (et l’audience s’est terminée à 22h) les prévenus et leurs avocats ont déploré les conditions dans lesquelles ils ont été reçus. Quant au procès en lui-même : le tribunal doit rendre sa décision le 4 mai.

 

Début élections dans les très petites entreprises (TPE)

 

Depuis lundi 22 mars, et jusqu’au mardi 6 avril, 5 millions de personnes employées dans des entreprises de moins de 11 salariés vont pouvoir voter pour leurs représentants syndicaux. Lors des dernières élections début 2017, seuls 330 000 salariés, soit 7,3 % des inscrits, avaient voté. La CGT était arrivée en tête, devant la CFDT et FO. Résultats en juillet prochain.