Un Premier ministre qui bidouille un document de projection sur l’épidémie de Covid-19, des ministres, à l’instar de Jean-Michel Blanquer, qui tordent la réalité au point de friser le mensonge, des sénateurs qui laissent libre cours à leurs fantasmes lors de l’examen de la loi sur le séparatisme. Entre stratégie de gouvernance et bas calculs politique : une semaine de pouvoir hors-sol.
Grèves et manifestations
Démantèlement d’EDF : face à la grève le projet avance
Ce jeudi, les salariés d’EDF ont organisé une sixième journée de lutte contre le démantèlement annoncé de leur entreprise dit « projet Hercule ». Toujours très suivie, la grève a rassemblé plus de 20% des salariés du deuxième producteur d’électricité au monde, d’après les chiffres de la direction. Mardi, le gouvernement et le patron d’EDF avaient reçu l’interfédérale (CGT-FO-CFE-CGC-CFDT) et tenté de désamorcer leur opposition en présentant un projet revu à la marge (voir notre article). Une tentative restée lettre morte à ce jour.
Les théâtres occupés depuis un mois
Le mouvement d’occupation se poursuit pour réclamer le retrait de la réforme de l’assurance chômage, une nouvelle année blanche pour les intermittents et des échéances d’ouverture des lieux de culture. Plus d’une centaine de lieux sont maintenant occupés. De nombreuses actions ont ponctué la semaine, comme celle, jeudi, de l’occupation à Paris de la Direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Une date de convergence pour réclamer l’abrogation de la réforme de l’assurance, avec des préavis de grève, fait son chemin pour un prochain vendredi de la colère. Ce sera le 23 avril.
Fonderies en lutte
Une journée « fonderies mortes » était appelée ce jeudi par la fédération de la CGT métallurgie alors que beaucoup d’entre elles sont fragilisées par la fin des moteurs diesels, programmée pour 2040 (voir notre article). L’appel a été particulièrement suivi dans les entreprises déjà en lutte comme à la SAM (Aveyron), placée en redressement judiciaire en 2020 ou encore par les salariés de la Fonderie de Bretagne, qui ont, à l’occasion, bloqué l’entrée de leur site.
Les AESH dans la rue contre la précarité de leur métier
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) étaient de nouveau en grève jeudi 8 avril. Dans cette profession où règnent le turn-over, les temps partiels et les salaires inférieurs au seuil de pauvreté, la mobilisation prend de l’ampleur depuis quelques mois : cette journée du 8 avril, portée par une large intersyndicale, fait suite à celle du 26 janvier. Outre la reconnaissance d’un réel statut pour sortir de la précarité, les AESH revendiquent l’arrêt de la réforme des pôles inclusifs (PIAL), en cours de déploiement depuis la rentrée 2019. Derrière un discours gouvernemental prônant l’inclusion scolaire, les professionnels dénoncent ces PIAL comme un système de mutualisation des moyens, dégradant l’accompagnement des élèves.
Grève reconductible dans le travail social et médico-social
C’est une mobilisation inédite par sa forme : trois jours de grève reconductible, dans le secteur, d’ordinaire très morcelé, du social et du médico-social. Les 7, 8 et 9 avril, dans une cinquantaine de villes en France, les professionnels du handicap, de la protection de l’enfance, de l’hébergement et d’autres métiers de l’accompagnement, étaient dans la rue. Des piquets de grève ont été organisés devant des établissements ou des services en lutte, ainsi que des temps de manifestations collectives, notamment devant les Agences régionales de santé.
Mobilisation de la fonction publique
Contre la loi de transformation de la fonction publique, les organisations syndicales ont porté une journée de mobilisation des fonctionnaires, mardi 6 avril. Au-delà de l’abrogation de la loi, les revendications portaient sur la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de recrutement, une revalorisation des salaires, et le dégel du point d’indice. Certaines jonctions se sont faites, localement, avec la grève des travailleurs sociaux et médico-sociaux, ou avec celle des AESH, deux jours plus tard.
Les syndicats contestent le PSE chez Flunch
Une centaine de salariés de Flunch ont manifesté à Roubaix mardi devant le siège de l’Association familiale Mulliez (AFM), la structure juridique qui détient la marque Flunch. Une intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO) conteste le périmètre du PSE qui prévoit la suppression de 1244 emplois sur 5000 et la fermeture de 57 de ses 257 magasins. Elle réclame que les reclassements s’effectuent au sein des entreprises de la galaxie Mulliez, 6e fortune de France, et non au sein des seuls magasins Flunch restants.
Harcèlement sexuel à la RATP : rassemblement de soutien à Ahmed Berrahal
La CGT RATP a organisé un rassemblement jeudi 8 avril, en soutien au délégué syndical Ahmed Berrahal. Ce dernier est sous le coup d’une procédure disciplinaire, et menacé de licenciement, après avoir dénoncé des violences sexistes et sexuelles au sein de la RATP. Référent harcèlement au dépôt de Pantin (Seine-Saint-Denis), il a dénoncé plusieurs faits en 2020, dont une agression sexuelle pour laquelle la collègue concernée a déposé une main courante. Ahmed Berrahal est accusé par sa hiérarchie de harcèlement moral vis-à-vis d’un agent. De son côté, il dénonce une répression syndicale. L’affaire fait écho à celle de Rozenn, de Chronodrive, licenciée après avoir été cheffe de file d’une lutte interne contre le sexisme.
Nouvel acte des Soulèvements de la Terre
Ce week-end du 10 et 11 avril se tient le deuxième acte d’une campagne de défense des terres agricoles lancée courant mars : les Soulèvements de la Terre. Plusieurs collectifs et associations écologistes portent ces initiatives. Après une première journée aux Vaîtes, à Besançon, contre un projet d’écoquartier menaçant des terres maraîchères et des zones humides, une importante mobilisation a lieu à Rennes. Elle vise à défendre La Prévalaye, un espace naturel de 450 hectares, menacé par l’extension des infrastructures du Stade rennais.
Retour devant les prud’hommes pour les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles
Mercredi, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles se sont réunies devant les prud’hommes avant une audience qui a marqué une étape dans ces 20 mois de luttes. Le 26 novembre dernier, un premier jugement des prud’hommes avait rejeté leur demande de reconnaître l’existence d’un prêt de main-d’œuvre illicite entre leur entreprise sous-traitante et le groupe Accor. Les femmes de chambre ont fait appel, et demandent toujours l’internalisation mais cette fois sur la base des discriminations raciales et sexistes dont elles estiment être victimes.
Manifestation antifasciste ce samedi à Paris
Une coordination de syndicats et collectifs engagés contre l’extrême droite appelle à manifester à Paris samedi 10 avril.
Assemblée nationale, sénat, gouvernement
Sénat : série d’amendements contre un « séparatisme » fantasmé
Depuis une semaine, les amendements votés par le Sénat au projet de loi « séparatisme » pleuvent. Une surenchère dans l’offensive, à peine dissimulée, contre les musulmans et les classes précarisées. Dernier en date : la coupure des allocations familiales pour les parents d’élèves faisant preuve d’absentéisme scolaire. Pour le reste, les sénateurs ont voté pour l’interdiction du burkini dans les piscines, du port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives nationales… Ou encore pour l’interdiction des « prières de couloirs » dans les universités. Mi-mai, les parlementaires seront réunis en commission mixte paritaire, pour trouver un compromis sur ce texte.
Blanquer l’informaticien
Nous avions déjà un président épidémiologiste, voilà un ministre de l’Éducation qui s’aventure sur le terrain de la sécurité informatique. Mardi 6 avril, premier jour des cours à distance après la décision de fermeture des établissements scolaires, les serveurs des espaces numériques de travail (ENT) n’ont pas tenu dans plusieurs régions. Comme il y a un an. Pour se défendre de l’accusation d’impréparation, Jean-Michel Blanquer a invoqué une cyberattaque venue de l’étranger et l’incendie du mois dernier chez OVHCloud à Strasbourg. Manque de bol, au moins sur une des deux lignes de défense du ministre, le directeur général d’OVH a renvoyé Blanquer dans les cordes : « OVHcloud n’est pas responsable des dysfonctionnements de certains services d’éducation à distance. L’incendie de Strasbourg n’a aucun lien avec ces derniers. Des régions ENT affectées et des applications indisponibles ne sont pas hébergées chez Ovhcloud ! ». Pas facile la sécurité informatique.
L’Unédic met Borne en PLS
« Il est faux de dire que des centaines de milliers de chômeurs verraient leurs allocations baisser », tentait Élisabeth Borne, fin mars sur l’antenne d’Europe 1. La ministre du Travail expliquait que parler du montant mensuel de l’allocation était une présentation biaisée, considérant qu’avec la réforme de l’assurance chômage, les indemnités seront versées plus longtemps. Une façon de voir contredite par la nouvelle étude d’impact de l’Undédic jeudi dernier. Celle-ci confirme une baisse des allocations mensuelles pour 1,15 million de demandeurs d’emploi, mais aussi une reprise d’emploi avant le terme des allocations pour une part non négligeable des chômeurs. Et 2,3 milliards d’économies faites sur leur dos (lire notre article).
Brune Poirson rejoint Accor
Côté pile, le groupe hôtelier Accor refuse d’internaliser les femmes de chambre de ses entreprises sous-traitantes, alors que celles-ci dénoncent des conditions de travail insoutenables – à l’instar des grévistes de l’Ibis Batignolles, en lutte depuis 20 mois. Côté face, il déroule le tapis rouge à Brune Poirson, l’ex-secrétaire d’État à la transition écologique. Selon nos confrères du JDD, la députée du Vaucluse, qui a officialisé sa démission mardi, devrait rejoindre la direction du développement durable du groupe.
Castex trafique ses graphiques
Médiapart révèle : « le 28 janvier, le Premier ministre a présenté un diaporama contenant des erreurs et des “projections” qui n’en étaient pas. Le principal graphique est copié-collé d’un document remis la veille par un épidémiologiste à Jean Castex, mais ensuite retouché, et dont le sens a été altéré. »
International
Pas de syndicat chez Amazon US ?
Les salariés de l’entrepôt de Bessemer en Alabama ne pourront sans doute pas se syndiquer. C’est ce que porte à croire le dépouillement de près de la moitié des votes exprimés, avec 1100 voix se prononçant en défaveur de la création d’un syndicat quand seulement 463 sont pour. La pression mise par la multinationale sur ses employés n’est pas étrangère à ce résultat, commente le syndicat américain ayant organisé le vote (voir notre article).
Birmanie : une répression systématique
Le bilan de la répression exercée par la junte contre les opposants au coup d’État du 1er février a dépassé les 600 morts ce vendredi. Sans compter les centaines de personnes disparues et les nombreuses arrestations (plus de 2800). Enfin, le pouvoir birman a dressé une liste de 120 personnalités à arrêter, dont une jeune star birmane, acteur et chanteur suivi par des millions de fans dans le pays. Le régime fait fi des critiques internationales, se permettant même d’ignorer l’émissaire de l’ONU Christine Schraner Burgener, en tournée en Asie.
L’Irlande du Nord se déchire à nouveau
Depuis le 29 mars, on dénombre onze nuits d’émeutes dans différentes villes d’Irlande du Nord, principalement menée par des jeunes. La nuit du 7 au 8 avril a vu l’intensité grimper d’un cran : des affrontements ont eu lieu entre unionistes – protestants s’identifiant comme Britanniques -, et républicains – catholiques s’identifiant comme Irlandais. Les raisons de cette colère, comme l’explique Le Monde, sont enchevêtrées. La toile de fond est celle de la précarité dans les quartiers mobilisés. Mais ce sont les conséquences du Brexit qui sont en première ligne. Début janvier, une frontière commerciale a été instaurée dans la mer d’Irlande avec la Grande-Bretagne. Les unionistes voient dans cette séparation une forme de trahison, et de discrimination. Côté républicains, cela relance la volonté d’unifier l’Irlande, dans une même zone économique. D’une ampleur grandissante, ces tensions ravivent les plaies de la guerre civile de 1969 à 1998.
Derrière la vente de Rafale, une corruption qui éclabousse les autorités françaises
C’est une affaire qui secoue l’Inde, et dont les médias anglo-saxons se sont aussi emparés. En France, ce fut silence radio, pendant plusieurs jours. Pourtant, l’enquête de Mediapart révélant des faits de corruption derrière le juteux contrat de vente de 36 Rafale à l’Inde, en 2016, pour près de 8 milliards d’euros, est édifiante. Elle retrace les commissions occultes versées par Dassault et Thales à un intermédiaire indien, à hauteur de plusieurs millions d’euros. Surtout, elle revient sur la façon dont le scandale a été enterré par l’Agence française anticorruption et le Parquet national financier. Plusieurs responsables politiques dont François Hollande, Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian sont éclaboussés par cette affaire, résumée ici en vidéo.
Et aussi
Un poisson d’avril qui tourne mal
A-t-il dîné dans des restaurants clandestins et croisé des ministres, comme il l’avait affirmé, où ses déclarations n’étaient elles qu’un poisson d’avril ? Toujours est-il que le parquet a pris les propos de Pierre-Jean Chalençon, diffusés dans un reportage de M6, plutôt au sérieux puisqu’il a ouvert une enquête et procédé à la perquisition au Palais Vivienne, son lieu de réception, ainsi qu’au domicile parisien du cuisinier Christophe Leroy, soupçonné d’avoir organisé de luxueux repas clandestins, notamment au Palais Vivienne.
Diversion d’énarque
Pendant que certains membres de son gouvernement ripaillent, Emmanuel Macron, lui, lutte concrètement contre la déconnexion des élites françaises. Ou fait semblant. Comme lors de la crise des gilets jaunes, il ressort sa bonne vieille rengaine de la dissolution de l’ENA. Elle serait remplacée par une nouvelle entité : l’Institut du service public (ISP)… Une modification à la marge qui masque mal l’inertie du pouvoir en place
Obstruction parlementaire contre la fin de vie
L’Assemblée nationale devait débattre jeudi 8 avril d’un projet de loi sur la fin de vie (euthanasie). Mais plusieurs députés Les Républicains ne lui ont même pas laissé sa chance puisqu’ils ont déposé plus de 2 000 amendements au projet repoussant ainsi considérablement son adoption.
Nouvelle entrave à la couverture médiatique de la politique migratoire
Deux photojournalistes italiens ont été retenus en garde à vue à la frontière franco-italienne, au poste de la PAF (police aux frontières) de Montgenèvre, dans la nuit du 5 au 6 avril. Selon les associations locales dont Tous Migrants, ils ont dû répondre à trois interrogatoires successifs, avant d’être relâchés vers 11h du matin. Cet épisode s’inscrit dans une multiplication des entraves au travail de documentation sur les agissements policiers envers les exilés, de Calais à la frontière franco-italienne.
Faisons face ensemble !
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